- Details
- Category: – Irrigation (32)
Débat |
Développement Durable |
Domaine |
Environnement aménagé |
Mise en œuvre |
Mélodie and company |
Emission du |
12/04/07 |
Invité |
Alain Thermil |
Thème |
Assistance technique aux associations d’irrigants |
Transcription
Bernard |
La semaine dernière on a eu le jeudi saint ; nous n’avons donc pas eu d’émission. Aujourd’hui nous avons avec nous Alain Thermil, agro-écologiste ; Alain, qu’est-ce que c’est qu’un agro-écologiste ? |
Alain |
Un agro-écologiste est quelqu’un qui a une formation de base en agriculture et une spécialisation ou un intérêt pour tout ce qui a à voir avec l’écologie, la protection de l’environnement. C’est un terme nouveau et qui est calqué sur agro-économiste. |
Bernard |
Alain va donc nous parler du Programme d’Assistance Technique pour le Renforcement des Associations d’Irrigants (PATRAI). Les associations d’irrigants sont formées de personnes qui utilisent un système d’irrigation et se mettent ensemble pour le gérer. Ce programme doit donc assister ces associations. C’est un projet pilote, car il n’y en a pas encore de ce type, et il est financé par le FIDA (Fonds International pour le Développement de l’Agriculture), une branche des Nations Unies qui a des liens étroits avec la FAO. C’est le résultat d’un montage compliqué dont Alain va nous donner les détails. |
Alain |
Il y a un historique intéressant. Bernard donnera des détails sur son implication dans l’irrigation qui remonte aux années 80. Mais, pour le programme, au départ, il y a la FONHDILAC (Fondation Haïtienne pour Développement Intégral Latino-Américaine et Caraïbéen) qui est un groupe de pensée, un think tank, formé à partir de la fin des années 90, à la suite de ce que le FIDA appelait un réseau dans chaque pays où il y avait des personnes travaillant dans des programmes du FIDA. Quand le financement du FIDA a été suspendu, les personnes travaillant dans le milieu rural, en relation avec le FIDA, ont décidé de ne pas laisser tomber ce think tank, ce réseau. Il faut signaler qu’un réseau est une structure très lâche, qui n’a pas de personnalité civile. Il fut donc décidé de faire évoluer ce réseau en fondation. De là est née la FONHDILAC. En mai 2005, à l’occasion d’une mission du FIDA en Haïti, les membres de la nouvelle fondation ont rencontré les membres de la mission du FIDA et leur ont parlé de la FONHDILAC et de ses projets. Les membres de la mission ont été heureux de cette évolution, et, après leur retour à Rome, les échanges ont continué, grâce à la magie de l’Internet. La phase 1 du projet PPI (Petits Périmètres Irrigués), financé par le FIDA, et qui avait permis la réhabilitation de 26 périmètres irrigués, arrivait à son terme. Ce projet avait permis de mettre sur pied une structure de gestion sur chacun de ces périmètres. On sait qu’autrefois, les systèmes d’irrigation étaient gérés par l’Etat, à travers un syndic. Actuellement, il n’y a plus de syndic et les systèmes sont gérés par des associations. Avec le PPI, 26 de ces associations ont été formées, mais elles ont des niveaux de maturation différents. Nous avons donc pensé à un programme pour le renforcement de ces associations. Mais il n’y avait pas que le PPI à avoir développé une méthodologie de mise sur pied de ces associations. |
Bernard |
Essayons d’identifier les grandes lignes. Au départ, il y a le FIDA, avec son siège à Rome, comme la FAO. Le FIDA avait son projet PPI en Haïti. Et dans tous les pays d’Amérique Latine, le FIDA avait encouragé la création d’un réseau FIDA-CIARA. Quand le réseau a été lancé en Haïti, l’INARA a reçu du MARNDR une invitation à y participer. Ce réseau a évolué vers une organisation autonome de droit haïtien, la FONHDILAC, qui a gardé des relations avec le FIDA et a décidé d’assister les associations d’irrigants crées par le projet PPI. Le FIDA a trouvé un financement pour ce programme, ce qui a été assez compliqué, car il y a une intervention du gouvernement italien. Ceci est une aile de l’oiseau, comme dirait Jean-Bertrand Aristide ; il y a une autre aile qui est la FONHADI. |
Alain |
Je vais parler de FONHADI, mais auparavant, il faut signaler qu’il y a d’autres opérateurs qui ont une méthodologie pour la mise en place des associations d’irrigants. Le programme doit permettre de faire un diagnostic des périmètres qui ont suivi la méthodologie du MARNDR, mais il y a aussi les autres. On va donc analyser tout cela et proposer une méthodologie nationale. La FONHADI était, au départ, un Groupe de Réflexion sur l’Irrigation, formé d’acteurs spécialisés dans l’irrigation. Elle a organisé diverses sessions de réflexion et de formation ainsi qu’un atelier national, et proposé un document qui devrait intéresser tous ceux qui sont actifs dans l’irrigation. Ce groupe de réflexion a lui aussi évolué vers une fondation : la Fondation Haïtienne de l’Irrigation (FONHADI). Cette fondation menait de son côté une démarche auprès de la BID (Banque Interaméricaine de Développement) particulièrement en ce qui concerne le cadre légal de l’irrigation. Or le gouvernement italien, le FIDA et la BID avaient un fonds qui devait encourager les initiatives de la société civile en Haïti. FONHDILAC et FONHADI ont donc été invitées à coordonner leurs actions ; c’est ainsi que notre programme s’est trouvé enrichi avec les périmètres touchés par la FONHADI. On prévoit de travailler sur 35 associations. |
