Débat |
Développement Durable |
Domaines |
Environnement |
Mise en œuvre |
Mélodie and company |
Emission du |
03/05/07 |
Invité |
Abner Septembre |
Thème |
Association des Paysans de Vallue |
Transcription
Bernard |
Comme je l’avais annoncé, aujourd’hui nous avons avec nous Abner Septembre qui va nous parler de l’ Association des Paysans de Vallue (APV). Je suis allé deux fois à Vallue. La première fois, c’était à la suite du fameux 11 septembre ; mon fils Bernard et sa femme étaient en Haïti et devaient repartir ce jour-là, mais il n’y avait plus d’avion. Ils sont donc restés bloqués quelques jours et nous avons du organiser un programme pour eux. C’est ainsi que nous sommes allés avec eux à Vallue dont nous avions tellement entendu parler La seconde fois, nous y avons passé un week end à l’occasion d’une des manifestations qui y était organisée. C’est pour dire que pour moi, Vallue était toujours lié à l’idée de loisirs, et c’est pour cela que je voulais placer l’émission dans le cadre de l’écotourisme, d’autant que nous avons eu une émission sur l’écotourisme le 15/03/07 avec Camille Bissereth de FONDTAH. Et puis voilà qu’Abner m’a envoyé ce document qui me fait réaliser que, Vallue, c’est bien plus que cela. Alors Abner, c’est quoi Vallue ? |
Abner |
Value est une habitation située dans la 12ème section communale de Petit Goâve. On y arrive en 20 à 30 minutes, par une route de 5 km qui part du morne Tapion. |
Bernard |
20 minutes ? à moins que vous n’ayez travaillé sur la route. |
Abner |
On a travaillé sur la route en mettant des bandes de béton, en commençant par les pentes mais on avance petit à petit. Vallue est à la limite des 1ère et 2ème sections communales de Grand Goâve. La population est d’environ 4.000 habitants, regroupés dans 600 familles, réparties sur 25 km2. C’est une zone montagneuse : l’altitude varie entre 650 (là où se trouve le bureau de l’APV) et 900 mètres et elle reçoit 1.200 mm de pluie annuellement, répartis sur deux saisons. Quand on est à Vallue, on est coupé du reste du pays et de ses problème, mais o a toutes les facilités électricité, cyber café … |
Bernard |
Et il faut dire que quand on est à Vallue, on a une vue superbe sur la côte au niveau de Grand Goâve et Petit Goâve. La première fois que j’ai entendu parler de l’APV, c’était à la HAVA, il y a très longtemps. On mentionnait le fait qu’une association de paysans, qui n’arrivait pas à avoir de reconnaissance légale, car il n’y avait pas, et qu’il n’y a toujours pas de loi sur les associations, avait obtenu le statut d’ONG. |
Abner |
L’APV est née dans le cadre de cette mouvance qui a traversé le pays après le départ de Jean-Claude Duvalier, où on a vu des organisations se développer comme des champignons. Entre août et octobre 1986, on a eu des réunions de gens de Vallue et finalement l’association a vu le jour le 03/01/87. Nous avons cherché, dans un premier temps, la reconnaissance par la mairie de Petit Goâve, puis celle du Ministère des Affaires Sociales, et enfin, après de nombreuses démarches, nous avons obtenu le statut d’ONG en 1989. |
Bernard |
Et à quoi cela a-t-il servi ? |
Abner |
Chaque fois qu’une association entreprend des démarches, les deux premières questions qu’on lui pose sont : avez-vous une reconnaissance légale ? avez-vous une route ? Nous avons lancé le travail de la route le 02/05 |
Bernard |
C’est vous qui avez fait la route ? |
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Oui. Avec la reconnaissance nous avons pu signer des contrats. Quand nous avons eu le statut d’ONG, les gens de la commune de Petit Goâve ont pensé que maintenant l’APV pourrait aider le reste de la commune. Nous ne nous sentions pas prêts pour cela, mais nous avons entrepris de créer des cellules APV dans plusieurs sections communales et nous avons créé des districts. Notre approche était qu’il vaut mieux apprendre aux gens à pêcher plutôt que de leur donner du poisson. |
