Débat |
Développement Durable |
Domaine |
Environnement |
Mise en œuvre |
Mélodie and Company |
Emission du |
31/05/07 |
Invité |
Tanguy Armand |
Thème |
La Fondation Haïtienne de l’Environnement |
Transcription
Bernard |
Cet après-midi, nous avons de la chance, ce n’est pas comme la semaine dernière où j’avais du assurer l’émission tout seul, aujourd’hui nous avons avec nous M. Tanguy Armand qui est président du conseil d’administration de la Fondation Haïtienne de l’Environnement (FHE). Il vient de me dire qu’il ne connaît rien à l’environnement, c’est un bel aveu, mais il est possible que quelqu’un qui ne connaît rien à l’environnement, mais qui est un bon administrateur, soit très utile à la fondation.Bonsoir Tanguy |
Tanguy |
Bonsoir Bernard, bonsoir aux auditeurs de Mélodie, je te remercie de l’invitation. Effectivement je ne suis pas un environnementaliste, je ne suis pas agronome … |
Bernard |
… je ne suis pas agronome non plus. |
Tanguy |
Je sais. |
Bernard |
Nous avons invité cet après-midi parce que la FHE a entrepris récemment une série d’activités :
C’est impressionnant, mais Tanguy sa k’ pase ? |
Tanguy |
La FHE existe depuis à peu près 6 ans, et c’est pour moi un privilège de pouvoir maintenant l’orienter, de rencontrer des hommes et des femmes qui se gaspillent dans ce pays, mais ce n’est pas moi qui l’ai montée. Il y a eu des visionnaires, comme Jean André Victor, Hans Tippenhauer, Dominique Lacombe, qui sont toujours là ; il y avait 42 membres qui sont encore là ; il y avait des partenaires étrangers, comme la USAID, qui nous ont aidé, il faut le reconnaître à la structurer pour que nous soyons en mesure de faire ce que nous faisons maintenant. Nous achevons actuellement notre 5ème audit financier, ce n’est pas mal.Comme toute institution qui démarre, nous avons eu des problèmes ; le pays lui-même avait des problèmes … |
Bernard |
… 6 ans, cela nous met en 2001, c’était une mauvaise période ; fallait y croire. |
Tanguy |
Exactement, mais jusqu’à présent nous avons pu tenir. |
Bernard |
OK, maintenant, je vais te poser une question facile et une question compliquée. La question facile : la FHE c’est quoi ? Quel est son objectif ? |
Tanguy |
L’objectif premier c’est de créer un fonds environnemental ; en quelques mots : c’est chercher de l’argent pour financer des projets dans l’environnement. Pour simplifier, ce serait le FAES de l’environnement.Mais maintenant nous allons plus loin, car nous ne pouvons pas nous contenter de financer des projets. Nous avons aussi un rôle de catalyseur de projet, un rôle de vision à vendre au grand public. Nous devons jouer un rôle de leadership dans l’environnement pour pouvoir dire voilà notre .façon de faire les choses, et ceux qui adhèrent à cette vision-là nous donnent leur support. C’est cela le leadership. C’est pour cela que nous réorientons le FHE. Au E de FHE nous avons ajouté un petit 4. |
Bernard |
J’avais remarqué ; c’est pour Eau, Energie … |
Tanguy |
… Eau Energie, Education, Economie, car il faut parler de l’économie de l’environnement. |
Bernard |
Attends une minute. Un fonds, avez-vous l’intention d’établir des relations avec de Fonds Mondial de l’Environnement qui est justement censé financer des projets ? |
Tanguy |
On va y arriver. Mais dire qu’on veut financer des projets, c’est une chose, être en mesure de le faire, c’est une autre chose. Actuellement nous commençons à être capables de le faire, nous commençons à être crédibles. Notre action vise aussi les bailleurs de fonds comme l’Union Européenne, qui a financé cette Initiative Dialogue Politique et Environnement (IDPE), comme l’AID ; avec qui nous faisons des projets à Cité Soleil, à Pétionville. Je dois te dire que l’année dernière nous avons ramassé 104 tonnes de plastic dans Pétionville. |
Bernard |
Nous, qui est ce nous ? |
Tanguy |
Avec l’AID, nous avons financé de petits projets de collecte de bouteilles en plastic que nous avons exportées aux USA ; 104 t de petites bouteilles en plastic en 16 mois. |
Bernard |
Je me souviens qu’un jour, au Palais National, René Préval nous a montré un objet, qui avait la forme d’une brique, et qui était fait de résidus de plastic fondus, et qui pouvait servir à plusieurs usages. Est-ce qu’il y a une chance que l’on puisse monter en Haïti une usine qui permette de faire ce recyclage nous-mêmes ? |