Bernard |
Je voudrais attirer l’attention sur le fait que, quand on parle de société civile dans ce contexte, on parle de techniciens qui veulent conjuguer leurs efforts pour offrir des solutions et un appui technique. J’insiste, parce qu’on nous rabache les oreilles avec une soi-disant société civile qui est formée de personnes à la recherche du pouvoir politique. La société civile dont nous parlons n’est pas de ce genre. |
Alain |
Je me souviens, il y a quelques années, je participais à un séminaire de formation, en Belgique ; il y avait des haïtiens, des congolais … On parlait de société civile ; et la question a été posée : la société civile, c’est quoi ? Ce n’était pas un thème facile ; des gens ont dit : la société civile, ce sont les ONG ; mais ce n’est pas tout ; c’est la société en général. |
Bernard |
C’est tout ce qui n’est ni politique, ni militaire, ni religieux. |
Alain |
Ça peut être une « initiative » qui vient d’un groupe, d’une association. Il y a chez nous une certaine paresse intellectuelle qui nous pousse à identifier une personne avec le concept qu’elle utilise. |
Bernard |
Et souvent cette personne est bien d’accord avec cette identification. On avait donc deux fondations, qui avaient chacune un programme très semblable à celui de l’autre, qui s’adressaient pratiquement à la même source de financement, et qui finalement ont trouvé un consensus pour mener ce programme conjointement. On a donc créé une … |
Alain |
… Unité de Gestion du Programme (UGP)… |
Bernard |
… composée de personnes désignées par les deux fondations et le coordonnateur de l’UGP est Alain Thermil. Mais pourquoi cette préoccupation au sujet de la gestion des systèmes d’irrigation ? |
Alain |
On peut regarder sur plusieurs plans, mais ce qui est intéressant, c’est que le projet PPI a coûté US$ 22 Mio. C’est un prêt que le FIDA a accordé au gouvernement haïtien et qu’il faudra rembourser. La préoccupation est que cet investissement est mis aux mains d’associations d’irrigants, mais qu’il faut aussi leur donner les moyens de l’utiliser de manière à ce qu’il serve à améliorer les conditions de vie des membres des associations. Et je tombe dans mon dada qui est l’agriculture d’entreprise. |
Bernard |
J’au une autre question. Je comprends très bien la préoccupation : US$ 22 Mio ont été dépensés, qu’il faudra rembourser, faut-il bien que cet argent ne se perde pas dans la mer. Il faut donc que cet investissement apporte un bénéfice
Ce sur quoi je voulais insister, c’est qu’on remet le système aux usagers ; c’est un élément nouveau ; il y a une réorientation au niveau de l’organisation de l’irrigation et je voudrais que tu dises un mot là-dessus. |
Alain |
C’est l’Etat qui gérait les systèmes d’irrigation, mais les mentalités ont évolué. Et je connais un monsieur qui s’appelle Bernard Ethéart qui a joué un rôle de pionnier. A Croix Fer, il est venu avec ce discours que l’agriculteur est capable de gérer le système en construction. Cela remonte aux années 80 ; nous sommes dans les années 2000 ; la tendance, au niveau de l’Etat haïtien, est de se retirer de la gestion directe, qui coûte beaucoup, à quoi vient s’ajouter un problème de manque de cadres au niveau du ministère. Le MARNDR opte donc pour une cogestion, car il ne s’est pas totalement retiré. |
Bernard |
Il reste propriétaire du système. |
Alain |
C’est cela. il y a donc une formule de co-gestion :
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Bernard |
… 4 phases, 14 étapes, 3 niveaux de contractualisation … |
Alain |
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Bernard |
Comme tu as cité mon nom… je me souviens, quand j’ai commencé à circuler dans ce pays, je crois que ma première expérience avec l’irrigation fut dans la Plaine de l’Arcahaie. Les irrigants payaient une taxe d’irrigation, qui était versée au Trésor Public ; mais quand il y avait une réparation à faire, il n’y avait pas d’argent. Ça c’est pour l’aspect financier. Un deuxième aspect, c’était la gestion elle-même. Le syndic était maître et seigneur ; il donnait l’eau à qui il voulait, quand il voulait ; et il y avait des gens qui ne payaient pas. A l’Arcahaie il y avait les « eaux mortes » ; c’est l’eau qui est distribuée le dimanche, à certaines personnes, par exemple madame Duvalier, qui avait sa terre au Carrefour St Médard, et qui ne se payait pas. Donc, quand j’ai eu la responsabilité de Croix Fer, je me suis dit qu’il fallait trouver une autre formule. On avait donc une formule avec des systèmes gérés par le MARNDR, on a maintenant une nouvelle orientation |
Un auditeur |
Qu’est-ce que c’est que ce « fameux » FONHADI ? |
Bernard |
