Débat |
Développement Durable |
Domaine |
Environnement aménagé |
Mise en œuvre |
Mélodie and company |
Emission du |
12/04/07 |
Invité |
Alain Thermil |
Thème |
Assistance technique aux associations d’irrigants |
Transcription
Bernard |
La semaine dernière on a eu le jeudi saint ; nous n’avons donc pas eu d’émission. Aujourd’hui nous avons avec nous Alain Thermil, agro-écologiste ; Alain, qu’est-ce que c’est qu’un agro-écologiste ? |
Alain |
Un agro-écologiste est quelqu’un qui a une formation de base en agriculture et une spécialisation ou un intérêt pour tout ce qui a à voir avec l’écologie, la protection de l’environnement. C’est un terme nouveau et qui est calqué sur agro-économiste. |
Bernard |
Alain va donc nous parler du Programme d’Assistance Technique pour le Renforcement des Associations d’Irrigants (PATRAI). Les associations d’irrigants sont formées de personnes qui utilisent un système d’irrigation et se mettent ensemble pour le gérer. Ce programme doit donc assister ces associations. C’est un projet pilote, car il n’y en a pas encore de ce type, et il est financé par le FIDA (Fonds International pour le Développement de l’Agriculture), une branche des Nations Unies qui a des liens étroits avec la FAO. C’est le résultat d’un montage compliqué dont Alain va nous donner les détails. |
Alain |
Il y a un historique intéressant. Bernard donnera des détails sur son implication dans l’irrigation qui remonte aux années 80. Mais, pour le programme, au départ, il y a la FONHDILAC (Fondation Haïtienne pour Développement Intégral Latino-Américaine et Caraïbéen) qui est un groupe de pensée, un think tank, formé à partir de la fin des années 90, à la suite de ce que le FIDA appelait un réseau dans chaque pays où il y avait des personnes travaillant dans des programmes du FIDA. Quand le financement du FIDA a été suspendu, les personnes travaillant dans le milieu rural, en relation avec le FIDA, ont décidé de ne pas laisser tomber ce think tank, ce réseau. Il faut signaler qu’un réseau est une structure très lâche, qui n’a pas de personnalité civile. Il fut donc décidé de faire évoluer ce réseau en fondation. De là est née la FONHDILAC. En mai 2005, à l’occasion d’une mission du FIDA en Haïti, les membres de la nouvelle fondation ont rencontré les membres de la mission du FIDA et leur ont parlé de la FONHDILAC et de ses projets. Les membres de la mission ont été heureux de cette évolution, et, après leur retour à Rome, les échanges ont continué, grâce à la magie de l’Internet. La phase 1 du projet PPI (Petits Périmètres Irrigués), financé par le FIDA, et qui avait permis la réhabilitation de 26 périmètres irrigués, arrivait à son terme. Ce projet avait permis de mettre sur pied une structure de gestion sur chacun de ces périmètres. On sait qu’autrefois, les systèmes d’irrigation étaient gérés par l’Etat, à travers un syndic. Actuellement, il n’y a plus de syndic et les systèmes sont gérés par des associations. Avec le PPI, 26 de ces associations ont été formées, mais elles ont des niveaux de maturation différents. Nous avons donc pensé à un programme pour le renforcement de ces associations. Mais il n’y avait pas que le PPI à avoir développé une méthodologie de mise sur pied de ces associations. |
Bernard |
Essayons d’identifier les grandes lignes. Au départ, il y a le FIDA, avec son siège à Rome, comme la FAO. Le FIDA avait son projet PPI en Haïti. Et dans tous les pays d’Amérique Latine, le FIDA avait encouragé la création d’un réseau FIDA-CIARA. Quand le réseau a été lancé en Haïti, l’INARA a reçu du MARNDR une invitation à y participer. Ce réseau a évolué vers une organisation autonome de droit haïtien, la FONHDILAC, qui a gardé des relations avec le FIDA et a décidé d’assister les associations d’irrigants crées par le projet PPI. Le FIDA a trouvé un financement pour ce programme, ce qui a été assez compliqué, car il y a une intervention du gouvernement italien. Ceci est une aile de l’oiseau, comme dirait Jean-Bertrand Aristide ; il y a une autre aile qui est la FONHADI. |
Alain |