Tanguy |
La première étape, c’est la collecte des déchets. Maintenant les déchets commencent à être valorisés. On ramasse du plastic, on ramasse de la ferraille, même des bouts de fils. |
Bernard |
Il y a un individu qui a installé une balance au coin de Delmas 99. Pour moi, la balance c’est le symbole du pouvoir, en milieu rural, car la balance, c’est le spéculateur qui achète le café. Eh bien maintenant il y a une balance au coin de Delmas 99, le type achète des clous, des boulons, … |
Tanguy |
L’important c’est qu’on puisse valoriser le déchet. Cela commence, avec l’augmentation du prix du pétrole … c’est un marché mondial actuellement. C’est pour cela que je voulais revenir à l’économie … |
Bernard |
Attends, attends, je veux poser ma question embêtante. Il y a quelque chose qui s’appelle la FAN, et tu as cité jean André Victor, mais il était à la FAN … |
Tanguy |
… il est toujours à la FAN. |
Bernard |
Quelle différence entre FAN et FHE ? |
Tanguy |
La FAN est la Fédération des Amis de la Nature. C’est plus un porte-voix, c’est une grosse caisse de résonance, pour informer, éduquer, dénoncer, sensibiliser. Mais il ne suffit pas de parler, on a aussi besoin d’action. Ici nous parlons beaucoup, mais si tu as remarqué, la FHE n’a pas parlé souvent, parce que nous pensions que nous n’en avons pas encore fait assez. Je vais te dire, je ne vais pas fêter le 5 juin, le jour de l’environnement. Qu’est-ce qu’on va y faire ? encore parler. Si on ne peut pas venir avec des actions concrètes, positives, dynamiques, avec une rentabilité quelconque, économique, financière, sociale, je ne parlerai pas. |
Bernard |
D’accord. Tu voulais parler de ton aspect économique, on va y arriver, mais je reviens à ma prise de connaissance de la FHE, c’était à l’occasion de Initiative Dialogue Politique et Environnement (IDPE). vous aviez choisi deux thèmes : l’eau et l’énergie. Mais ce qui est intéressant, c’est d’avoir pris des résolutions, tout le monde prend des résolutions, mais surtout d’avoir appelé des personnalités responsables et de leur avoir dit : voilà ce que nous attendons de vous.J’ai reclassé les résolutions dans mon cadre de référence : Parlant de la gestion de la ressource, vous dites : Plaidons en faveur de l’élaboration d’une politique nationale pour le Secteur Eau qui tient compte du caractère unitaire de la ressource et la séparation des fonctions de gestion et d’exploitation et qui considère à la fois son utilisation, sa mise en valeur et sa conservation.Recommandons une meilleure coordination inter et intra-institutionnelle dans la gouvernance de l’eau, la déconcentration de son administration et un partage pleinement équilibré des compétences entre l’Etat Central et les Collectivités Territoriales dans la perspective de promotion du développement local.Nous sommes dans la gouvernance de l’eau et c’est un thème central. Il y a actuellement une proposition de législation qui doit aller devant le Parlement. C’est une vieille affaire. Il y a quelques années la BID a voulu proposer le modèle dominicain. Ils ont une agence de gestion de l’eau qui ne dépend d’aucun ministère. Car il y a plusieurs secteurs qui utilisent l’eau :
Et le principe est que l’utilisateur ne doit pas être aussi le gestionnaire. Votre résolution va dans ce sens. En ce qui concerne l’énergie vous dites : Supportons et demandons au peuple haïtien de supporter l’élaboration du Plan National de Développement du Secteur de l’Énergie (PNDSE) qui est mis en chantier par le Gouvernement haïtien et qui sera finalisé et validé à la suite d’une démarche participative. Le « Plan National de Développement du Secteur de l’Énergie », je ne sais pas ce que c’est. |
Tanguy |
Ils sont venus le présenter à notre atelier, et c’est une grande première. Il y a eu un vrai débat, une vraie participation, une vraie ouverture. Les informations ont été accessibles et mises en débat, chose rare. Cette relation avec les TPTC et le MdE continue et s’est même renforcée, et nous sommes un peu les intermédiaires entre le gouvernement et la société civile. Notre mandat est de continuer et nous continuons ; on verra comment.C’était une grande première. Quand René Jean-Jumeau, qui est conseiller sur l’énergie … |
