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Où en est-on avec les OMD ?
Le 23 juin, le secrétaire général de l’Organisation des Nation Unies (ONU), M. Ban Ki-moon, a présenté à la presse le rapport 2010 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ce rapport, rédigé par le Département des Affaires Economiques et Sociales (DAES) des Nations Unies, rassemble les dernières analyses et données de 25 agences internationales et de l’ONU à travers le monde sur les progrès accomplis dans chaque région en vue d’atteindre les cibles fixées d’ici à 2015.
Mais avant d’entrer dans l’analyse des progrès, voyons ce qu’il en est exactement de ces objectifs. Ils sont au nombre de huit, et à chacun est accolé un certain nombre de cibles, qui sont des objectifs spécifiques chiffrés, qui devraient permettre d’évaluer périodiquement le degré d’atteinte de l’objectif général.
Objectif 1 : éradiquer l’extrême pauvreté et la faim.
Cibles : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour.
Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif.
Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim.
Objectif 2 : assurer l’éducation primaire pour tous.
Cible : D’ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires.
Objectif 3 : promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.
Cible : Eliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaires et secondaires d’ici à 2005 si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard.
Objectif 4 : réduire la mortalité infantile.
Cible : Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans.
Objectif 5 : améliorer la santé maternelle.
Cibles : Réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle.
Rendre l’accès à la médecine procréative universel d’ici à 2015.
Objectif 6 : combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies.
Cibles : D’ici à 2015, avoir enrayé la propagation du VIH/sida et commencé à inverser la tendance actuelle.
D’ici 2010, assurer à tous ceux qui en ont besoin, l’accès aux traitements contre le VIH/sida
D’ici à 2015, avoir maitrisé le paludisme et d’autres grandes maladies et commencé à inverser la tendance actuelle.
Objectif 7 : assurer un environnement durable
Cibles : Intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales.
Réduire la perte de la biodiversité et atteindre, d’ici à 2010, une diminution significative du taux de perte.
Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.
Améliorer sensiblement, d’ici à 2020, les conditions de vie de 100 millions d’habitants des taudis.
Objectif 8 : mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
Cibles : Répondre aux besoins particuliers des pays les moins avancés, des pays en développement sans littoral et des petits états insulaires en développement.
Avant d’aller plus loin je ne peux m’empêcher de donner une opinion toute personnelle. J’ai toujours eu un certain malaise avec les objectifs tels que formulés et énumérés. Tout d’abord on a l’impression qu’on s’attache aux résultats plutôt qu’aux causes. Ainsi, l’objectif 1 parle d’éradiquer l’extrême pauvreté et la faim. Mais on sait que la principale cause de la pauvreté et, par conséquent, de la faim, c’est le chômage. Pour moi le plein emploi devrait être l’objectif 1 et non pas une cible.
En second lieu, il y a ce que j’appellerais un problème de hiérarchisation. Les objectifs 4 : réduire la mortalité infantile, 5 : améliorer la santé maternelle et 6 : combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, relèvent du domaine de la santé et pourraient être regroupés dans un objectif qui serait l’amélioration du système de santé au lieu d’être présentés comme des objectifs en soi, et au même niveau que « assurer un environnement durable » (objectif 7) ou « mettre en place un partenariat mondial pour le développement » (objectif 8).
Finalement il faudrait mettre la lutte contre la pauvreté, donc la recherche du plein emploi, et l’éducation, mais pas seulement l’éducation primaire, en toute première ligne car elles sont un élément important pour atteindre ces objectifs 4, 5 et 6. Je cite : « La pauvreté et le manque d’éducation perpétuent les taux élevés de naissance chez les adolescentes », ou « Le recours à la contraception est particulièrement bas chez les femmes les plus pauvres et celles qui n’ont pas reçu d’éducation », ou encore « Beaucoup de jeunes n’ont pas toujours les connaissances nécessaires pour se protéger du VIH », ou aussi « La pauvreté reste un facteur limitant l’utilisation des moustiquaires », et encore « Les enfants des ménages les plus pauvres ont le moins de chances de recevoir un traitement antipaludique », et enfin « Les pauvres sont les laissés-pour-compte des améliorations dans le domaine de l’assainissement ».