Je vais parler de FONHADI, mais auparavant, il faut signaler qu’il y a d’autres opérateurs qui ont une méthodologie pour la mise en place des associations d’irrigants. Le programme doit permettre de faire un diagnostic des périmètres qui ont suivi la méthodologie du MARNDR, mais il y a aussi les autres. On va donc analyser tout cela et proposer une méthodologie nationale. La FONHADI était, au départ, un Groupe de Réflexion sur l’Irrigation, formé d’acteurs spécialisés dans l’irrigation. Elle a organisé diverses sessions de réflexion et de formation ainsi qu’un atelier national, et proposé un document qui devrait intéresser tous ceux qui sont actifs dans l’irrigation. Ce groupe de réflexion a lui aussi évolué vers une fondation : la Fondation Haïtienne de l’Irrigation (FONHADI). Cette fondation menait de son côté une démarche auprès de la BID (Banque Interaméricaine de Développement) particulièrement en ce qui concerne le cadre légal de l’irrigation. Or le gouvernement italien, le FIDA et la BID avaient un fonds qui devait encourager les initiatives de la société civile en Haïti. FONHDILAC et FONHADI ont donc été invitées à coordonner leurs actions ; c’est ainsi que notre programme s’est trouvé enrichi avec les périmètres touchés par la FONHADI. On prévoit de travailler sur 35 associations. |
Bernard |
Je voudrais attirer l’attention sur le fait que, quand on parle de société civile dans ce contexte, on parle de techniciens qui veulent conjuguer leurs efforts pour offrir des solutions et un appui technique. J’insiste, parce qu’on nous rabache les oreilles avec une soi-disant société civile qui est formée de personnes à la recherche du pouvoir politique. La société civile dont nous parlons n’est pas de ce genre. |
Alain |
Je me souviens, il y a quelques années, je participais à un séminaire de formation, en Belgique ; il y avait des haïtiens, des congolais … On parlait de société civile ; et la question a été posée : la société civile, c’est quoi ? Ce n’était pas un thème facile ; des gens ont dit : la société civile, ce sont les ONG ; mais ce n’est pas tout ; c’est la société en général. |
Bernard |
C’est tout ce qui n’est ni politique, ni militaire, ni religieux. |
Alain |
Ça peut être une « initiative » qui vient d’un groupe, d’une association. Il y a chez nous une certaine paresse intellectuelle qui nous pousse à identifier une personne avec le concept qu’elle utilise. |
Bernard |
Et souvent cette personne est bien d’accord avec cette identification. On avait donc deux fondations, qui avaient chacune un programme très semblable à celui de l’autre, qui s’adressaient pratiquement à la même source de financement, et qui finalement ont trouvé un consensus pour mener ce programme conjointement. On a donc créé une … |
Alain |
… Unité de Gestion du Programme (UGP)… |
Bernard |
… composée de personnes désignées par les deux fondations et le coordonnateur de l’UGP est Alain Thermil. Mais pourquoi cette préoccupation au sujet de la gestion des systèmes d’irrigation ? |
Alain |
On peut regarder sur plusieurs plans, mais ce qui est intéressant, c’est que le projet PPI a coûté US$ 22 Mio. C’est un prêt que le FIDA a accordé au gouvernement haïtien et qu’il faudra rembourser. La préoccupation est que cet investissement est mis aux mains d’associations d’irrigants, mais qu’il faut aussi leur donner les moyens de l’utiliser de manière à ce qu’il serve à améliorer les conditions de vie des membres des associations. Et je tombe dans mon dada qui est l’agriculture d’entreprise. |
Bernard |
J’au une autre question. Je comprends très bien la préoccupation : US$ 22 Mio ont été dépensés, qu’il faudra rembourser, faut-il bien que cet argent ne se perde pas dans la mer. Il faut donc que cet investissement apporte un bénéfice
Ce sur quoi je voulais insister, c’est qu’on remet le système aux usagers ; c’est un élément nouveau ; il y a une réorientation au niveau de l’organisation de l’irrigation et je voudrais que tu dises un mot là-dessus. |
Alain |
C’est l’Etat qui gérait les systèmes d’irrigation, mais les mentalités ont évolué. Et je connais un monsieur qui s’appelle Bernard Ethéart qui a joué un rôle de pionnier. A Croix Fer, il est venu avec ce discours que l’agriculteur est capable de gérer le système en construction. Cela remonte aux années 80 ; nous sommes dans les années 2000 ; la tendance, au niveau de l’Etat haïtien, est de se retirer de la gestion directe, qui coûte beaucoup, à quoi vient s’ajouter un problème de manque de cadres au niveau du ministère. Le MARNDR opte donc pour une cogestion, car il ne s’est pas totalement retiré. |