Je suis membre de la FONHADI, à cause de mon amour particulier pour l’irrigation, suite à l’expérience de Croix Fer et j’ai participé au Groupe de Réflexion sur l’Irrigation. Il y avait tout un programme de séminaires, auquel Alain n’a pas participé, échelonné sur plus d’une année, et qui a produit une masse énorme d’informations et de réflexion ; toux ceux qui sont intéressés à l’irrigation devraient consulter cette documentation. J’ai appris énormément de choses, même si j’avais l’expérience de Croix Fer. Il y a donc cette nouvelle orientation au MARNDR, avec ce qu’on appelle le transfert de gestion. Mais il y a un aspect qu’il ne faut pas oublier. L’eau en tant que ressource naturelle appartient à l’Etat et personne ne put l’utiliser sans autorisation de l’Etat. Un système d’irrigation, étant donné qu’il utilise l’eau reste propriété de l’Etat, quel que soit celui qui l’a construit, même quand sa gestion quotidienne est confiée à l’association. Mais en quoi va consister cette assistance que va donner le programme que tu vas coordonner ? |
Alain |
On a parlé de diagnostic ; à partir de là on va donner un appui pour obtenir la reconnaissance légale, tout au moins au niveau des mairies. Au niveau de la législation, on va entreprendre des démarches auprès des législateurs pour qu’on obtienne un cadre légal ; nous fonctionnons encore avec le code rural. |
Bernard |
Le problème est qu’il n’existe pas de provision légale pour créer une association d’irrigant. Mais il y a plus grave ; il n’existe pas de provision légale pour créer une association. C’est un des grands problèmes de la législation haïtienne. Ainsi, cette société civile dont on parle fonctionne sans loi. J’ai été confronté avec ce problème dès 82, quand le gouvernement a sorti une loi assez répressive sur les ONG. A l’époque, nous avons dit qu’avant de faire une loi sur les ONG, il fallait commencer par faire une loi sur les associations, et ensuite des lois spécifiques pour les ONG, les associations d’irrigants, etc. Nous sommes en 2007 et cette loi sur les associations n’existe toujours pas. Je crois qu’il y a un texte qui doit aller prochainement au Parlement. Toutes les associations qui existent actuellement, quand elles ont besoin d’un statut légal, ce qui leur reste c’est le statut de fondation. Et puis il y a le cas d’une association de paysans qui s’est retrouvée avec un statut d’ONG, car, même si on n’a pas fait la loi sur les associations, il y a un décret qui régit les ONG. Il s’agit de l’APV. |
Alain |
Le programme va donc
Le montant du don est de US$ 745.000 ; les deux fondations donnent une participation ; ainsi j’ai travaillé sur ce programme pendant deux ans sans salaire ; on évalue donc le montant total du programme à US$ 900.000. |
Bernard |
Tu as parlé tout autour de l’association, mais pas de l’association elle-même. J’ai participé récemment à une réunion où on essayait de faire la différence entre « renforcement institutionnel » et « appui organisationnel » … |
Alain |
Nous avons ce point là aussi. Pour commencer, il faut voir comment marche l’association ; c’est le diagnostic. A la fin du programme, l’association doit être capable de dresser un plan annuel. Il y aura un transfert de compétence. |
Bernard |
Il y a aussi le problème des statuts. J’ai reçu récemment les statuts d’une organisation dans le Nord-Est. A l’article 3, il est dit que c’est regroupement d’associations ; à l’article 8, en parlant des conditions d’admissions, on parle de personnes. |
Alain |
Bien sûr, il faut que les statuts soient cohérents. Ce programme est un projet pilote à tous les niveaux, dans la démarche des deux fondations, dans le fait que c’est un don … |
Appel d’un auditeur de l’Arcahaie |
Vous parlez d’appui aux associations d’irrigants ; mais nous à l’AIPA (Association des irrigants de la Plaine de l’Arcahaie) nous ne vous avons pas encore vus. |
Alain |
La FONHDILAC est un regroupement de techniciens qui va travailler avec 35 associations d’irrigants. Ces associations ne sont pas encore choisies, mais elles ferons partie de l’aire d’intervention du FIDA et de quelques autres opérateurs. Mais il faut comprendre que ce ne sont pas les 35 associations qui ont formé la FONHDILAC. |
Bernard |
Je profite pour signaler que l’AIPA est une grande première ; c’est la première fois que le gouvernement a signé un accord de transfert de gestion. Antérieurement, il y avait eu Croix Fer, mais c’est un cas un peu anarchique. Et avant cela il y avait eu le système d’Avezac, dans la Plaine des Cayes, où l’association avait reçu une autorisation de fonctionnement du ministre Flambert. Tandis qu’avec l’AIPA ce fut très formel, avec tout un programme de formation dans le cadre du PREPIPA (Projet de Réhabilitation des Périmètres Irrigués de la Plaine de l’Arcahaie) qui avait son siège dans la maison de madame Duvalier dont j’ai parlé plus tôt. Par la suite il y a eu des signatures d’accord de transfert de gestion à des associations du Nord-Ouest, dans le cadre du PPI. |
Appel |
Pour Avezac, cela remonte au Président Magloire ; le syndicat des planteurs avait reçu le droit de gérer le système, et cela avait été publié dans le Moniteur. Mais, en 1954, le cyclone Hazel a tout détruit. |
Alain |
Ce qu’il y a d’intéressant avec AIPA, c’est que les planteurs étaient arrivés à engager un agronome, Robel Labissière. |
Appel |
Pour le Nord-Ouest, c’était le périmètre d’Audouin. |
Bernard |
Il faut dire que le PPI était un programme financé par le FIDA et qu’Alain y a travaillé comme OPS (Opérateur Prestataire de Service). Nous aurons bientôt Xavier pour nous en parler. |
Alain |
