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- Category: – Amenagement urbain (30)
Emission du |
18/03/08 |
Thème |
Les marchés |
Transcription
Cet après-midi nous allons passer en revue des infos que nous avons pu recueillir tout au long de la semaine et qui sont en rapport avec des thèmes que nous avons traités.
1. les GES
Lors de la première émission de l’année, le 8 janvier, nous avons parlé de la Conférence de Bali, organisée par le CNUCC, sur le réchauffement climatique du aux gaz à effet de serre (GES), dont le gaz carbonique (CO2). Aujourd’hui une étude de l’OCDE, qui réunit 30 pays, publiée le 5 mars à Oslo, annonce que la production de GES va augmenter d 37 % d’ici 2030 et de 52 % d’ici 2050, à moins que les pouvoirs publics ne prennent d’autres mesures pour les bloquer. Il en résulte une série de problèmes;
o Le nombre de personnes à mourir à cause de l’ozone troposphérique sera multiplié par 4 d’ici 2030;
o 4 milliards de personnes vivront dans des zones confrontées à la pénurie d’eau;
o plus d’espèces sont appelées à disparaître = perte de la biodiversité (on en avait parlé avec Arabella le 26 février).
2. les OGM
Le 15 janvier nous avions une émission sur les OGM. Aujourd’hui nous avons un article à caractère très philosophique d’un ancien Ministre Français del’Environnement et actuellement député de la 11ème circonscription de Paris. L’affaire des OGM est une manifestation de l’orgueil de l’homme. L’homme croit dans le progrès; il croit qu’il peut modifier la nature, et c’est ce qui le pousse à développer des techniques sans penser aux risques liés au progrès.
Lors de l’émission sur les OGM, nous avions parlé en faveur du principe de précaution. Bien sur, il y a des études qui disent qu’ils sont sans danger; mais il faut faire attention; ce sont les firmes qui produisent les OGM qui financent ces études!
3. les biocarburants
Le 12 février, nous avons eu une émission sur les biocarburants. Depuis l’Association Nationale des Agroprofessionnels Haïtiens (ANDAH) a organisé une conférence-débat sur le thème. Plusieurs intervenants dont Tanguy Armand, de la Fondation Haïtienne de l’Environnement (FHE), que nous avons eu à ce micro et qui nous a parlé, entre autre, de son idée de produire de l’huile de jatropha dans le vallée de la rivière de Montrouis; Frantz Flambert, Ministre de l’Agriculture sous Jean-Claude Duvalier, qui vit actuellement en République Dominicaine, et est promoteur d’un projet de production de biocarburant.
On apprend par ailleurs que le Ministre Verella aurait participé à une conférence sur les biocarburants et que le gouvernement prépare un projet de loi.
Dans le Nouvelliste du 10 mars il y avait un article sur le Brésil, où, depuis 2003, 5 millions de véhicules roulent avec des biocarburants
4. Toujours dans le Nouvelliste, un article sur un thème qui me tracasse depuis un certain temps. J’ai rencontré quelqu’un que je n’avais pas vu depuis 50 ans; il m’a dit qu’il travaillait dans la zone du Môle St Nicolas, mais n’a pas pu me dire ce qu’il faisait exactement. Par la suite, quelqu’un m’a parlé d’une compagnie qui exporte des roches, et voilà que dans le Nouvelliste du 11 mars, nous avons des informations sur la société Matraco qui exporte des roches depuis 2005 avec un permis d’exploitation au sujet duquel il faudra chercher d’avantage d’informations.
5. les déchets
Le 19 février nous avons parlé de gestion de déchets à l’occasion d’une information sur une gigantesque île flottante formée en majeure partie de déchets plastic. Cela tombait bien puisque l’année 2008 a été déclarée année internationale de l’assainissement et, dans la même veine, deux articles et un texte, signés Panos, parlent du contrôle de la pollution marine dans la baie de Port-au-Prince.
Quel est le problème? Quand on a de l’érosion, les alluvions emportés par la pluie vont vers la mer. Il se dépose alors des sédiments qui ont des conséquences négatives sur l’éco-système marin. Et de fait la baie de Port-au-Prince est gravement atteinte. On n’a qu’à voir les constructions anarchiques sur le Morne l’Hôpital, provoquant, au moment des pluies, l’arrivée de débris dans la ville, débris qui vont finalement à la mer et empoisonnent la vie des poissons dans la baie, les obligeant à aller plus loin, là où les pêcheurs ne peuvent plus aller les chercher, faute d’équipement adéquat. Mais il y a aussi la pollution de la baie par les ordures ménagères et on parle des résidus de combustibles de l’EdH, tout cela étant évacué vers la mer.
