Les OMD (2)
La semaine dernière (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), à l’occasion de la publication du rapport 2010 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), nous avons fait une petite présentation de ces fameux objectifs adoptés par les Nations Unies en 2000, et je m’étais permis de faire quelques remarques personnelles. Je voudrais cependant aller un peu plus loin dans l’analyse des objectifs eux-mêmes et les chances de les voir atteints à la date butoir prévue de 2015.
Je commencerai avec l’objectif 1, pas seulement parce qu’il est le premier sur la liste, mais aussi parce que, si on voulait établir des priorités, il serait certainement en première position.
Rappelons rapidement la formulation de l’objectif et des cibles.
Objectif 1 : éradiquer l’extrême pauvreté et la faim.
Cibles :
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Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour ;
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Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif ;
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Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim.
Je ne m’arrêterai pas aux critiques formulées par certaines personnes contre le choix du montant de un dollar de revenu par jour come indicateur du niveau de pauvreté. Tout indicateur a un caractère un peu artificiel ou arbitraire et, à mon avis, celui-là en vaut bien un autre. Mais je reviens à cette idée que j’ai formulée la semaine dernière, à savoir qu’on a l’impression qu’on s’attache aux effets plutôt qu’aux causes.
Car, si on veut bien voir, la pauvreté et la faim sont les conséquences d’un état de fait qui est le chômage, et c’est pour cela que je disais la semaine dernière que le plein emploi devrait être l’objectif # 1 et non pas une cible. Je dois dire que l’évènement que nous avons vécu le 12 janvier n’est pas étranger à cette position.
Tout le monde s’accorde pour reconnaître que, si le séisme a été tellement meurtrier, c’est parce que la zone métropolitaine connaissait une énorme concentration de population vivant dans une extrême pauvreté. Or si cette population est pauvre, c’est parce qu’elle vit dans le chômage ; et si on connait une telle concentration de population dans la zone métropolitaine, c’est parce que Port-au-Prince exerce un attrait pour tous ceux qui vivent, ou survivent, dans ce que Gérard Barthélemy a appelé « le pays en dehors » mais qui est surtout le pays où on ne trouve pas de travail.
Si donc on veut tirer les conséquences de cette expérience, le première est qu’il est indispensable de prendre des mesures qui permettront à la population de la zone métropolitaine de trouver des emplois qui garantiront à tous ces malheureux des revenus qui leur permettront de se loger de manière décente, mais aussi dans des conditions qui les mettent à l’abri des catastrophes naturelles, les tremblements de terres, certes, mais également les averses tropicales, avec tout leur cortège d’inondations, de glissements de terrain etc.
Mais il y a une seconde conséquence, tout aussi urgente que la première, c’est la création d’emplois dans ce fameux « pays en dehors ». Car si les efforts sont déployés dans la seule zone métropolitaine, l’attrait exercé par Port-au-Prince n’en sera que renforcé et le flux de migrants qui en résultera annulera tous les efforts déployés en vue d’une amélioration.
Certes on a parlé d’aménagement du territoire, de rétablir une meilleure répartition de la population sur le territoire national, et pour y arriver on parle de création de pôles de croissance, mais il ne suffit pas de parler, il faut des mesures concrètes. Certes le Ministère de l’Agriculture, dans son Plan d’Investissement pour la Croissance su Secteur Agricole, envisage des mesures de création d’emplois dans les infrastructures agricoles, dans les bassins versants, sans parler d’une intensification de la production agricole. Mais cela ne suffit pas. Les autres secteurs de l’économie doivent aussi envisager des mesures visant la délocalisation des entreprises, ou lieux, la création d’entreprises en dehors de la zone métropolitaine ; mais jusqu’à présent on n’entend pas grand-chose.
Bien sur tout cela ne peut pas être réalisé en un tout de main, mais il y a urgence en la demeure. Les deux photos qui accompagnent ce texte témoignent que, en dépit des destructions provoquées par le séisme dans le petit bidonville qui surplombe la ravine du Canapé Vert, un autre bidonville situé dans des conditions identiques, il s’agit de la Vallée de Bourdon est en pleine expansion.
Bernard Ethéart
HEM, Vol 24, # 24, du 07-13/07/2010