Enfin il y a un objectif qui manque, à mon avis, c’est l’élimination de la disparité entre le monde urbain et le monde rural. A tout moment le désavantage des populations rurales apparait ; je cite : « Les enfants des zones rurales ont deux fois plus de chances des souffrir d’insuffisance pondérale », ou « Les données sur les ménages en provenance de 42 pays montrent que les enfants des zones rurales ont deux fois plus de chances de na pas être scolarisés que ceux vivant dans les zones urbaines », ou encore « En Afrique subsaharienne, les connaissances sur le VIH augmentent en fonction du niveau de richesse, ainsi que parmi ceux qui vivent dans les zones urbaines ».
Quoiqu’il en soit, c’est l’outil dont nous disposons et nous allons devoir faire avec.
Bernard Ethéart
HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010
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Les OMD (2)
La semaine dernière (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), à l’occasion de la publication du rapport 2010 sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), nous avons fait une petite présentation de ces fameux objectifs adoptés par les Nations Unies en 2000, et je m’étais permis de faire quelques remarques personnelles. Je voudrais cependant aller un peu plus loin dans l’analyse des objectifs eux-mêmes et les chances de les voir atteints à la date butoir prévue de 2015.
Je commencerai avec l’objectif 1, pas seulement parce qu’il est le premier sur la liste, mais aussi parce que, si on voulait établir des priorités, il serait certainement en première position.
Rappelons rapidement la formulation de l’objectif et des cibles.
Objectif 1 : éradiquer l’extrême pauvreté et la faim.
Cibles :
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Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour ;
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Assurer le plein-emploi et la possibilité pour chacun, y compris les femmes et les jeunes, de trouver un travail décent et productif ;
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Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim.
Je ne m’arrêterai pas aux critiques formulées par certaines personnes contre le choix du montant de un dollar de revenu par jour come indicateur du niveau de pauvreté. Tout indicateur a un caractère un peu artificiel ou arbitraire et, à mon avis, celui-là en vaut bien un autre. Mais je reviens à cette idée que j’ai formulée la semaine dernière, à savoir qu’on a l’impression qu’on s’attache aux effets plutôt qu’aux causes.
Car, si on veut bien voir, la pauvreté et la faim sont les conséquences d’un état de fait qui est le chômage, et c’est pour cela que je disais la semaine dernière que le plein emploi devrait être l’objectif # 1 et non pas une cible. Je dois dire que l’évènement que nous avons vécu le 12 janvier n’est pas étranger à cette position.
Tout le monde s’accorde pour reconnaître que, si le séisme a été tellement meurtrier, c’est parce que la zone métropolitaine connaissait une énorme concentration de population vivant dans une extrême pauvreté. Or si cette population est pauvre, c’est parce qu’elle vit dans le chômage ; et si on connait une telle concentration de population dans la zone métropolitaine, c’est parce que Port-au-Prince exerce un attrait pour tous ceux qui vivent, ou survivent, dans ce que Gérard Barthélemy a appelé « le pays en dehors » mais qui est surtout le pays où on ne trouve pas de travail.
Si donc on veut tirer les conséquences de cette expérience, le première est qu’il est indispensable de prendre des mesures qui permettront à la population de la zone métropolitaine de trouver des emplois qui garantiront à tous ces malheureux des revenus qui leur permettront de se loger de manière décente, mais aussi dans des conditions qui les mettent à l’abri des catastrophes naturelles, les tremblements de terres, certes, mais également les averses tropicales, avec tout leur cortège d’inondations, de glissements de terrain etc.
Mais il y a une seconde conséquence, tout aussi urgente que la première, c’est la création d’emplois dans ce fameux « pays en dehors ». Car si les efforts sont déployés dans la seule zone métropolitaine, l’attrait exercé par Port-au-Prince n’en sera que renforcé et le flux de migrants qui en résultera annulera tous les efforts déployés en vue d’une amélioration.
Certes on a parlé d’aménagement du territoire, de rétablir une meilleure répartition de la population sur le territoire national, et pour y arriver on parle de création de pôles de croissance, mais il ne suffit pas de parler, il faut des mesures concrètes. Certes le Ministère de l’Agriculture, dans son Plan d’Investissement pour la Croissance su Secteur Agricole, envisage des mesures de création d’emplois dans les infrastructures agricoles, dans les bassins versants, sans parler d’une intensification de la production agricole. Mais cela ne suffit pas. Les autres secteurs de l’économie doivent aussi envisager des mesures visant la délocalisation des entreprises, ou lieux, la création d’entreprises en dehors de la zone métropolitaine ; mais jusqu’à présent on n’entend pas grand-chose.