Bernard |
… qui était là lors de la première activité au Montana ? |
Tanguy |
Exactement. Je cite des noms volontairement, car il y a des hommes de l’ombre, qui travaillent, qui sont archi-compétents et qui veulent que les choses fonctionnent. Michael de Landsheer est venu parler du Programme National de Réhabilitation de l’Environnement … |
Bernard |
Je ne connais pas |
Tanguy |
Il a été présenté et il est accessible sur le site du BME. Tout est là. |
Bernard |
Je dois dire que je ne l’ai pas consulté, bien qu’on en ait parlé lors du déjeuner-débat de la FHE au Montana. Mea culpa. Mais la fondation devrait publier tout cela. |
Tanguy |
La fondation le met sur son site, mais toutes les informations sont publiques. |
Bernard |
Là où je voulais te taquiner, c’est que, dans mon cadre de référence, ce qui vient en premier c’est l’éducation, et dans vos résolutions il n’y a rien. |
Tanguy |
On est d’accord. Tout ne peut pas être parfait, et l’éducation est prioritaire. Mais il faut que ces résolutions soient mises en application, car on a beau éduquer tant qu’on veut, s’il n’y a pas un cadre … |
Bernard |
Evidemment. |
Tanguy |
Et c’était ça le but aussi. Quand nous avons parlé de IDPE, c’était le dialogue national et nous avons invité des membres représentatifs de la société civile à travers des 10 départements. Sans compter sur une grosse présence de la presse qui était invitée pas seulement comme relais, mais aussi comme acteurs. Les cadres des différents ministères étaient là pour présenter, discuter et faire valider, ou pas. La partie innovante, en plus, est que nous avons eu la présence de députés et de sénateurs. |
Bernard |
Pour l’eau il y a eu un absent, le MARNDR. Le représentant a envoyé un papier qui a par la suite été diffusé sur le net. Je l’ai trouvé intéressant et je l’ai invité à venir à l’émission. Il a accepté, puis il y a eu un malentendu ; c’est pour cela que la semaine dernière je n’avais pas d’invité. |
Tanguy |
Je voulais t’encourager à inviter des techniciens des différents ministères à venir parler des problèmes. Je dis qu’il y a des projets, des plans, des stratégies, qui commencent à pouvoir être mis en place. |
Bernard |
Mais il faut en même temps que le public soit informé ; tu tournes à vide si tu n’as pas transmis l’information de manière à ce qu’on te suive.Si je reprends vos résolutions : Confions, en dernier lieu à la Fondation Haïtienne de l’Environnement (FHE), la mission d’assurer le suivi de la démarche entreprise en organisant des plaidoyers appropriés et des activités subséquentes de mobilisation de fonds en vue d’en faire rapport régulièrement aux participants et aux institutions concernées pour les suites de droit et de fait. Demandons à la Fondation Haïtienne de l’Environnement (FHE) de poursuivre l’Initiative du Dialogue Politique et Environnement (IDPE) et d’assurer subséquemment le suivi de toutes les résolutions adoptées avec obligation de rendre compte en temps et lieu.Alors tu fais le suivi et chaque fois que tu as quelque chose à dire, ce micro t’attend. |
Tanguy |
Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. |
Bernard |
Maintenant, ce qui m’avait vraiment intéressé, car je crois que c’est nouveau, c’est une fondation qui se réunit et qui appelle trois parlementaires pour leur dire : messieurs, voilà ce que nous avons décidé. Comment êtes-vous arrivés à cette idée ? |
Tanguy |
Présenté comme cela… ! Ce n’est pas exact. Nous avons présenté notre projet aux parlementaires, la qualité du public invité et ce que nous souhaitions obtenir comme extrant. A partir de là ils ont adhéré à ce mouvement, à ce dialogue, et ils se sont mobilisés au niveau de la commission environnement. On a eu une grande présence de madame Beauzile. Le président du Sénat a manifesté son très fort intérêt à appuyer cette démarche ; il était intéressé à la mise en place des mécanismes de développement propre, ce qu’on appelle les AMD, prévus dans le protocole de Kyoto, notamment le crédit carbonne. |