Pour le FIDA, il fallait trouver une formule pour fonctionner avec la société civile, car il ne l’a encore jamais fait. L’accord de don a été signé avec le gouvernement haïtien, le 29 janvier. Les deux fondations ont signé un protocole de coopération. Le FAES (Fonds s’Assistance Economique et Sociale), qui sert d’intermédiaire financier entre le FIDA et les deux fondations, a signé une convention avec la FONHDILAC. |
Bernard |
Il faut dire que, pendant que nous parlons de renforcement des associations d’irrigants, la FONHDILAC elle-même a besoin de renforcement car elle n’est pas encore suffisamment formalisée pour signer directement avec le FIDA, d’où la nécessité de passer par le FAES, qui gère déjà un projet pour le FIDA, le PAIP. |
Alain |
C’est là le problème avec les institutions haïtiennes. La FONHDILAC a des circonstances atténuantes, car elle très jeune, mais il y en a d’autres qui ne veulent pas être auditées parce que cela coûte cher, mais c’est cela qui leur permettra d’avoir accès à certains fonds. |
Bernard |
Le thème de l’irrigation sera de nouveau abordé dans une émission avec Xavier Isaac. Pour la semaine prochaine, le 22 avril étant le jour de la terre, nous aurons le jeudi 26 une émission avec Camille Bissereth. |
Alain |
Et je reviendrai pour parler d’une gestion plus intelligente des bassins versants. |
1
Alain – mardi 30 octobre 2007- Details
- Category: – Irrigation (32)
Emission du |
07/06/07 |
Invité |
Isaac Xavier |
Thème |
Projet PPI |
Transcription
Bernard |
Vous êtes probablement bien fatigués après la procession de la Fête Dieu, maintenant vous pouvez vous reposer en compagnie de Mélodie. Cet après midi nous avons avec nous l’ingénieur Isaac Xavier, actuellement coordonnateur du projet de réhabilitation des Petits Périmètres Irrigués (PPI). En avril, nous avons eu Alain Thermil, qui nous avait parlé du Programme d’Appui Institutionnel pour le Renforcement des Associations d’Irrigants (PATRA). Eventuellement, on pourrait se demander pourquoi, en moins de trois mois, nous abordons deux fois ce thème de l’irrigation, dans une émission consacrée au développement durable. C’est pourtant assez évident. Le développement durable c’est l’utilisation de l’environnement d’une manière telle que l’on n’hypothèque pas l’utilisation de ce même environnement par ceux qui viendront plus tard. On pense, bien sur, à l’environnement naturel : la terre, l’eau, mais c’est tout aussi valable pour ce que nous appelons l’environnement aménagé, où on a mis des structures qui modifient l’environnement en vue de son exploitation. Un système d’irrigation est une de ces structures, et le principe de l’utilisation d’une manière qui préserve la possibilité d’utilisation dans le futur reste le même. Il suffit de se rappeler des investissements faits du temps de la colonie dans les systèmes d’irrigation. Ces systèmes ont été détruits et l’investissement est perdu. Dans certains cas il a fallu investir encore beaucoup pour les remettre en état de fonctionnement. Prenons le cas de la Rivière Grise, par exemple, actuellement les agriculteurs de la Plaine du Cul-de-Sac n’ont pas d’eau pour travailler. C’est dans ce sens que nous intégrons l’irrigation dans ce programme consacré au développement durable, car le principe est le même. Donc, comme je le disais, la dernière fois nous avons eu Alain, qui nous a parlé de PATRAI, aujourd’hui, nous avons Isaac, qui va nous parler de PPI. Il faut signaler que nous avons affaire à un groupe. Alain et Isaac ont un lien, car lors de la Phase 1 du PPI, Alain, dans le cadre du CEHPAPE a travaillé pour le PPI dans la zone goâvienne. Alors Isaac, donne nous un premier coup d’œil sur le PPI. |
Isaac |
Au départ, une centaine de périmètres avaient été identifiés, au niveau de l’ensemble du pays, par la FAO, et il s’agissait de voir dans quelle mesure on pourrait mobiliser de l’argent pour les réhabiliter. En 1989, un premier projet a été formulé et un accord de prêt signé la même année, mais l’instabilité politique des années 89-96 a fait que le projet n’a pu démarrer que durant l’exercice 96/97. Il devait intervenir dans 4 zones : . Le Nord-Ouest, avec 6 périmètres identifiés, . La zone de St Marc, avec 11 périmètres, . La zone goâvienne, avec 5 périmètres ... |
Bernard |
… parmi lesquels Dlo Piti, dont j’avais dit : se pa dlo piti, se pa gen dlo di tou ; et puis un jour, rentrant des Cayes, j’ai été bloqué par Dlo Piti qui était en crue. |
Isaac |
Tu sais que le nom vient de celui qui a été le premier à mettre en place un système d’irrigation et qui s’appelait Pity. . La côte Sud avec 4 périmètres … |
Bernard |
… je me souviens d’avoir fait une enquête sur Port-à-Piment. |
Isaac |
Cela fait donc en tout 26 périmètres. Le projet était conçu différemment des autres projets d’irrigation. Il ne voyait pas seulement l’infrastructure d’irrigation, il tenait compte des personnes autour de l’infrastructure, ce qui a mené à la gestion sociale de l’eau. On voyait aussi la mise en valeur agricole, mais, sur ce point, le projet n’a pas atteint ses objectifs. |
Bernard |
Quand on va dans ton bureau on voit toute une batterie de publications sur différentes cultures. |
Isaac |
Oui, c’est dans le cadre de l’appui à la mise en valeur agricole ; c’était le travail du volet vulgarisation, et ces publications étaient diffusées à travers le pays. |
Bernard |
Et malgré cela, tu dis que vous n’avez pas atteint vos objectifs. |
Isaac |