Bernard |
Il reste propriétaire du système. |
Alain |
C’est cela. il y a donc une formule de co-gestion :
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Bernard |
… 4 phases, 14 étapes, 3 niveaux de contractualisation … |
Alain |
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Bernard |
Comme tu as cité mon nom… je me souviens, quand j’ai commencé à circuler dans ce pays, je crois que ma première expérience avec l’irrigation fut dans la Plaine de l’Arcahaie. Les irrigants payaient une taxe d’irrigation, qui était versée au Trésor Public ; mais quand il y avait une réparation à faire, il n’y avait pas d’argent. Ça c’est pour l’aspect financier. Un deuxième aspect, c’était la gestion elle-même. Le syndic était maître et seigneur ; il donnait l’eau à qui il voulait, quand il voulait ; et il y avait des gens qui ne payaient pas. A l’Arcahaie il y avait les « eaux mortes » ; c’est l’eau qui est distribuée le dimanche, à certaines personnes, par exemple madame Duvalier, qui avait sa terre au Carrefour St Médard, et qui ne se payait pas. Donc, quand j’ai eu la responsabilité de Croix Fer, je me suis dit qu’il fallait trouver une autre formule. On avait donc une formule avec des systèmes gérés par le MARNDR, on a maintenant une nouvelle orientation |
Un auditeur |
Qu’est-ce que c’est que ce « fameux » FONHADI ? |
Bernard |
Je suis membre de la FONHADI, à cause de mon amour particulier pour l’irrigation, suite à l’expérience de Croix Fer et j’ai participé au Groupe de Réflexion sur l’Irrigation. Il y avait tout un programme de séminaires, auquel Alain n’a pas participé, échelonné sur plus d’une année, et qui a produit une masse énorme d’informations et de réflexion ; toux ceux qui sont intéressés à l’irrigation devraient consulter cette documentation. J’ai appris énormément de choses, même si j’avais l’expérience de Croix Fer. Il y a donc cette nouvelle orientation au MARNDR, avec ce qu’on appelle le transfert de gestion. Mais il y a un aspect qu’il ne faut pas oublier. L’eau en tant que ressource naturelle appartient à l’Etat et personne ne put l’utiliser sans autorisation de l’Etat. Un système d’irrigation, étant donné qu’il utilise l’eau reste propriété de l’Etat, quel que soit celui qui l’a construit, même quand sa gestion quotidienne est confiée à l’association. Mais en quoi va consister cette assistance que va donner le programme que tu vas coordonner ? |
Alain |
On a parlé de diagnostic ; à partir de là on va donner un appui pour obtenir la reconnaissance légale, tout au moins au niveau des mairies. Au niveau de la législation, on va entreprendre des démarches auprès des législateurs pour qu’on obtienne un cadre légal ; nous fonctionnons encore avec le code rural. |
Bernard |
Le problème est qu’il n’existe pas de provision légale pour créer une association d’irrigant. Mais il y a plus grave ; il n’existe pas de provision légale pour créer une association. C’est un des grands problèmes de la législation haïtienne. Ainsi, cette société civile dont on parle fonctionne sans loi. J’ai été confronté avec ce problème dès 82, quand le gouvernement a sorti une loi assez répressive sur les ONG. A l’époque, nous avons dit qu’avant de faire une loi sur les ONG, il fallait commencer par faire une loi sur les associations, et ensuite des lois spécifiques pour les ONG, les associations d’irrigants, etc. Nous sommes en 2007 et cette loi sur les associations n’existe toujours pas. Je crois qu’il y a un texte qui doit aller prochainement au Parlement. Toutes les associations qui existent actuellement, quand elles ont besoin d’un statut légal, ce qui leur reste c’est le statut de fondation. Et puis il y a le cas d’une association de paysans qui s’est retrouvée avec un statut d’ONG, car, même si on n’a pas fait la loi sur les associations, il y a un décret qui régit les ONG. Il s’agit de l’APV. |
Alain |
Le programme va donc
Le montant du don est de US$ 745.000 ; les deux fondations donnent une participation ; ainsi j’ai travaillé sur ce programme pendant deux ans sans salaire ; on évalue donc le montant total du programme à US$ 900.000. |