Bien sur tout cela ne peut pas être réalisé en un tout de main, mais il y a urgence en la demeure. Les deux photos qui accompagnent ce texte témoignent que, en dépit des destructions provoquées par le séisme dans le petit bidonville qui surplombe la ravine du Canapé Vert, un autre bidonville situé dans des conditions identiques, il s’agit de la Vallée de Bourdon est en pleine expansion.
Bernard Ethéart
HEM, Vol 24, # 24, du 07-13/07/2010
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Les OMD (3)
Cette semaine je voudrais m’arrêter au second sur la liste des Objectifs du Millénaire pour le Développement (voir HEM, Vol. 24, # 23 et 24) dont je rappelle la formulation :
Objectif 2 : assurer l’éducation primaire pour tous.
Cible : D’ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires.
Au risque de passer pour un grand naïf, je ne peux m’empêcher de penser que cet objectif est vraiment trop « modeste ». En effet, le rapport 2010 nous apprend que « L’espoir pour une éducation universelle d’ici 2015 diminue, malgré le fait que beaucoup de pays pauvres font des progrès énormes. La scolarisation est toujours en hausse dans l’enseignement primaire, au point d’atteindre 89 % dans le monde en développement. Mais elle ne progresse pas à un rythme suffisant pour garantir que tous les enfants, garçons et filles, termineront un cycle primaire complet d’ici 2015 ».
Et pourtant qu’est-ce que l’éducation primaire ? L’éducation fondamentale, me répondra-t-on, utilisant la formule consacrée officiellement depuis quelques années. Justement l’éducation de base qui doit permettre d’acquérir d’autres connaissances, d’autres savoir faire, indispensables dans la vie quotidienne.
Restons dans la logique des OMD. Je reprends quelques passages du Rapport 2010 que j’ai cité il y a deux semaines : « La pauvreté et le manque d’éducation perpétuent les taux élevés de naissance chez les adolescentes », ou « Le recours à la contraception est particulièrement bas chez les femmes les plus pauvres et celles qui n’ont pas reçu d’éducation », ou encore « Beaucoup de jeunes n’ont pas toujours les connaissances nécessaires pour se protéger du VIH ». Autrement dit, l’éducation, mais pas seulement l’éducation primaire, est un élément important pour atteindre les objectifs 4, 5 et 6, centrés sur la mortalité infantile, la santé maternelle, la lutte contre le VIH/sida, le paludisme est d’autres maladies.
Je n’oublierai jamais mon étonnement quand j’ai, pour la première fois, entendu une jeune femme me dire qu’elle prenait une gélule d’antibiotique après chaque menstruation, « pour nettoyer son sang » ! Voilà une femme qui a terminé le cycle secondaire, qui a passé par une école de secrétariat, qui était appréciée par son employeur, mais n’avait aucune idée de sa propre anatomie, du cycle menstruel et encore moins du mode d’action des antibiotiques.
Mais le domaine sur lequel je voudrais insister c’est l’éducation professionnelle et là encore je me place dans la perspective post séisme. Je crois l’avoir déjà dit ; tout le monde est d’accord pur admettre que si le séisme a été si meurtrier c’est à cause de la trop grande concentration d’une population misérable dans la zone métropolitaine. Par conséquent une mesure urgente à prendre c’est la création d’emplois en dehors de la zone métropolitaine, en particulier dans le secteur agricole.
La semaine dernière j’ai signalé que le Ministère de l’Agriculture, dans son Plan d’Investissement pour la Croissance su Secteur Agricole, envisage des mesures de création d’emplois dans les infrastructures agricoles, dans les bassins versants, sans parler d’une intensification de la production agricole, mais tout cela suppose que les personnes appelées à occuper ces emplois reçoivent la formation indispensable à l’exécution correcte des tâches prévues.
Bien sur, les auteurs du Plan d’Investissement y ont pensé : « A la suite du séisme de 12 Janvier 2010, plus de 1.3 million de personnes des zones urbaines sont restées sans abris, dont 600,000 se sont déplacées vers d’autres Départements. Il est souhaité par le gouvernement qu’une partie de ces personnes puisse s’installer de manière définitive en zone rurale afin de limiter l’engorgement de Port au Prince. Cette installation nécessitera de pouvoir transférer à ces populations urbaines les compétences agricoles nécessaires à une mise en valeur optimale des terres agricoles et renforce encore la nécessité de mettre en place des programmes de formation agricole efficaces ».
Ce transfert des compétences doit se faire « à travers la mise en place de l’approche Champs Ecole Paysan (CEP) et des écoles pratiques d’agriculture et de vie pour les jeunes (JFFLS) ».