Oui, si on tient compte des retards dans la réhabilitation, au moment òu il aurait fallu aller à fond dans la mise en valeur agricole, le projet touchait à sa fin. Le projet était un projet du MRNDR, financé à partir de 4 sources de financement : . Le Fonds International pour le Développement de l’Agriculture (FIDA), le principal bailleur de fonds, . L’organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), qui a financé les travaux dans la zone goâvienne … |
Bernard |
Il faut expliquer que les pays membres de l’OPEP avaient décidé de créer un fonds pour le développement agricole, qu’ils n’ont pas donné à la FAO, qui n’est pas un bailleur de fonds, mais pour lequel on a créé le FIDA. C’est du moins ainsi que je l’avais compris à l’époque. |
Isaac |
Mais il a des fonds qui peuvent être alloués directement par l’OPEP, sans passer par le FIDA. . L’Agence Française de Développement, mais dans leur cas c’est un don, alors que pour les autres il s’agit d’un prêt, . Le Gouvernement Haïtien, qui verse la contrepartie haïtienne, sans parler de la participation paysanne qui a aussi un coût … |
Bernard |
… que l’on oublie souvent d’évaluer … |
Isaac |
… et qui peut être très important. |
Bernard |
Cette Phase 1est finie. |
Isaac |
On devait intervenir sur 26 périmètre, mais, à la fin, on a travaillé sur 32 dont certains ont eu des travaux complets de réhabilitation, alors que d’autres ont seulement été touchés. Ce projet est donc fini ; il a été clôturé en décembre 2003. Mais, comme il y avait un reliquat, et que le FIDA avait encore des remboursements à faire au MARNDR, on a eu une phase intérimaire. |
Bernard |
Tu veux dire que le projet a été achevé, qu’on a fat plus que ce qui était prévu, et que malgré cela il restait encore de l’argent. |
Isaac |
La phase intérimaire devait faire la liaison entre PPI 1 et PPI 2. |
Bernard |
A l’INARA, nous avons remarqué que, chaque fois qu’on apporte une amélioration à la terre, qu’on en augmente la valeur, on crée des conflits. Le plus bel exemple est l’Artibonite. Nous avons donc établi un principe selon lequel, avant même d’intervenir, il faut réaliser une étude foncière, de manière à savoir au départ qui a la terre et dans quelles conditions. Si cela se faisait systématiquement, non seulement on éviterait les conflits, mais on aurait finalement une chose dont le pays a grandement besoin : un cadastre. |
Isaac |
Le PPI 2 va démarrer ; le MARNDR est actuellement en train de remplir les conditions préalables au démarrage. L’accord de prêt va être signé sous peu, et on veut voir si le projet pourra démarrer au début de l’exercice 2007-2008. |
Bernard |
N’importe qui peut construire un système d’irrigation ; même moi je l’ai fait ; mais le PPI a quelque chose de particulier. Tu as mentionné tout à l’heure, je ne sais plus exactement les termes, un volet sensibilisation. |
Isaac |
Nous avons un volet animation qui vise la prise en charge du système par les usagers eux-mêmes. |
Bernard |
Voilà ! entre un peu plus dans ce sujet. |
Isaac |
Nous pensons toujours que l’avenir du projet, l’avenir des périmètres, dépendent de cette composante. Pour arriver à cette prise en charge des périmètres par les usagers, il y a énormément de travail de sensibilisation, d’information, à faire. |
Bernard |
Mais pourquoi cette prise en charge/ pensez-vous que c’est elle qui assurera la pérennité de ce que vous avez construit ? |
Isaac |
La raison est simple. L’histoire nous apprend que, quand c’est l’Etat qui gère les systèmes d’irrigation, les usagers ne se sentent pas concernés, ils laissent toute la responsabilité sur le dos de l’Etat. Dans ce cadre, nous voulons responsabiliser les usagers. Prenons un exemple simple. Dans la période de la campagne agricole, le planteur attend que l’Etat fasse tous les travaux de curage et autres, et quand il ne le fait pas, les campagnes ne réussissent pas comme elles devraient. Quand ce sont les usagers qui prennent la gestion du périmètre en main, ils connaissent tous les problèmes du périmètre et savent comment agir. Au début, on parlait de transfert de gestion des périmètres irrigués, mais on constate que, dans la majorité des cas, les usagers gèrent déjà. |
Bernard |
Isaac est un peu politicien et ne veut pas dire les choses comme elles sont. J’ai trouvé une présentation que l’agronome Henriot Nader a faite … |
Isaac |
Attends, si nous sommes là à parler de prise en charge, c’est parce que l’tat est d’accord. L’Etat reconnaît que les choses ne marchaient pas trop bien … |
Bernard |
Ah Isaac ! c’était un véritable brigandage. |
Isaac |
Non, pas partout. Il faut dire que la dynamique de la prise en charge ne se limite pas à Haïti. |
Bernard |
Oui, c’est ce que dit Henriot : « Actuellement, dans la majorité des pays du Tiers Monde, l’expérience d’une gestion plus proche des bénéficiaires et même d’autogestion paysanne des aménagements hydro-agricoles apparaît comme des solutions durables et propres à permettre la rentabilisation des investissements lourds consentis dans la construction et/ou la réhabilitation de ces derniers ». |
Appel |
J’aimerais que l’ingénieur Xavier, qui est dans le projet depuis la phase 1, nous dise quelle plus belle expérience le projet a eu, ce qu’il a apporté au pays, et ce qui s’est moins bien passé … |
Bernard |