Une étude appuyée par l’AIEA concerne 14 pays publiera ses résultats en 2011. pour ceux qui ne connaissent pas l’AIEA, c’est l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, dont le directeur a beaucoup fait parler de lui à propos du contrôle du programme nucléaire de l’Iran. En Haïti, l’AIEA a un programme de recherche de nouvelles sources d’énergie avec le Bureau des Mines et de l’Energie (BME).
6. les marchés
Toujours dans le domaine de l’assainissement, nous avons récolté quelques articles sur les marchés. Il y a eu les articles qui parlaient des conditions sanitaires abominables dans les marchés de Port-au-Prince, et puis les marchés sont devenus un sujet d’actualité.
o Le 5 mars, le Nouvelliste parle de l’inauguration d’une partie du marché de la Croix-des-Bossales,
o Le 11 mars, c’est la nouvelle de l’inauguration du nouveau marché de Pétionville, Marché la Coupe,
o Toujours le 11 mars, annonce de l’installation par le MCFDF d’un bloc sanitaire au Marché Salomon
o Aujourd’hui, sur Mélodie-matin, Elsie a lu la lettre que lui a envoyée une dame au sujet d’un incident à la Croix-des-Bossales et Marcus a parlé du marché de Petionville.
C’est cette actualité qui me mène consacrer une partie de l’émission aux marchés. Le premier constat est qu’il y a de plus en plus de marchés, aussi bien à Port-au-Prince qu’à la campagne. Un phénomène que tout le monde a pu suivre c’est l’évolution de Ti Tanyen. Aujourd’hui , Ti Tanyen est un gros village avec un important marché; mais, il y a une trentaine d’années, il n’y avait rien à Ti Tanyen. Un arbre au bord de la route, sous lequel quelques personnes offraient des melons. Puis d’autres marchandes sont venues, offrant des mangues, ou autre chose. Et on a vu se dresser une tonnelle, puis une seconde, et cela a évolué. Il aurait fallu faire une photo chaque année pour suivre cette évolution. La Direction Générale des Impôts (DGI) a mis un percepteur, un pasteur est venu planter une église, à laquelle est venue s’adjoindre une école, car entre temps un village s’était formé ... Il y a d’autres cas du même genre, par exemple le marché de Croix Fer, créé à partir de rien et qui est devenu plus important que celui de Belladère. On peut constater le même phénomène à Port-au-Prince.
On peut se demande ce qui provoque cette multiplication des marchés. Certes, la population a augmenté, mais ce n’est pas tout; il faut tenir compte de facteurs économiques. Tout d’abord, le niveau de vie de la population: les gens ont de faibles revenus et n’ont jamais beaucoup d’argent à la fois. Ils n’ont donc jamais les moyens de faire de gros achats d’un coup et doivent acheter chaque fois de petites quantités.
Autant pour le côté de l’acheteur. Voyons l’autre face de la médaille: le producteur. Nous avons une grande quantité de producteurs (je parle de production alimentaire) qui dans leur majorité, cultivent une minuscule portion de terre. Ils n’ont donc que de petits volumes à offrir, ce qui augmente encore le nombre de personnes qui se retrouvent au marché: l’acheteur avec son faible pouvoir d’achat, le producteur avec son faible volume de production.
Nous devons maintenant considérer l’évolution de l’économie du pays, mais nous devons parler des secteurs. C’une des premières choses que j’ai apprises à l’université: la distinction des trois secteurs: le secteur primaire, agriculture et mines, le secteur secondaire, l’industrie, le secteur tertiaire, commerce et services. Pour nous étudiants venant du Tiers Monde, c’était intéressant car, selon le degré de développement économique d’un pays, les secteurs sont plus ou moins importants. Ainsi dans les pays sous-développés 60 % de la population active se trouve dans le secteur primaire, alors que dans un pays industrialisé comme les USA la proportion de la population active dans l’agriculture ne dépasse pas 4 %, la majorité est dans le secondaire, mais on voit le secteur devenir de plus en plus important.
En Haïti, 60 % des personnes en age de travailler sont dans le secteur primaire; mais, du fait du faible développement du secteur secondaire, le surcroît de population résultant de la croissance démographique va dans le secteur tertiaire, le commerce, et surtout le commerce informel, qui représente 90 % des emplois, d’où le développement des marchés.
Mais cela pose problème, en commençant par des problèmes d’aménagement du territoire. Essayez d’aller à Jacmel en traversant le marché de Carrefour Dufort! le marché a envahi la route. Les gens n’ont pas encore compris qu’on ne peut avoir un marché et une route sur le même espace. La route est un espace de circulation; le marché est un espace de stationnement où on s’arrête pour marchander, payer, recevoir la monnaie. J’ai parlé de Dufort, mais si on continue, on va trouver la même chose dans la montagne. Quand je vais dans l’Artibonite, si c’est un jeudi, je vais avoir des problèmes à traverser Cabaret, si c’est un vendredi, c’est à Pont Sondé ou à l’Estère qu’on a des problèmes.