Bernard |
Tu as parlé tout autour de l’association, mais pas de l’association elle-même. J’ai participé récemment à une réunion où on essayait de faire la différence entre « renforcement institutionnel » et « appui organisationnel » … |
Alain |
Nous avons ce point là aussi. Pour commencer, il faut voir comment marche l’association ; c’est le diagnostic. A la fin du programme, l’association doit être capable de dresser un plan annuel. Il y aura un transfert de compétence. |
Bernard |
Il y a aussi le problème des statuts. J’ai reçu récemment les statuts d’une organisation dans le Nord-Est. A l’article 3, il est dit que c’est regroupement d’associations ; à l’article 8, en parlant des conditions d’admissions, on parle de personnes. |
Alain |
Bien sûr, il faut que les statuts soient cohérents. Ce programme est un projet pilote à tous les niveaux, dans la démarche des deux fondations, dans le fait que c’est un don … |
Appel d’un auditeur de l’Arcahaie |
Vous parlez d’appui aux associations d’irrigants ; mais nous à l’AIPA (Association des irrigants de la Plaine de l’Arcahaie) nous ne vous avons pas encore vus. |
Alain |
La FONHDILAC est un regroupement de techniciens qui va travailler avec 35 associations d’irrigants. Ces associations ne sont pas encore choisies, mais elles ferons partie de l’aire d’intervention du FIDA et de quelques autres opérateurs. Mais il faut comprendre que ce ne sont pas les 35 associations qui ont formé la FONHDILAC. |
Bernard |
Je profite pour signaler que l’AIPA est une grande première ; c’est la première fois que le gouvernement a signé un accord de transfert de gestion. Antérieurement, il y avait eu Croix Fer, mais c’est un cas un peu anarchique. Et avant cela il y avait eu le système d’Avezac, dans la Plaine des Cayes, où l’association avait reçu une autorisation de fonctionnement du ministre Flambert. Tandis qu’avec l’AIPA ce fut très formel, avec tout un programme de formation dans le cadre du PREPIPA (Projet de Réhabilitation des Périmètres Irrigués de la Plaine de l’Arcahaie) qui avait son siège dans la maison de madame Duvalier dont j’ai parlé plus tôt. Par la suite il y a eu des signatures d’accord de transfert de gestion à des associations du Nord-Ouest, dans le cadre du PPI. |
Appel |
Pour Avezac, cela remonte au Président Magloire ; le syndicat des planteurs avait reçu le droit de gérer le système, et cela avait été publié dans le Moniteur. Mais, en 1954, le cyclone Hazel a tout détruit. |
Alain |
Ce qu’il y a d’intéressant avec AIPA, c’est que les planteurs étaient arrivés à engager un agronome, Robel Labissière. |
Appel |
Pour le Nord-Ouest, c’était le périmètre d’Audouin. |
Bernard |
Il faut dire que le PPI était un programme financé par le FIDA et qu’Alain y a travaillé comme OPS (Opérateur Prestataire de Service). Nous aurons bientôt Xavier pour nous en parler. |
Alain |
Pour le FIDA, il fallait trouver une formule pour fonctionner avec la société civile, car il ne l’a encore jamais fait. L’accord de don a été signé avec le gouvernement haïtien, le 29 janvier. Les deux fondations ont signé un protocole de coopération. Le FAES (Fonds s’Assistance Economique et Sociale), qui sert d’intermédiaire financier entre le FIDA et les deux fondations, a signé une convention avec la FONHDILAC. |
Bernard |
Il faut dire que, pendant que nous parlons de renforcement des associations d’irrigants, la FONHDILAC elle-même a besoin de renforcement car elle n’est pas encore suffisamment formalisée pour signer directement avec le FIDA, d’où la nécessité de passer par le FAES, qui gère déjà un projet pour le FIDA, le PAIP. |
Alain |
C’est là le problème avec les institutions haïtiennes. La FONHDILAC a des circonstances atténuantes, car elle très jeune, mais il y en a d’autres qui ne veulent pas être auditées parce que cela coûte cher, mais c’est cela qui leur permettra d’avoir accès à certains fonds. |
Bernard |
Le thème de l’irrigation sera de nouveau abordé dans une émission avec Xavier Isaac. Pour la semaine prochaine, le 22 avril étant le jour de la terre, nous aurons le jeudi 26 une émission avec Camille Bissereth. |
Alain |
Et je reviendrai pour parler d’une gestion plus intelligente des bassins versants. |
1
Alain – mardi 30 octobre 2007