Bernard |
Lors de notre séjour à Vallue, nous avons rencontré des personnes venues de l’extérieur mais voulaient aider. |
Abner |
APV a développé une capacité de mobilisation, pas seulement de ressources matérielles, mais aussi de personnes venant de différents secteurs qui manifestent leur solidarité, par exemple à l’occasion de la foire de la montagne, pour la route, pour les constructions. Nous organisons des stages de vacance pour les étudiants. Quand le stagiaire arrive, on commence par lui donner une orientation ; puis sous la supervision d’un cadre, il va travailler dans la population. A la fin du stage, il y a présentation d’un rapport, et, selon les moyens dont nous disposons, on peut lui proposer un emploi pour un certain temps. Il faut comprendre que ce dont on a besoin au départ ce n’est pas l’argent, la terre, les moyens matériels, mais
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Bernard |
On pourrait organiser des cours d’été |
Abner |
Oui, et ce ne serait pas seulement théorique ; il y a plusieurs champs où on peut plonger dans la réalité. |
Bernard |
Vous avez été capables de mobiliser les gens de l’extérieur ; et la mobilisation des gens de Vallue ? |
Abner |
Tout d’abord je dois signaler qu’il y a un courant qui est passé avec Mélodie FM. Les 10 premières années ont été des années de construction. A l’époque où j’étais étudiant, je revenais de temps en temps pour former des animateurs. En 1987, nous avons démarré un programme d’alphabétisation. J’avais un petit job à l’ONPEP et cela a facilité les choses. Nous sommes arrivés à 54 centres d’alphabétisation répartis dans les 12 districts. Il y a eu donc un travail de mobilisation, d’éducation et d’organisation. Ce n’était pas une question d’argent ; nous n’en avions pas ; un animateur touchait 75 gourdes. Ce n’est que fin 97 que nous avons eu la 1ère moto et le premier employé. Mais la communauté est soudée, et quand on n’a pas d’argent, les gens viennent travailler bénévolement. L’APV c’est leur gouvernement, et, quelque soit le problème que les gens peuvent avoir, problème de conflit terrien, de conflit dans un famille, ou un enfant qui a eu un accident, c’est d’abord à Vallue qu’ils s’adressent. C’est une vraie famille, une référence pour les gens. Nous faisons aussi en sorte qu’ils connaissent bien l’association ; nous faisons de l’orientation en faisant venir les gens pour visiter les installations. Nous ne voulons pas qu’il puisse arriver ce qui s’est produit au départ de Jean-Claude Duvalier, quand les gens ont détruit les écoles qu’ils identifiaient avec le dictateur. Ici les gens seront prêts à défendre les installations. |
Bernard |
Nous avons connu cela à Croix Fer, où les jeunes ont protégé notre véhicule. |
Abner |
C’est qu’il y avait une bonne intégration. |
Bernard |
Oui, et nous en étions très fiers. |
Abner |
Un exemple : à l’époque où les militaires contrôlaient le pays, nous avons été arrêtés suite à un problème sur la route. Le commandant de Petit Goâve a fait venir le chef de section et lui a demandé comment il n’avait jamais fait de rapport sur les agissements de ces communistes. Le chef de section lui a répondu que s’il s’agit d’une association de communistes, il ne sait pas ce que sont les communistes, car il est membre de l’association. Nous avons fait un travail qui touchait tout le monde, y compris les chefs de section, et actuellement nous faisons de même avec les CASEC et ASEC. |
Bernard |
Le thème central de l’émission c’est le développement durable ; nous devons revenir à l’environnement. Vallue est en montagne ; comment avez-vous abordé le thème de l’environnement ? |
Abner |