Il y a donc un problème d’aménagement du territoire, et il faut faire quelque chose; mais je ne sais trop qui est responsable. Je pensais que c’était le Ministère du Commerce, mais un fonctionnaire de ce ministère a dit que c’était la commune.
On rencontre ces problèmes également à Port-au-Prince; quelques articles de journaux que j’avais gardés parlent des marchés de rues, mais le bas de la ville est devenu un seul grand marché, la Croix-des-Bossales et le Marché Vallière s’étant étendus jusqu’à se toucher. Marchés informels, marchés sauvages, qui encombrent les trottoirs, au point que les propriétaires, à qui on demande d’élargir leur trottoir, ne veulent pas obtempérer car cela va devenir un espace pour les marchandes. Il y a eu, et il y a encore des tentatives de les chasser, mais, comme elles disent elles-mêmes, faut-il bien qu’on leur donne un autre espace.
C’est toujours le problème de la situation économique, ces vendeurs et vendeuses de rue n’ont pas d’autre moyen de se faire un peu d’argent. Tant que la structure économique n’aura pas changé, tant qu’on n’aura pas créé des emplois, on aura toujours ces vendeurs de rue, et la majorité de la population aura besoin de ces marchés. Il faut donc construire des marchés et ne pas éliminer ceux qui existent, comme ce fut le cas du «Marché en Haut», en face de la cathédrale, ou utiliser, à d’autres fins, les constructions prévues pour un marché comme ce fut le cas avec la construction logeant actuellement les Archives Nationales.
Bien sur, il faut de la place, mais on peut permettre aux mairies de trouver de la place en leur donnant un droit de préemption sur tout immeuble mis en vente. Cela ne s’applique pas, du reste, seulement aux marchés, mais aussi aux places publiques, aux parcs de stationnement etc. J’avais donné cette idée à un ami qui était à l’époque Ministre de l’Intérieur, j’en ai reparlé à l’actuel Maire de Port-au-Prince, mais ils n’y ont pas donné suite.
Enfin, année de l’assainissement oblige, on doit signaler que les marchés sont eux-mêmes producteurs de déchets. Je pense à cet ami, exportateur de mangue, qui me disait que l’on pourrait éliminer tous ces «bòk bannann» qui jonchent les marchés, si le transport de la banane était organisé autrement; même chose pour les mangues, qui sont transportées dans des paniers empilés les uns sur les autres dans les camions, et dont une bonne partie est écrasée durant le trajet et va à son tour joncher les rues aux alentours des marchés.
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Aménagement des bassins versants : les compétences
Nous voici donc parvenus à la fin de cette série consacrée à la problématique des bassins versants (voir Haïti en Marche Vol. XXII, Nos. 38 – 44 et 47 – 52). Tout au long de ces 13 articles nous avons tenté de définir ce qu’est un bassin versant, de montrer l’importance d’avoir des bassins versants bien aménagés tant pour l’approvisionnement en eau de la population que pour éviter des catastrophes du genre de celles que nous venons de vivre aux Gonaïves ou à Cabaret, et de proposer des pistes d’interventions pour arriver à cet aménagement. Je ne sais s’il est utile de rappeler que tous ces articles peuvent être retrouvés sur le site www.etheart.com.
Dans ce dernier article nous voulons aborder un problème de la plus haute importance, dont la solution est cruciale pour la mise en œuvre d’une politique efficace d’aménagement des bassins versants, à savoir celui de l’identification de l’instance qui, au niveau de l’Etat, aura la responsabilité de cette mise en œuvre.
En effet, la semaine dernière (voir Aménagement des bassins versants : les pré-requis, Haïti en Marche, Vol. XXII, No. 52), nous avons parlé du PITDD (Programme d’Informations Territoriales pour le Développement Durable), dont la mission est de déterminer, à partir d’applications concrètes, la méthodologie à utiliser dans les études préparatoires à la mise en œuvre d’un projet d’aménagement de bassin versant. Mais le PITDD, n’a pas pour vocation de s’engager dans un programme d’aménagement, la méthodologie qu’il aura développée sera mise à la disposition de l’institution (ou des institutions) qui, elle(s), a (ont) pour mission l’aménagement des bassins versants. Et c’est là que commencent les difficultés.