Bernard |
Tu sais ce que c’est ? |
Tanguy |
Je comprends le concept, mais je ne suis pas expert. Disons qu’il y a les gaz à effet de serre et qu’il faut réduire les émissions de ces gaz ; pour cela il faut produire du CO2 ?... |
Bernard |
Non, le CO2 est un gaz à effet de serre. D’après ce que j’ai compris, par le mécanisme de la photosynthèse, les végétaux absorbent le CO2 et rejettent, de l’oxygène. Jusque là ça va.J’ai rencontré une jeune femme qui m’a parlé de plantation de forêt ; il lui fallait 2.000 ha, et c’est la ville de Paris qui est intéressée à financer cela, et là-dessus, elle me balance les crédits carbonne. |
Tanguy |
Cela se fait au niveau mondial. Finalement, c’est un droit de polluer que l’on achète. |
Bernard |
Jusqu’ici, ça va. La question : d’où vient l’argent ? |
Tanguy |
Bonne question. Prenons l’exemple d’une usine de plastic, en Europe, qui est pénalisée parce qu’elle pollue. On peut lui faire un crédit d’impôt, si elle investit dans des formes d’économie des CO2. Donc tu vends, toi Haïti, le gaz carbonique que tu as absorbé. Avec ces mécanismes, on peut avoir des fonds pour investir. |
Bernard |
Et on arrive à ton affaire: l’économie.Je rêve toujours de couvrir la Chaîne des Matheux de benzolive ; si tu me demandes : pourquoi du benzolive ? j’aurai la réponse ; mais maintenant je peux être payé pour couvrir les Matheux de benzolive ... |
Tanguy |
… si tu arrives à mettre en place des mécanismes de contrôle pour savoir combien … |
Bernard |
… de gaz carbonique est absorbé … |
Tanguy |
… tu en connais la valeur monétaire. C’est pareil pour un barrage hydro-électrique … |
Bernard |
… parce que je ne produis pas de CO2 en produisant mon énergie. Je commence à y voir un peu plus clair.Alors ton 4ème E : l’économie ? |
Tanguy |
D’abord, c’est un truc très personnel. On parle de couper des arbres, de ne pas couper des arbres, de replanter … mais je suis un industriel ... |
Bernard |
… tu fais partie de la catégorie des gens dont nous avons peur, parce que tu fais du béton … |
Tanguy |
… oui je suis dans le béton … |
Bernard |
… et nous avons peur que tu viennes planter du béton dans la plaine du Cul-de-Sac. |
Tanguy |
Au contraire, je trouve que c’est dramatique ; c’est le fait de cette autorité de l’Etat qui a été inexistante pendant un long moment. Maintenant on veut construire l’économie, cela va être très simple. On part du principe production-protection, montagne-mer. Pour pouvoir maintenir un minimum de couverture végétale sur un bassin versant, ce qu’on appelle un château d’eau, pour pouvoir réduire le ruissellement, il faut pouvoir retenir cette eau, il faut avoir une couverture végétale. Si les arbres sont coupés, c’est pour des raisons économiques. La question est donc : qu’est-ce qui peut apporter une activité pérenne, qui reste sur le bassin versant. Le mais, le petit mil ne donnent plus, parce que la terre est partie ... |
Bernard |
… culture sarclée en montagne !!! |
Tanguy |
Il faut trouver des alternatives. Ce que nous essayons de faire, c’est de structurer une activité agricole dans le petit bassin versant de Montrouis et d’en faire un modèle qui soit réplicable. Le projet a un très beau nom, grâce à mon père, « Montrouis, le retour de la rosée ». Cela traite de l’eau, de la vie. Donc on voit cette superbe rivière de Montrouis, qui a des crues sauvages, parce qu’il n’y a plus rien sur le bassin versant, et il faut sauver cette rivière, car beaucoup de nos rivières disparaissent. |
|
Nous avons décidé de nous concentrer sur Montrouis pour plusieurs raisons. D’abord, Montrouis réunit tous les ingrédients du succès. Il a les hôtels sur la Côte des Arcadins et il y a la montagne qui surplombe la mer. Deux activités : secteur agricole, secteur touristique. Il faut que le tourisme absorbe ce que le monde agricole produit. Pour que le monde agricole produise, il faut que l’on investisse dans les infrastructures et que l’on fasse confiance au capital humain, pour reprendre tes six axes, ce capital humain qui peut encore travailler dans la zone, qui sait travailler et qui a ce potentiel en jachère. Donc investir dans un barrage hydro-agricole. Il y a un financement, à travers le MARNDR, pour reconstruire un barrage qui va irriguer 340 ha de terre qui appartiennent à des membres de la communauté de Montrouis.. |
