Identification des personnes
Après la définition des droits (voir HEM, Vol. XIX,
No. 45, du 07-13/12/05) et l’identification des biens (voir HEM, Vol. XIX, No.
46, du 14-20/12/05), l’INARA devait également s’attaquer au troisième élément
de la garantie foncière : l’identification des personnes. Avec cependant
une nuance, il ne s’agissait pas d’identifier les personnes prétendant avoir
des droits sur la terre, mais les personnes autorisées à la cultiver.
On se souvient que c’est à ce niveau que se situe l’un
des éléments ayant provoqué la reprise des conflits à partir de 1986. En effet,
et ce fut particulièrement le cas à Bocozelle, le grandon, en récupérant les
terres dont l’Etat avait pris possession en vertu de la loi d’exception du 28
juillet 1975, voulut punir les fermiers qui avaient travaillé sur la terre
pendant le régime de la loi d’exception. Il les chassa donc et engagea d’autres
métayers (voir HEM, Vol. XIX, No.42, du 16-22/11/05).
En vue de prévenir tout soupçon de favoritisme, il fut
décidé que l’identification des personnes, devant bénéficier d’une parcelle sur
les périmètres dont l’INARA avait pris possession, serait faite au niveau de la
population. C’est dans ce but que fut mis sur pied un deuxième type
d’institution à travers lequel la participation de la population deviendrait
effective.
On a déjà parlé du premier type, le Comité de Suivi de
l’ODVA (voir HEM, Vol. XIX, No. 44, du 30/11-06/12/05) ; mais il faut
signaler que, avec le lancement de l’expérience pilote de réforme agraire en
novembre 1996, le Comité de Suivi a vu son champ de compétence s’élargir pour
inclure :
-
participation au
choix des périmètres qui feraient objet des mesures de réforme,
-
participation à
l’établissement des critères de choix des bénéficiaires,
-
participation à
la définition du mode de désignation des bénéficiaires,
-
participation à
l’établissement des conditions d’attribution.
Le deuxième type fut le Comité d’Appui. L’idée du
comité d’appui avait été lancée par Josué Domond, Chargé d’Appui à l’Animation
et à la Structuration (CAAS) à la Direction Technique de l’INARA, à l’époque où
nous cherchions un mécanisme de coopération avec les organisations paysannes du
Nord-Est. Le principe de leur formation est identique à celui qui a été utilisé
en d’autres occasions. Il s’agit de recenser les organisations existant dans
une zone définie, commune, section communale, et de les inviter à désigner une
ou deux personnes qui les représenteraient au sein de l’instance à créer.
Dans le cas de nos comités d’appui, nous avons élargi
le cadre en ajoutant, aux représentants des organisations,
-
un représentant
du Conseil Communal,
-
un représentant du
CASEC
-
un représentant
du Comité de Suivi.
Quatre comités d’appui furent mis sur pied, dans les
quatre zones où se trouvaient les périmètres choisis pour faire l’objet des
mesures de réforme :
-
commune de
l’Estère, pour le périmètre objet du conflit Attié-Bricourt,
-
commune de
Desdunes, pour le périmètre Trois Bornes,
-
5ème
section communale de St Marc, pour le périmètre Bertrand St Ouen à Bocozelle
-
2ème
section communale de Marchand-Dessalines, pour le périmètre de Déseaux.
Bien que, dans le cas de l’expérience pilote,
l’incitation à créer les comités d’appui était, en premier lieu,
l’identification des personnes, devant bénéficier d’une parcelle sur les
périmètres dont l’INARA avait pris possession, nous sommes revenus à la
conception initiale du comité d’appui, désigné comme le premier partenaire de
l’INARA dans la commune ou la section.
En ce sens, les comités d’appui devaient appuyer
l’INARA sur divers points :
·
Contacts avec la
population :
o
Informer sur la
réforme agraire,
o
Recevoir les
revendications de la population,
·
Inventaire des
terres de l’Etat dans la commune ou la section,
·
Inventaire des
terres aux mains de grandons et des conditions d’exploitation,
·
Etablir des
dossiers sur les conflits,
·
Préparer la
liste des bénéficiaires potentiels,
·
Organiser la
formation des comités de gestion,
·
Etudier les
projets qui pourraient être exécutés,
·
Analyser les
rapports des comités de gestion,
·
Chercher les
solutions pour ceux qui n’ont pas pu obtenir de terre.
Programme ambitieux, s’il en fut et il faudra
peut-être un jour, analyser, à lumière des résultats, si ses auteurs ont
vraiment été de grands naïfs ou si ce programme a tout simplement été torpillé
par ce virus qui affecte toutes les initiatives généreuses : la politique.
Quoiqu’il en soit, les quatre premiers comités d’appui
se mirent en demeure de procéder à l’indentification des bénéficiaires, à
partir de critères établis au cours de séances de travail auxquelles ont
participé, sous la présidence du Ministre de l’Agriculture, des représentants
de l’INARA, de l’ODVA et du Comité de Suivi.
Critères pour le Choix des Bénéficiaires
1.
la terre sera
attribuée à des familles, la famille étant définie comme un groupe des
personnes vivant « au même feu et au même lieu ».
2.
les familles
bénéficiaires seront celle vivant dans les localités avoisinant les
périmètres :
·
Lestère,
Grandrak, Ti Dedin, Penyen I et II, pour Lestère ;
·
Otè
Dakey, Nan Lakou, Lòt Bò Kannal, Dekawo, pour Trois Bornes;
·
Dezo, Otfey,
Jilbè, pour Déseaux ;
·
Bokozel,
Wo ak Ba Womèt, Bochro, Chatlen, Paskano, pour Bokozelle.
3.
les familles qui
étaient déjà sur la sur la terre seront prioritaires
4.
les familles les
plus nécessiteuses auront priorité ; l’ordre de priorité est ainsi établi:
·
Familles qui
n’ont pas de terre,
·
Familles qui
travaillent sur moins de ½ hectare en faire valoir indirect,
·
Familles qui
possèdent moins de ½ hectare,
5.
les familles qui
n’ont pas de terre, mais ont d’autres sources de revenu : activités
professionnelles, boutique, banque de borlette etc, sont exclues.
Dans les articles qui suivront, nous
traiterons des conditions d’attribution des parcelles.
Bernard Ethéart
HEM,
Vol. XIX, No. 47, du 21-27/12/05