Pour exposer le problème, nous allons laisser la parole à quelqu’un qui a travaillé dessus et qui est certainement plus compétent que moi, je veux parler de l’agronome Roosevelt Saint Dic. Dans un document qu’il a préparé pour le Groupe de Technique sur l’Agriculture, un groupe de réflexion mis en place par le ministre François Séverin, document intitulé Relance du Secteur Agricole 2008-2020 – Investissements Publics et Infrastructures, Mars 2008, au chapitre consacré à La question institutionnelle, nous lisons :
Au niveau macro, comme au niveau micro la situation est complexe. Au MARNDR il y a le Programme National de Gestion des Bassins Versants (PNGBS) ; au MDE, il y a le Programme National de Réhabilitation de l’Environnement (PRE). Dans le document présentant ce dernier programme, il est écrit ce qui suit :
« Le BME, organisme autonome sous la tutelle du Ministère des TPTC, est responsable du développement, de la gestion et de la conservation des ressources énergétiques de la République d’Haïti.…Il en est même du Ministère de l’Environnement, responsable de la définition et de l’application de la politique du pays en la matière….
La mise en œuvre du PRE, du fait que ce Programme concerne directement plusieurs ministères (MDE, MARNDR, MTPTC), risque d’entraîner des tiraillements nuisibles à l’atteinte de ses objectifs. Il convient donc que ce Programme soit conduit par une Unité para étatique ayant une expérience dans la gestion de programmes d’envergure similaire, en mesure d’assurer les arbitrages nécessaires et la coordination avec toutes les autres institutions qui, à un titre ou à un autre, devront apporter une contribution à la réussite du PRE ».
Autrement dit, la gestion des bassins versants se retrouve tiraillée, pour reprendre le terme de Roosevelt saint Dic, entre trois ministères : le ministère de l’Agriculture, MARNDR, le ministère de l’Environnement, MDE et le ministère des Travaux Publics, MTPTC, auxquels il faudrait ajouter, si on veut être complet, et si on veut tenir compte de l’aménagement des bassins versants, le ministère de la Planification et de la Coopération Externe, MPCE, responsable de l’Aménagement du Territoire.
Depuis la sortie du travail de Saint Dic, il y a du nouveau. En effet, au mois de décembre, le Premier Ministre Michèle Pierre Louis a créé une commission interministérielle de l’aménagement du territoire et de la gestion des bassins versants qu’elle préside elle-même. Je ne dispose pas encore du texte portant création de cette commission, mais j’ai eu l’occasion de le voir et d’y jeter un coup d’œil. On pourrait penser qu’avec cette commission on arriverait à une unification du commandement, si je peux m’exprimer ainsi, qui mettrait fin aux tiraillements. Mais j’ai un problème.
En effet, le Moniteur du 26 janvier 2006 publie un Décret portant sur la Gestion de l’Environnement et de régulation de la Conduite des Citoyens et Citoyennes pour un Développement Durable. Ce décret, signé le 12 octobre 2005, parle du Système National de Gestion de l’Environnement (SNGE), qui est constitué d’un réseau d’organes de gestion de l’environnement (Article 14), dont le premier cité (Article 15) est un Conseil Interministériel sur l’Aménagement du Territoire et l’Environnement (CIMATE) qui est composé :
∙ du Premier Ministre, qui en est le Coordonnateur ;
∙ du Ministre charge de l’Environnement et du Ministre chargé de l’Aménagement du Territoire qui en sont les Secrétaires Exécutifs, chacun en ce qui le concerne ;
∙ des Ministres compétents selon les dossiers à l’ordre du jour (Article 16).
Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas encore le texte du document portant création de la commission interministérielle de Madame Pierre-Louis ; je n’ai non plus pas encore eu l’occasion d’en parler avec quelqu’un ayant la compétence nécessaire afin de savoir s’il s’agit d’une mise en application du décret du 12 octobre 2005, mais quand on connaît le sort réservé par le gouvernement de Jacques Edouard Alexis à tout le travail législatif réalisé sous le gouvernement de Gérard Latortue, on peut en douter.
Je souhaite que mes craintes ne se révèlent pas fondées, car si c’était le cas, ce serait parfaitement désolant. Dans un pays où pratiquement tout est à faire, on ne peut pas s’attarder à des considérations, que j’ai envie de traiter de mesquines. Ce n’est pas que je porte Gros Gérard dans mon cœur ; il m’a donné suffisamment de problèmes dans l’Artibonite pour que je ne lui garde pas une vieille dent, mais, « rayi chen, di dan l’ blanch », j’estime qu’il a apporte quelques contributions à la construction d’un état moderne, je pense, par exemple à la législation sur la décentralisation et le développement local, et, ne serait-ce qu’au nom de la continuité de l’Etat, on ne peut pas les balayer d’un revers de la main.
Bernard Ethéart
Haïti en Marche, Vol. XXIII, No. 1,
du 28 janvier au 3 février 2009