Bernard |
Reconstruire ? il y avait déjà un barrage ? |
Tanguy |
Il y avait une petite déviation qui est tombée depuis trois ans et il faut voir ce que les agriculteurs ont fait avec notre support ; ils ont canalisé l’eau avec des drums qu’ils ont soudés pour faire un pipeline. Ils ont sauvé la récolte parce qu’on commençait à couper les arbres, tant la sécheresse sévissait. Depuis quatre ans on attendait cela. Mais il y a une grande collaboration du MARNDR. La deuxième chose, au niveau de la FHE, nous montons plus haut, dans un petit village adorable qui s’appelle Freta. FOKAL y a déjà mis une très belle école et nous aimerions que la FHE aide l’association de Freta à mettre en place une unité de transformation de produits agricoles. Ce sont eux qui deviendront les propriétaires de l’équipement pour la transformation, pas un industriel, mais la coopérative, et la FHE va donner tout son appui pour qu’elle trouve des fonds pour le faire. C’est pour cela que nous attendons les résultats de l’étude, tout le monde parle de jatropha, de bio-diesel, nous, nous allons nous concentrer sur la rentabilité du bassin versant à travers les huiles énergétiques pures, pas le bio-diesel, mais les huiles énergétiques pures, qui peuvent être utilisées dans des moteurs pour faire marcher des moulins à mais … cela se fait dans d’autres pays. |
Bernard |
C’est quoi cette huile ? |
Tanguy |
C’est ce qu’on appelle le « gro medsiyen », et c’est sur cela que nous allons nous concentrer. |
Bernard |
L’autre jour, VETERIMED a organisé une foire au Caribe Convention Center et il y avait un stand de gens qui fabriquent du bio-diesel. La dame à qui j’ai parlé m’a dit : nous en produisons, ma voiture roule avec cela. |
Tanguy |
C’est très vrai … |
Bernard |
… ce n’est pas une blague ? |
Tanguy |
Ce n’est pas une blague du tout ; ils sont très sérieux, très dynamiques, mais nous, nous allons rester dans le cadre de la FHE. Il faut que l’analyse économique soit faite ; d’ici un ou deux mois on l’aura, et il faut connaître le rendement du medsiyen en Haïti. Avant de lancer cela au niveau national, il faut les données scientifiques. Dans d’autres pays, cela marche ; l’Inde plante des milliers d’hectare en jatropha, la Chine, le Mali, etc, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas ici.. Il y a le medsiyen, mais il y a aussi ce qu’on appelle le « maskriti » ; cela ne sert pas seulement pour le traitement des cheveux, il y a beaucoup d’argent à faire avec lui sur le marché international. Mais ce que nous voulons, c’est que pour une fois les bailleurs de fonds investissent jusqu’au bout de l’opération : les moyens de production, la transformation, la production d’énergie, pour que le paysan devienne un agro-entrepreneur. Il faut que nous lui fassions confiance. Nous les mettons dans un avion pour aller à St Domingue, au Brésil, pour qu’ils voient ce que d’autres pays font. |
Bernard |
Quand tu as parlé d’agro-entrepreneur, j’ai pensé à un ami, et puis j’ai réalise que tu le connais très bien, c’est Camille Bissereth. |
Tanguy |
Nous sommes bien avancés ; ce n’est pas du blabla, il y a un plan. Nous avons une réunion demain à la BID et, comme je te dis, j’attends les résultats de cette étude pour attaquer en force. Hier nous étions à Freta avec des gens de l’EdH. Je le dis parce que c’est cela le partenariat institutionnel. Nous ne pouvons pas agir seuls, d’autres institutions doivent nous accompagner. Ils viennent voir, pour comprendre, et si le projet dans son intégralité semble bon, ils peuvent l’appuyer. |
Bernard |
Si tu fais un barrage, tu peux mettre une turbine. |
Tanguy |
Il y a un coût là-dedans. La visite d’hier c’était aussi pour cela. Nous pensions à une petite turbine, puis nous avons envisagé une plus grosse, mais nous ne devons pas trop rêver. Certes il y a les hôtels ; hier les gens de Indigo étaient avec nous ; ils consomment 400 gallons de diesel chaque jour. |
Tanguy |