… points forts, points faibles … |
Appel |
… et puis la différence entre PPI 1 et PPI 2. |
Bernard |
Ingénieur Xavier, vous avez la parole. |
Isaac |
En terme d’expérience intéressante, on peut prendre l’exemple des associations d’irrigants. Je pense qu’à ce niveau le projet PPI est une référence, même s’il y a des points faibles. Après l’Arcahaie, où il y a eu une association mise en place après la réhabilitation, dans le projet PPI, c’est depuis la conception que l’on a prévu cette composante, et nous avons commencé à travailler avec les usagers avant même de commencer la réhabilitation. |
Isaac |
Une des conditions, que nous avions posées aux usagers, était qu’ils commencent à s’organiser avant même que nous passions à la réhabilitation physique. Et le PPI va intervenir sur les périmètres organisés en priorité. Cette organisation commence par la mise en place d’un comité provisoire de gestion, qui fera la liaison entre les cadres du PPI et l’ensemble des usagers. Plus important encore, nous avons passé des contrats avec des firmes pour certains travaux, et une des clauses de ces contrats était qu’ils devaient écouter les usagers. Et quand ils remettaient leur rapport, ils devaient faire une restitution aux usagers. |
Bernard |
Ils passaient un examen. |
Isaac |
C’était comme un examen, car quelques fois ils ont du apporter des corrections. Il fallait voir les usagers présenter les modifications à apporter, et les cadres de la firme et les usagers travaillaient ensemble à un choix final. Je pense que c’est important parce que, même maintenant il a des personnes qui sont réticentes sur ce sujet ; il y a des personnes qui pensent encore que l’usager n’a rien à dire, ne peut rien dire, alors qu’il est arrivé que des cadres de ces firmes nous disent que les usagers sont formidables. Une des grandes expériences du projet, a été de découvrir la capacité du planteur, et même au niveau de l’exécution, ils accompagnent la firme d’exécution et proposent des modifications. Il y a d’autres points forts. Prenons l’exemple de la régie assistée. C’est une formule utilisée pour faire la réhabilitation du périmètre qui est entre la régie pure et le travail à l’entreprise. On utilise une firme pour accompagner les usagers dans la réhabilitation. Autre point fort : l’intégration du projet au MARNDR. Actuellement, personne ne peut se lancer dans un projet d’irrigation sans un volet « gestion sociale de l’eau ». Nous ne prétendons pas que c’est le PPI qui est venu avec ce principe, mais le PPI l’a aidé à faire du chemin. Un autre point fort, toujours dans ce domaine, on entendait parler du PPI dans tout le pays grâce à des émissions de radio avec William Michel sur les stations de la capitale, mais aussi des villes de province. Un point faible, que j’ai déjà signalé : le PPI n’est pas arrivé à faire la mise en valeur agricole ; il y a une sous-composante, à l’intérieur de la composante mise en valeur agricole, qui n’a jamais fonctionne, c’est le crédit agricole. |
Bernard |
La deuxième question : le lien PPI 1 – PPI 2. |
Isaac |
Actuellement je coordonne la phase intérimaire. Les deux projets ne sont pas absolument identiques ; il y a des composantes qui sont les mêmes, comme la réhabilitation des systèmes, mais cela ira plus loin. Le PPI 2 va voir comment introduire des technologies innovantes, comme la micro-irrigation, là où on ne peut faire de l’irrigation par les moyens traditionnels, par exemple là où on ne peut obtenir l’eau par gravitation, là où il faut faire de petits forages, et puis il y aura le crédit. Autre point : il faudra travailler là où le PPI 1 avait travaillé, dans le cadre de la consolidation des associations d’usagers et de la mise en valeur. |
Bernard |
Tu parles de petits systèmes, il y a une ONG qui faisait ce qu’ils appelaient « l’irrigation de montagne » dans la zone de Vallière. |
Isaac |
Dans le cadre de la préparation du PPI 2, j’ai accompagné la mission de formulation ; sur le Plateau Central, nous avons vu des installations très intéressantes de World Vision pour la micro-irrigation, des systèmes de goutte à goutte. Et cela peut se faire avec du crédit et pas nécessairement avec des subventions. Mais il faut que cela soit rentable et durable. |
Bernard |
Ce qui m’intéresse le plus dans le PPI, c’est la gestion par les usagers. Je pense que c’est là la grande innovation. Tu parles du MARNDR, mais je me demande … |
Isaac |
… c’est écrit noir sur blanc ; c’est la politique du Ministère. |
Bernard |
Même si c’est écrit noir sur blanc, n’y a-t-il pas des réticences ? pas tellement au niveau central, mais au niveau du terrain ? Je dis cela parce que je me souviens d’une restitution à Kaliko Beach, où j’ai entendu une employée de la DDA Sud demander qui allait faire le suivi du travail du PPI. J’ai été profondément choqué. |
Isaac |