Etant donné qu’il s’agit de concepts nouveaux, au moins pour moi, je pense nécessaire de reproduire le paragraphe suivant : « L'approche CEP utilise au niveau de l’agriculteur et du formateur, les techniques non-formelles ou « d’apprentissage par la découverte »; elle implique des groupes d'environ 25-30 agriculteurs qui se réunissent régulièrement (généralement ½ journée par semaine) sur le champ tout au long d’une saison entière de culture. Les séances se focalisent sur le développement des compétences des agriculteurs afin d’améliorer la gestion agricole, particulièrement les connaissances des pratiques intensives durables telles que l'agriculture de conservation, la gestion de la fertilité des sols, le contrôle non toxique des ravageurs, la collecte/conservation de l’eau. L'approche prend en compte le système « entier », notamment des sujets liés à la gestion économique dont la comptabilité, l’accès au crédit rural et l’analyse du marché local / régional, et la gestion des ressources naturelles liés à celle des eaux et des sols ».
Autant pour l’approche CEP, mais, en ce qui concerne les écoles pratiques d’agriculture et de vie pour les jeunes (JFFLS), le Plan d’Investissement est très avare de détails ; je me demande s’il ne s’agit pas d’un remaniement des anciennes écoles moyennes dont j’avais entendu dire qu’on allait les redynamiser.
Pour terminer, il y a un aspect important que je voudrais signaler à propos de cette formation professionnelle pour les agriculteurs. En dehors des considérations purement économiques, il y a le côté, disons, psychologique qu’il ne faut pas négliger. On sait que l’une des causes de l’exode rural est la désaffection des jeunes pour l’agriculture, et souvent ce sont les parents mêmes qui poussent les jeunes à partir. Un paysan m’a dit qu’il ne voulait pas que son fils vive dans mes mêmes conditions que lui. Mais attention, cette désaffection n’a pas que des raisons économiques, car en plus de fait que l’agriculture ne nourrit pas son homme, elle est aussi dévalorisée.
Et j’en viens à cette interview informelle que j’ai faite avec un paysan. A la question : « quel métier exercez-vous ? », il répond : « je n’ai pas de métier ». A la question : « que faites-vous pour vivre ? », il répond : « l’agriculture, mais ce n’est pas un métier, car je ne l’ai pas apprise ». Tout ceci pour dire qu’une formation professionnelle formelle des agriculteurs peut contribuer à revaloriser la profession et contribuer à l’apparition de cette nouvelle classe d’entrepreneurs agricoles que tous réclament.
Bernard Ethéart
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Assurer un environnement durable
Telle est la formulation de l’objectif placé en septième position sur la liste des OMD. A mon avis, il y a un problème de hiérarchisation, comme je l’ai signalé dans le premier article de cette série (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), car cet objectif devrait être en premier sur la liste, tant il est vrai que s’il n’y a pas d’environnement il n’y a pas d’homme (au sens générique du terme) et ce n’est plus la peine de se fatiguer.
Passons maintenant aux cibles, elles sont au nombre de quatre :
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Intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales.
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Réduire la perte de la biodiversité et atteindre, d’ici à 2010, une diminution significative du taux de perte.
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Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.
-
Améliorer sensiblement, d’ici à 2020, les conditions de vie de 100 millions d’habitants des taudis.
Passons-les en revue, en commençant par la dernière : « Améliorer sensiblement … les conditions de vie de 100 millions d’habitants des taudis ». Personnellement je trouve la formulation un peu ridicule. Elle se veut un objectif chiffré, en parlant de 100 millions d’habitants, mais quand on pense à toute la population des bidonvilles à travers le monde, cela peut paraitre dérisoire. Et que veut dire « améliorer sensiblement » ? c’est très vague. En fait cela relève de la lutte contre la pauvreté avec toutes ses caractéristiques : chômage, non accès aux services élémentaires tels l’eau potable et l’assainissement, l’énergie, etc.
Ce qui nous mène à la cible précédente : « Réduire de moitié … le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base ». Si on ne veut pas de la proposition précédente, on peut penser, comme je l’ai déjà proposé (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), à un objectif visant le domaine de la santé et qui inclurait, comme des cibles, les objectifs 4 : réduire la mortalité infantile, 5 : améliorer la santé maternelle et 6 : combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, l’accès à l’eau potable et l’assainissement et, d’une manière générale, les programmes d’hygiène préventive.
