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Les mesures d’accompagnement

 

Il y a environ six semaines, nous avons commencé à décrire les différentes mesures prises dans le cadre du projet pilote de réforme agraire dans le Bas Artibonite. Dès le départ, nous avions signalé que ce projet pilote ne visait pas seulement à mettre fin aux affrontements violents, mais aussi à relancer la production agricole (voir HEM, Vol. XIX, No. 44,du 30/11-06/12/05).

 

Tout au long des articles qui ont suivi, nous avons parlé des mesures visant à garantir la sécurité foncière sur les fermes touchées par l’expérience : définition des droits (HEM, No. 45), l’identification des biens (HEM, No. 46), l’identification des personnes (HEM, No. 47), l’attribution des parcelles (HEM, No. 48), l’organisation des fermes réformées (HEM, No. 49).

 

Cependant toutes ces mesures ne touchent qu’un seul des moyens nécessaires au bon déroulement des activités de production : la terre. Une politique visant à relancer la production agricole doit également inclure des mesures touchant les autres facteurs : le travail, le capital, les débouchés, et, dans ce qui suit, nous allons tenter de voir ce qui a été fait à ce niveau.

 

Il est néanmoins important de signaler, d’entrée de jeu, que ces mesures ne relevaient pas de la compétence de l’INARA, mais de celle des autres instances du Ministère de l’Agriculture en particulier l’ODVA et le BCA, avec l’appui de la Mission Chinoise (Taiwan) présente sur le campus de l’ODVA. C’est ce qui explique que, dans le vocabulaire interne de l’INARA, toutes les mesures touchant à l’encadrement technique des planteurs, à l’approvisionnement en intrants, au crédit et aux équipements, ont été désignées sous les termes de « mesures d’accompagnement ».

 

Compte tenu du fait que nous n’avions pas la maîtrise de ces interventions, nous préférons les aborder par le moyen d’une étude réalisée par Nora Brutus dans le cadre de la présentation de son mémoire de licence à la Faculté des Sciences Humaines.[10]

 

En ce qui concerne l’encadrement technique des planteurs, Nora Brutus nous informe que « L’ODVA intervient surtout auprès des planteurs en leur proposant un paquet technologique allant du choix des variétés jusqu’à la récolte. Ceci se fait en deux moments : dans un premier temps, l’organisme prépare, pour les bénéficiaires, des calendriers pour les différentes campagnes rizicoles ; puis, avec l’aide des Taiwanais, il organise, à chaque campagne, une formation pour 25 personnes pour chaque périmètre pendant trois jours à raison de 2 heures. Dans cette formation, l’emphase est surtout mise sur les méthodes culturales modernes et les itinéraires techniques. Tout ceci, pour faire comprendre aux planteurs l’importance d’une bonne semence. Par ailleurs, il réalise des parcelles de démonstration où il utilise tout le paquet proposé et assure en même temps le suivi des activités de terrain ».

 

Le second grand volet de ces mesures d’accompagnement touche à l’approvisionnement en intrants, en particulier les semences et les engrais. Ici encore, nous faisons appel à Nora Brutus.

 

« Pour les semences, avec l’appui de la Mission Chinoise, le centre semencier de Déseaux produit des semences améliorées qui permettent aux bénéficiaires d’obtenir de meilleurs rendements. La production se réalise ainsi : le centre produit des semences de base sur la ferme expérimentale à Mauger puis, il les vend aux planteurs multiplicateurs qui produisent à leur tour des semences commerciales. Les semences de base sont obtenues à partir de nouvelles variétés triées aux champs et testées en laboratoire. Après la multiplication, le centre les rachète pour l’ODVA qui se charge de l’écoulement de ces semences améliorées en donnant la priorité aux bénéficiaires de la réforme agraire. Notons, par ailleurs, que ce centre a été créé en 1986 par l’ODVA et la BID ».

 

« En ce qui a trait à l’engrais, le MARNDR a pris des mesures pour que les bénéficiaires puissent acheter à un prix subventionné. Ainsi, il a mis un stock d’engrais à la disposition du BCA (Bureau de Crédit Agricole) qui se charge de la gestion financière. Les prix de vente sont fixés en fonction de la quantité achetée et, pour limiter le nombre de petits détaillants et la fluctuation des prix, le barème fixé va de 50 à 500 sacs. Par exemple, pour un achat de 500 sacs d’Urée ou de Complet, le coût unitaire revient à $H 23,60 (INARA, 2000 :49). Contrairement au crédit agricole destiné uniquement aux bénéficiaires de la réforme, tous les planteurs de la Vallée ont pu bénéficier de la subvention de l’engrais ».

 

Le troisième volet est le crédit. « Le Bureau de Crédit Agricole (BCA), financé par le trésor public, était l’instance chargée de la distribution du crédit. Il était prévu, pour chaque bénéficiaire, un prêt d’une valeur de cinq (5) mille gourdes remboursable en deux versements à intervalle de sept (7) mois. Pour assurer la gestion du crédit, un bureau a été ouvert à l’intérieur de l’ODVA à Pont Sondé. Ce bureau fonctionnait avec un personnel de trois membres : un responsable de crédit, un technicien agricole et un technicien agricole-comptable.

 

Dans un premier temps, le BCA distribue le crédit par l’intermédiaire de la coopérative de cautionnement et de gestion (CCG) qui jouait le rôle d’opérateur financier. Par la suite, la forte pression de la demande des bénéficiaires fait entrer, dans le circuit du crédit, d’autres opérateurs financiers comme KODEL (l’Estère), KPID (Kès Popilè Inyon Dedin), KOPECHE, SOCOLAVIM (Société Coopérative pour La Vie Meilleure, St Marc). Le crédit était attribué selon un taux de remboursement de 5 % pour les intermédiaires financiers et 20 % pour les bénéficiaires pour l’année. Par ailleurs, le bénéficiaire ne reçoit que les 97 % du prêt. Les 3 % restant couvrent  les frais de dossier, de la caisse et des comités de gestion à raison de 1 % chacun. Ce qui élève le taux de remboursement du bénéficiaire à 23 %. »

 

Pour en finir avec les mesures d’accompagnement, nous devons dire un mot de ce qui a été fait au niveau des équipements. Pour répondre aux demandes réitérées des planteurs, il fut décidé d’acquérir des motoculteurs qui seraient mis à leur disposition. Avec cette mesure on essayait de toucher à deux points à la fois.

 

Tout d’abord, ces motoculteurs devaient permettre une préparation plus rapide des parcelles avant la plantation. Mais on espérait, en même temps prendre une première mesure en vue de la création d’emplois non directement agricoles. Chaque motoculteur devait être donné, à crédit, à un groupe de trois personnes, choisies parmi les candidats à recevoir de la terre et remplissant les conditions, mais qui n’en avaient pas reçu parce qu’il n’y en avait pas suffisamment.

 

L’idée était d’arriver à la création de petites entreprises qui vendraient les services de labourage aux planteurs et seraient ainsi en mesure de rembourser le prix du motoculteur. On se disait même, qu’avec l’apparition de petites entreprises d’entretien et de réparation de ces motoculteurs, on verrait se constituer au fur et à mesure un autre secteur d’activité.

 

Malheureusement, cette idée n’a pas pu s’imposer et les motoculteurs ont tout simplement été distribués au Comités de Gestion.

 

Bernard Ethéart

HEM, Vol. XIX, No. 50, du 11-17/01/06