Je peux donner une explication, et c’est un des gros problèmes que nous avons rencontrés : l’incompréhension de certains cadres. On a eu beaucoup de discussions, même au plus haut niveau, et, en vue du désengagement du PPI, on avait prévu qu’au lieu de n’utiliser que les services d’OPS (Opérateurs Prestataires de Services), on allait les coupler avec des cadres du Ministère, et, pendant la dernière année, on ne travaillerait plus qu’avec les structures déconcentrées : DDA, BAC. Cela s’est fait partout et cela a permis une meilleure compréhension du projet. Ce que tu as rapporté là, je l’ai entendu aussi, mais il y a des gens qui sont bien imbus du projet et le disent quand même. Ils considèrent que tous ceux qui travaillaient dans le projet sont des privilégiés, et tu connais les écarts de salaires. Une chose que je voulais signaler, le projet a du faire face à des problèmes, par exemple dans la zone de St Marc, où on n’a jamais pu faire de vraie réhabilitation, mais des interventions ponctuelles, grâce au FIDA. Cette zone était sous financement de l’Agence Française de Développement (AFD), qui avait coupé le financement. Pour St Marc, il y avait 11 périmètres : Tapion (Verettes), Dessoulier Fleuranceau et Charrette (St Marc), Bois Neuf, Dupin, Pierre Payen, Lanzac, Délugé, Montrouis. Pour certains il y aura un financement de l’AFD dans le cadre d’un projet sectoriel. |
Appel |
Est-ce que vous êtes arrivés à réhabiliter partout et est-ce que les comités sont fonctionnels ? Et le transfert ? |
Bernard |
Cela fait trois questions. Pour le transfert, il y a eu des actes officiels, par exemple à l’Arcahaie. |
Isaac |
Bon, ça c’est en dehors du PPI, c’est le PREPIPA. Pour le PPI, la réhabilitation physique a été achevée pour certains périmètres, pour les autres, on les a seulement touchés. Au niveau de St Marc, on n’a eu que des interventions ponctuelles ; au niveau de Petit Goâve, 5 périmètres ont été réhabilités ; sur la Côte Sud, 4 périmètres ont été réhabilités ; dans le Nord-Ouest, on a 6 périmètres réhabilités, et on a fait des interventions ponctuelles sur 6 autres qui n’étaient pas prévus. Pour la gestion … |
Bernard |
Là, je voulais intervenir. Tu as parlé de la mise sur pied des associations et tu as dit que le PPI 2 allait les renforcer. |
Isaac |
Non, le Ministère, à travers le PPI. Nous ne dirons pas qu’elles marchent à 100 %. Il y a des endroits où elles fonctionnent bien, comme dans la zone goâvienne ; pour la Côte Sud, c’est la même chose, les comités sont renouvelés … |
Bernard |
Mais j’ai une question : ces usagers doivent-ils verser une contribution ? |
Isaac |
Oui, ils ont une redevance d’irrigation de 5 G par 1/100e , soit 500 G le carreau, à verser mais cela ne marche pas de la même manière partout. Pour la zone goâvienne, cela marche bien, mais il y des endroits où les planteurs sont réticents. Ils se regroupent pour faire les travaux d’entretien, mais le taux de recouvrement est faible. |
Bernard |
L’expérience que j’ai, c’est que les gens refusent de verser une cotisation régulière, mais ils sont toujours disposés à intervenir, quand il y a un problème, même à contribuer en argent. |
Isaac |
AIPA est un pionnier ; ils ont leurs cahiers de comptabilité, mais c’est un grand périmètre, 6.000 ha ; c’est pourquoi on ne peut pas travailler dans l’irrigation sans visiter AIPA. Tous nos usagers n’ont pas visité AIPA. |
Bernard |
Il faut que l’auditeur comprenne pourquoi on parle de transfert de gestion. Légalement, l’eau est une ressource naturelle et propriété de l’Etat. Un système d’irrigation, quelque soit celui qui l’a construit, quelque soit celui qui l’a financé, est propriété de l’Etat ; c’est pour cela qu’on parle de transfert de gestion, pas de transfert de propriété. |
Isaac |
En général, le transfert a été fait officiellement, mais l’acte de transfert n’est jamais arrivé aux mains des usagers, il est resté au Ministère. Cependant tout cela s’est fait en dehors d’un cadre légal ; c’est une bataille qui doit continuer. |
Bernard |
C’est là, quand tu parles de la politique du MARNR, la loi sur le transfert n’a toujours pas été présentée. |
Isaac |
Attention ! c’est vrai que ce n’est pas encore fait, mais il y a un problème au niveau de l’eau en Haïti. On a beaucoup d’utilisateurs, mais on n’a pas encore de cadre légal pour l’eau. L’irrigation est un sous-secteur ; le cadre légal pour les associations d’irrigants passera plus facilement quand le cadre légal de l’eau sera réglé. Il y a plusieurs commissions qui travaillent dessus … |
Bernard |
Je doute que nous voyons cela dans les 5 prochaines années. |
Isaac |
On verra bien ; il ne faut pas être trop pessimiste. Au niveau du MARNDR, on a quelqu’un comme Montès Charles, que cela intéresse, mais le MARNDR n’est pas le seul ministère impliqué. Il y a d’autres secteurs impliqués. Au niveau du pays, il y a tellement d’opérateurs qui font n’importe quoi, il faut que le Ministère mette de l’ordre. Imagine, qu’une ONG décide de construire un système d’irrigation ; la plupart demandent la non-objection du MARNDR, mais il y en a qui n’envoient leur dossier que quand le travail a déjà commencé. Au niveau de la DIA (Direction des Infrastructures Agricoles) on travaille à régulariser cela. Toutes les organisations qui travaillent dans l’eau devraient soutenir le Ministère techniquement et financièrement. |
Appel |
Le problème que j’ai avec le PPI : c’est très bien d’investir dans les plaines, mais j’ai une sensibilité pour les bassins versants … |
Isaac |
Ça c’est un des points faibles … |
Appel |
Justement je me souviens que chaque fois on m’a répondu : c’est un projet d’irrigation ; ne pourrait-il pas y avoir des actions pour protéger les infrastructures ? est-ce que la composante environnement sera davantage prise en compte dans le PPI 2 ? |