D’abord il faut toucher les gens. Nous avons pris l’environnement au sens large : l’environnement physique, mais aussi les valeurs, l’économie, la démographie… En 1991, j’étais alors étudiant à Ottawa, quand on demandait aux gens ce qu’ils pensaient du planning familial, les hommes répondaient qu’ils n’avaient rien à voir avec cela ; les femmes disaient : se Bondye ki bay pitit. Aujourd’hui beaucoup de paysans font du planning. Ils ont compris qu’il n’y a pas assez de terre. En deuxième lieu, l’éducation, au sens large, non seulement, celle des enfants, à travers les écoles, mais aussi celle des parents, à travers les groupes. Actuellement, si un paysan doit couper un arbre, très souvent il vient demander conseil, et ils savent qu’il faut remplacer l’arbre coupé, 10 pour 1. un paysan peut arrêter quelqu’un qui a coupé un arbre qu’il n’aurait pas du et l’amener à Vallue ; nous essayons aussi de coopérer avec l’appareil judiciaire pour les mandats. A l’occasion des assemblées générales, on a des témoignages des paysans et paysannes… Nous invitons aussi les visiteurs à participer, par exemple en mettant eux-mêmes une plantule en terre, en versant des frais … |
Bernard |
Un groupe d’étudiants de la FAMV a préparé une avant-proposition de loi sur la modernisation du secteur agricole. Un des points qu’ils ont touchés concerne le partage des biens au moment de la succession ; ils proposent qu’une exploitation ne soit pas divisée … C’est une question délicate car cela touche au code civil. |
Abner |
C’est très important, mais la difficulté c’est l’application. Il y a des familles qui ne séparent pas l’exploitation, elles restent dans l’indivision. Mais plusieurs facteurs peuvent influencer le comportement des gens : l’éducation, mais aussi les conditions d’existence. Il faudrait voir tout ce qui peut influencer l’application d’une telle loi. |
Bernard |
Ce n’est pas par hasard qu’on est arrivé au tourisme rural. Est-ce que l’agriculture peut permettre aux gens de vivre ? |
Abner |
Il faut diversifier : d’autres cultures, par exemple les légumes, faire de la transformation ; il faut retirer la pression sur la terre ; le tourisme a semble offrir une opportunité. |
Bernard |
L’idée est de faire baisser la pression démographique sur la terre en créant d’autres types d’activité. |
Abner |
Pitit se riches, si gen edikasyon… La foire permet à une famille d’avoir un revenu supplémentaire en recevant du monde. |
Bernard |
Est-ce que cette formule de loger les visiteurs chez l’habitant fonctionne ? |
Abner |
Oui ; pas toute l’année, mais à certaines occasions : foire de la montagne, … |
Bernard |
Mais la famille a du faire des aménagements dans sa maison ? |
Abner |
Bien sur. Nous avons construit 15 maisons et les bénéficiaires commencent à rembourser ; avec ce remboursement nous continuons à construire et à aménager. |
Bernard |
La première personne que j’ai entendu parler de loger des touristes chez le paysan, c’était Smarck Michel, qui était alors Ministre du Commerce. Je dois dire que je me suis demandé s’il savait ce qu’était un logement paysan. |
Abner |
En ce qui concerne le tourisme, il n’y a pas que Vallue ; on peut envoyer les visiteurs vers d’autres sites : le site « pain de sucre », avec, à l’entrée, un superbe mapou sur lequel courent toutes sortes de légendes, et une vingtaine de bassins, Bassin Arc-en-ciel, Bassin Gamelle, les grottes de Grand Goâve, le canal colonial de Dimy. |
Bernard |
Il faudrait un cinéaste pour faire connaître tout cela. |
Abner |
Oui, il y aurait beaucoup de choses à montrer. |
Bernard |
En y réfléchissant bien, quand on a un hôtel, il n’y a que le client qui en profite, avec cette formule, le client profite, mais de propriétaire de la maison profite également. |
Abner |