En général l’agriculture peut produire, mais elle ne peut pas vendre ; pas de route, pas d’emballage, pas de marché ; donc ils perdent de l’argent car ils n’arrivent pas à écouler toute leur production, ils sont découragés. L’important c’est la filière commerciale ; il faut un marché. Montrouis présente beaucoup de paramètres positifs : il y a une route, il y a un marché, les clients sont proches, Indigo, Moulin sur mer, Xaragua peuvent absorber la production. Il faudra améliorer la qualité de la production, avec des prix normaux, avec des mesures de quantité logiques. Si la production répond à des normes de qualité et de prix, Indigo la prendra. C’est sur cela que la fondation veut se concentrer aujourd’hui. Nous voulons mettre toutes les ressources pour que ce modèle marche. |
Bernard |
Donc c’est une intervention, mais avec la volonté d’aller jusqu’au bout, quitte à ce qu’un autre aille la reproduire ailleurs ... |
Tanguy |
… et de se donner les moyens. Si cela marche, ce sera une traînée de poudre. |
Bernard |
Donc, au lieu de couvrir ma montagne de benzolive, vous allez y mettre du jatropha. |
Tanguy |
Non, on peut aussi mettre du citron ; il y a de l’argent à faire dans le citron, dans la cerise. |
Bernard |
Quand tu vas là-haut, tu y vas à pied ? |
Tanguy |
Non, du village de Montrouis à Freta il y a 12 km, le long de la rivière. Arrivé à Freta tu as vois cette rivière qui est belle, tu vois du cresson tu jouis de cette nature … j’arrête. |
Bernard |
Il devient poétique. |
Tanguy |
Tu dois y aller ; c’est de l’écotourisme, il y a des sites coloniaux, et c’est l’agriculteur qui va les protéger. |
Bernard |
Vous remontez jusque sur le plateau là où il y a les ruines de caféteraies coloniales ? |
Tanguy |
Bon, je ne connais pas la zone parfaitement, mais il y a des tas de choses. |
Bernard |
Tu as appris à l’école que le café d’Haïti s’exportait sous le nom de café de St Marc. Si tu montes à Goyavier, à partir de St Marc, tu arrives sur le plateau qui est une zone caféière et tu trouves des ruines de caféteraies coloniales … |
Tanguy |
On peut faire une association avec les propriétaires de manguiers autour du miel, car il y a aussi de l’argent dans le miel. On pense toujours à l’exportation, mais il y a un marché local ; tu as beaucoup de consommateurs qui peuvent acheter de petites quantités chaque jour. Est-ce que tu te souviens d’un shampoo qu’on appelait « shampoo rico » ? Nous voulons utiliser Freta comme un modèle. Nous pensons que, puisqu’il y a beaucoup de manguiers, on peut mettre des ruches ; pour deux raisons : les abeilles pollinisent les fleurs de manguiers, ce qui augmente le rendement et on peut redévelopper la production de miel. Le secret est dans l’emballage ; nous sommes dans une micro-économie avec beaucoup de monde avec un faible pouvoir d’achat ; nous voudrions que ce miel soit emballé comme ces « shampoo rico » ; avec le petit format, tu peux augmenter ta vente. Si tu mets le miel dans de gros bocaux en verre ou en plastic, tu es en-dehors du marché. Ça, c’est une approche que nous prônons. De même pour les jus que nous aimerions pasteuriser là-haut. Nous allons nous concerter avec nos partenaires pour trouver l’argent. |
Bernard |
J’ai besoin d’une invitation car je ne connais pas la route. |
Tanguy |
C’est facile ; avant de prendre le pont de Montrouis, tu tournes à droite et tu longes la rivière. Arrivé à Freta, tu peux laisser ta voiture et marcher un ; après 4 km de marche tu arrives à un endroit appelé Mònn Fann, c’est féerique. Je vous encourage à y aller. |
Bernard |
On ira. |
Tanguy |
La FHE est gérée par des haïtiens, pour des haïtiens. Très souvent nous trouvons des bailleurs, mais nous n’apportons pas notre fonds de contrepartie. La FHE a un fonds depuis 6 ans, mais il faut que nous trouvions des appuis : argent, compétence, matière grise. On a besoin d’utiliser ton micro pour le véhiculer. |
Bernard |
Le micro est là pour cela. Nous sentons à Mélodie le devoir de faire connaître ce que la FHE a initié. |
Tanguy |
Il y a des tas de gens de qualité dans ce pays ; ils sont discrets, ils sont modestes ; va les chercher, invite les ; ils sont compétents et ils sont honnêtes. Il faut faire émerger les nouveaux héros, les faire parler ; nous avons besoin d’autres modèles. |
1
FHE – lundi 29 octobre 2007