Bernard |
Cette deuxième question m’intéresse parce que, si tu regardes mon cadre de référence, il y a un casier qui est vide. Au niveau de l’irrigation, il y a quelque chose qui manque, c’est la protection du bassin versant. J’ai été impliqué dans une affaire de réhabilitation du périmètre de la Tannerie et j’ai participé à une série de réunions à la Primature. A l’époque on parlait d’un financement par l’Union Européenne qui prévoyait un volet pour le bassin versant. Mais, au cours de ces réunions, il n’en était plus question ; je revenais chaque fois sur le sujet, mais je n’ai jamais obtenu de réponse. |
Isaac |
La protection des bassins versants est un point faible, mais il y a eu quelques efforts. Nous avons, par exemple, essayé de comprendre les relations entre les gens des mornes et les gens de la plaine ; on a fait une étude pour voir comment améliorer ces relations. Les gens des mornes ont affirmé souhaiter que des actions de protection soient entreprises, mais ils pesaient surtout aux emplois que cela générerait. |
Bernard |
Le problème est que quand on travaille sur un système d’irrigation, cela ne bénéficie qu’aux gens de la plaine. |
Isaac |
On a envisagé que les gens des mornes laissent les mornes en paix et qu’on leur cède de la terre à travailler dans la plaine. Car, à mon ais, l’un des plus grands problèmes des mornes est qu’on ne laisse pas en paix. Il y a des zones où on n’a besoin de rien faire d’autre que laisser le morne en paix et il se couvrira de végétation. Tu sais que j’habite en plaine et que de chez moi je peux voir le Morne-à-Cabrits ; eh bien, en saison pluvieuse, il est tout vert. |
Bernard |
La même chose pour Fonds Diable, sur l’autre versant. |
Isaac |
De même dans le Nord-Ouest ; en saison sèche, c’est une calamité, mais en saison pluvieuse c’est différent et les gens en profitent pour faire de l’agriculture. |
Bernard |
Il faut trouver une formule où les gens de la plaine et les gens des mornes trouvent leur avantage. Tu parles de laisser de la terre en plaine pour que les gens des mornes puissent travailler … |
Isaac |
… mais tu peux planter des arbres pour faire de l’argent … |
Bernard |
… mais il faut qu’ils comprennent cela. Là il y a un travail d’information à faire. |
Isaac |
Je pense que le pays a besoin d’un grand programme pour les bassins versants. Mais il y a autre chose. Les rares endroits où il y a des arbres, sur les mornes, c’est là où il y a des habitations car la personne a besoin de l’arbre. |
Appel |
C’est toujours le même auditeur, à propos du transfert de gestion. Vous avez dit que le système d’irrigation est propriété de l’Etat, mais quel est le rôle des collectivités territoriales ? |
Isaac |
Les collectivités territoriales c’est l’Etat ; donc elles entrent dans la dynamique de la prise en charge. |
Bernard |
Dans le cas du PPI, quelles relations avez vous eu avec les collectivités territoriales ? |
Isaac |
Très cordiales ; dans certaines zones, au moment du renouvellement des CASEC, c’est le président de l’association qui a été élu. |
Bernard |
Est-ce que les collectivités territoriales ont un droit de regard sur la gestion ? |
Isaac |
Dans certains endroits, ils participent au comité de surveillance qui contrôle le comité exécutif de l’association. |
Bernard |
Ce n’est pas systématique ? |
Isaac |
C’est prévu dans les statuts, mais il y a des cas où cela n’a pas été mis en place. Pour répondre à la deuxième question de l’auditeur précédent, le PPI 2 tient compte de l’aspect environnement. On ne pourra pas faire l’aménagement total du bassin versant, mais il y a des interventions urgentes qu’il faudra faire. |
Bernard |
Quand il y a beaucoup d’interventions dans une zone, est-ce qu’il ne faut pas … |
Isaac |
… créer une synergie … |
Bernard |
C’est cela |
Isaac |
Un des aspects du PPI 2 c’est justement la recherche de cette synergie entre tous les opérateurs. Il y a des opérateurs privilégiés, qui sont sur d’autres projets financés par le FIDA : PICV, PAIP, PATRAI, mais il y en a d’autres. |
Bernard |
Je pensais à cette zone où le PPI 2 va intervenir ; il y a plusieurs intervenants, le FENU … |
Isaac |
Je pense qu’une des premières choses à faire, par exemple lors du séminaire de démarrage, c’est de poser le problème. Il y a aussi une table de concertation et le PPI devra y participer et ensemble les opérateurs verront ce qu’il y a à faire. Un des aspects prioritaires du PPI 2 c’est la sécurisation foncière. Le PPI 1 n’y avait pas accordé trop d’importance. Pour le PPI 2, il faudra faire le relevé parcellaire de chaque périmètre et chaque irrigant aura un papier ; c’est à partir du relevé parcellaire que l’on pourra structurer les associations d’irrigants. |
Bernard |
Y a-t-il encore un point que tu voudrais toucher ? |
Isaac |
Je voudrais lancer un appel pour que les institutions n’interviennent pas n’importe comment, ne fassent pas de l’irrigation pour l’irrigation ; l’irrigation est faite pour la mise en valeur des terres et cela doit rapporter de l’argent dans la poche du planteur. Il y a des interventions qui ne respectent pas les normes. Nous conseillons de contacter le MARNDR. |
Bernard |
Nous te remercions pour toute cette masse d’informations. |