Il nous reste la cible 2 : « Réduire la perte de la biodiversité … ». Ici, nous sommes vraiment dans le domaine de l’environnement. Le rapport signale que « Le monde n’a pas pu atteindre la cible de 2010 pour la préservation de la biodiversité, ce qui pourrait avoir de graves conséquences ». Ce concept de biodiversité n’est pas directement accessible à tous et nous allons devoir y revenir. En attendant, nous nous contenterons de ce passage tiré du rapport : « La biodiversité est d’une importance vitale pour le bien-être de l’humanité, car elle est à la base d’une large gamme d’écosystèmes dont dépend la vie elle-même. Des milliards de gens, dont beaucoup parmi les plus pauvres, sont directement tributaires d’une faune et d’une flore diversifiées pour leur survie. La perte irréparable de la biodiversité ralentira aussi les efforts entrepris pour atteindre les autres OMD, en particulier ceux qui ont train à la pauvreté, la faim, la santé, car elle aggrave la vulnérabilité des pauvres et réduit leurs options en matière de développement ».
Et nous voilà arrivés à la cible 1 : « Intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux … ». Nous allons nous y arrêter un peu car le rapport mentionne qu’« Il est urgent de réagir de façon décisive au problème du changement climatique », or l’échec de la Conférence de Copenhague semble bien nous montrer que nous ne sommes pas près d’atteindre cette cible.
Faisons rapidement une mise en contexte. Il est généralement admis que le changement climatique, ou plus précisément le réchauffement de la planète, est dû à des émissions de gaz, dits gaz à effet de serre, qui forment une sorte de cloche autour de la planète retenant la chaleur produite par la terre elle-même, et faisant monter la température comme dans une serre, qui est une construction vitrée à l’intérieur de laquelle, dans les pays froids, on cultive certaines plantes, en particulier les plantes tropicales, d’où le nom de gaz à effet de serre (GES).
Parmi les gaz à effet de serre, celui qui donne le plus de problèmes est le gaz carbonique (CO2), qui est produit chaque fois qu’il a combustion, et tout particulièrement quand il y a combustion de ce qu’on appelle les énergies fossiles : pétrole, gaz naturel, mais surtout le charbon minéral. C’est pourquoi, depuis quelques années, des voix s’élèvent pour demander une réduction de la production de gaz carbonique. Cela a abouti à l’adoption, en 1997, du Protocole de Kyoto, du nom de la ville où s’était tenue cette conférence, fixant, aux pays signataires, des limitations ou des réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Ce protocole était prévu pour une période de quinze années ; autrement dit, en 2012, un autre accord devrait entrer en vigueur. Des pré-négociations ont été engagées ; on retiendra la conférence de Bali, en Indonésie, en décembre 2007, et toute une série d’autres rencontres devant aboutir à l’adoption d’un nouveau protocole au cours d’une conférence prévue pour décembre 2009, à Copenhague (Danemark).
La conférence de Copenhague a bien eu lieu ; une gigantesque kermesse ! plusieurs dizaines de milliers de personnes, représentant les gouvernements de quelque 194 pays, les grandes agences internationales et les organisations non-gouvernementales, ont envahi la capitale danoise pendant environ deux semaines. Mais la montagne a accouché d’une souris. Il n’y a pas eu d’accord de Copenhague, mais seulement, pour reprendre les propos de Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement, « une déclaration politique indigente de quelques dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, sans objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans force juridique, sans solidité financière.
Certains observateurs ont fait valoir que c’était un peu la même chose à Kyoto, en 1997, car c’est seulement quatre ans après, avec les accords de Marrakech (Maroc), que les détails du protocole ont été finalisés. Que Dieu les entende ! Des négociations se sont tenues à Bonn (Allemagne) du 31 mai au 11 juin, dont devait sortir un texte qui servirait de base aux décisions du sommet sur le climat qui se tiendra à Cancun (Mexique) en décembre. Pour reprendre la phrase de ce père de l’Eglise : il n’est que d’attendre.
En tout cas, je suis loin de partager l’optimisme des rédacteurs du Rapport 2010 sur les OMD qui affirment que « Le succès inégalé du Protocole de Montréal montre que des mesures contre le changement climatique sont à notre portée ». Ce Protocole de Montréal concerne l’élimination des substances qui appauvrissent la couche d’ozone ; je voudrais signaler à ces optimistes que, non seulement, l’effet de ces substances sur la couche d’ozone est plus généralement admis que celui des gaz à effet de serre, mais aussi, et ceci explique cela, que les enjeux financiers, dans le cas de l’industrie pétrolière, sont beaucoup plus importants.
Bernard Ethéart
HEM, Vol. 24, # 26, du 21-27/07/2010