Et les paysans veulent continuer à aménager leur habitat ; ainsi maintenant ils veulent avoir des panneaux solaires. Mais il n’y a pas que les visiteurs qui viennent à Villa Ban-Yen ; les gens de Vallue y viennent aussi, par exemple pour une réception de mariage, pour la lune de miel. L’hôtel de son côté appuie des activités sportives, par exemple les déplacements de nos jeunes joueurs de tennis. |
Bernard |
Tu veux dire ping-pong. |
Abner |
Non, tennis. |
Bernard |
Parlons maintenant de Topla |
Abner |
Agro-industrie On va se lancer dans la production de vin. Nous voulons convertir Topla en entreprise par actions. Il n’y a pas que l’impact économique ou environnemental, il y a aussi un impact social. Ainsi il y a un aspect éducatif : on est obligé de penser à l’autre, le client, donc on comprend la nécessité de l’hygiène ; il y a les éléments de gestion. Vous savez que nous avons été médaillés de 1er mai. |
Bernard |
Je dois signaler que Abner est un sociologue et qu’il partage certaines de mes préoccupations ; il y a quelque temps il a écrit un article dans lequel il signalait que le paysan est actuellement complètement oublié. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Nous avons parlé de création d’emplois, quels autres projets y a-t-il ? |
Abner |
Nous pouvons signaler la route, un programme de repeuplement porcin. Nous essayons d’améliorer les conditions de vie du paysan, par exemple au niveau des besoins en eau nous avons construit un impluvium avec un réservoir de 75.000 gallons, car il faut stocker l’eau, mais il y a aussi un programme de captage de sources. Avec cela, les enfants n’auront plus à aller chercher de l’eau. |
Bernard |
Est-ce que vous encouragez les citernes individuelles ? |
Abner |
C’est très important car cela permet au paysan d’avoir un jardin proche de sa maison. L’exemple de la papaye … si chaque paysan peut avoir 3 plants de papaye qui donnent des papayes comme celle-la, on peut imaginer le profit. Nous voulons rapprocher l’école des enfants Dans le domaine de l’information, nous avons un cyber café et une radio communautaire. |
Bernard |
A propos de radios communautaires, nous aimerions faire passer ces émissions sur ces radios. |
Abner |
Ce serait une bonne chose. |
Bernard |
Tu ne m’as pas parlé de Fort Gary. |
Abner |
Il est à une certaine distance de Vallue et une excursion vers le fort devrait se faire en deux ou trois étapes ; on pourrait, par exemple, prévoir une halte à l’étang Durissy. |
Bernard |
J’ai fait une fois un grand tour à cheval, partant de la rivière Barette nous sommes montés dans la montagne, passant au pied du Fort Gary, et redescendu par la rivière la Digue. J’étais avec un étranger qui, pensant à la fatigue de ce tour mais à la beauté du paysage, a dit : « Haïti est un pays qui se mérite ». |
Abner |
Quand on pense à Haïti, on pense à la Citadelle ; après la Citadelle, c’est Vallue. |
Bernard |
La prochaine grande manifestation ? |
Abner |
L’été de la montagne, en juillet. Je dois signaler que nous avons trouvé d’importantes installations caféières coloniales. |
Bernard |
Il faut savoir ce qu’est Petit Goâve. Ce fut la 2ème ville de la colonie, et à un certain moment on a pensé transférer le siège du gouverneur du Cap vers Petit Goâve. On avait même commencé des constructions pour la protection de la ville ; mais finalement on a opté pour Port-au-Prince et les ruines de Fort Royal sont tout ce qui reste des fortifications entamées. Petit Goâve a donc un grand potentiel touristique pour ceux qui aiment les vieilles pierres. |
Abner |
Après l’été de la montagne, nous aurons la 2ème édition du congrès de la montagne en septembre. Nous pensons à l’élaboration d’un code de la montagne. Un plan de réflexion sera préparé dans le courant du mois de mai. Le 3ème grand évènement sera la 4ème édition de la foire de la montagne du 6 au 9 décembre |
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jeudi 12 juillet 2007