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Ça bouge dans le Sud-Est
La fin de cette première semaine du mois de mars a été marquée par deux évènements dans la petite ville des Cayes-Jacmel. Cela a commencé le vendredi 6 avec la cérémonie d’intronisation de la « Chambre Agricole des Cayes-Jacmel » (CACAJ), et s’est poursuivi, le lendemain, avec la cérémonie d’inauguration du complexe agro-industriel du Sud-Est.
Jusqu’à présent, à ma connaissance, il n’y a que le département de Nord qui connaisse des chambres d’agriculture. À l’initiative du directeur départemental d’alors, l’agronome Demetrius, les organisations paysannes dans les différentes communes du département ont été encouragées à se réunir dans une structure dénommée chambre d’agriculture, et actuellement le département compte 19 chambres d’agriculture qui se sont à leur tour regroupées dans une Fédération des Chambres d’Agriculture du Nord, la FECHAN.
Les chambres d’agriculture ne sont donc pas une structure fréquente dans le pays, mais elles ont une très grande importance dans l’espace agricole français. Lors d’une visite à la Guadeloupe, il y a une dizaine d’années, j’ai eu l’occasion de rencontrer des représentants de la chambre d’agriculture et nous tous, qui faisions partie de la délégation venue d’Haïti, avons été très impressionnés par l’importance des fonctions que remplit cette institution.
En effet, ce n’est pas seulement un regroupement pour la défense des intérêts des agriculteurs, c’est aussi une institution d’appui aux producteurs, qui leur fournit les services et l’encadrement technique qui relèvent classiquement de la compétence d’un ministère de l’agriculture. Car, nous a-t-on fait comprendre, le ministère n’est plus directement engagé sur le terrain ; il se réserve la fonction de définition de la politique agricole ; une position qui nous rappelle étrangement les grandes déclarations du Directeur Général Adjoint au MARNDR, à l’époque du « retour à l’ordre constitutionnel ».
A un moment où nous subissons les conséquences du « désengagement » du MARNDR, amorcé en 1994, on ne peut que saluer l’apparition d’une nouvelle structure qui prendra en charge ces fonctions que le ministère ne veut plus, ou ne peut plus assurer. Mais ne nous faisons pas d’illusions, les chambres d’agriculture du Nord sont loin de disposer des moyens qui leur permettraient de remplir efficacement ces fonctions d’encadrement et de services que le paysan attend, et elles dépendent largement de l’appui de l’assistance externe, mais c’est peut-être une voie pleine d’avenir.
En tout cas, le département du Sud-Est semble vouloir s’engager dans cette voie. Selon les propos du président de la Chambre Agricole du Sud-Est (CASE), M. Jean Michelet Pierre, c’est en juillet de l’année dernière qu’un congrès a réuni, à Jacmel, des représentants de ce qu’il appelle le « Grand Sud ». Il y a probablement là une relation avec l’idée de Chambre de Commerce du Grand Sud, prônée par l’industriel cayen Pierre Léger.
En tout cas, à ce congrès de Juillet 2008 la décision a été prise de mettre sur pied des chambres d’agriculture dans ce Grand Sud. Le mouvement est maintenant lancé ; la Chambre Agricole du Sud-Est existe, la Chambre Agricole de Jacmel probablement aussi, celle des Cayes-Jacmel vient d’être intronisée, d’autres doivent suivre. Il faut seulement espérer que ce regroupement ne soit détourné pour servir à des fins politiques.
Cela fait quelque temps que, longeant la côte en direction de Marigot, j’observais quelque chose qui se construisait au bord de la route, au niveau de Raymond-les-bains. A Cayes-Jacmel, j’ai pu apprendre ce que c’était, à savoir le complexe agro-industriel du Sud-Est, qui devait être inauguré le lendemain par le Ministre de l’Agriculture.
Ce fut une grande cérémonie. En plus du ministre, il y avait les parlementaires, sénateurs et députés représentant la département ou la circonscription intéressée, les responsables des conseils municipaux de Jacmel et de Cayes-Jacmel, sans parler de l’Ambassadeur de Chine-Taiwan, car le projet a été financé par son pays.
Inspiré du « Complexe Agro-industriel Jean Léopold Dominique » de Marmelade, ce complexe a pour objectif de « renforcer le développement durable notamment dans le Sud-Est, par une meilleure organisation de la filière fruits et légumes, la revalorisation de la production avicole sur une grande échelle, l’extension des activités de production et de valorisation du bambou dans toute sa diversité ».
Si le maître d’œuvre du projet est le MARNDR, le maître d’ouvrage est la FACN (Fédération des Associations Caféières Natives), qui a débuté sa carrière, si je peux m’exprimer ainsi, dans le Sud-Est, à travers un programme d’appui aux producteurs de café, mais qui a élargi son champ d’activités avec des interventions dans la commune de Marmelade.
C’est pourquoi, je tire des fiches techniques de l’agronome Frantz Bissainthe, Coordonnateur de programme à la FACN, les grands défis que ce projet se propose de relever :
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Combattre la pauvreté en augmentant le revenu des producteurs et du pays par une meilleure exploitation de la production de montagne et de piedmont ;
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Réduire les risques en matière de désastres naturels par une meilleure occupation protectrice de l’environnement physique ;
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Réduire l’insécurité alimentaire qui sévit de façon chronique en Haïti par l’augmentation de la production alimentaire et l’amélioration du statut nutritionnel des enfants, des jeunes et des femmes de ce pays en proie aux pires fléaux ;
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Renforcer l’économie nationale en ajoutant de la valeur au secteur primaire (agriculture, forêt, élevage …), au secteur secondaire (l’agro-industrie, production de meubles et produits divers) et le secteur tertiaire (le tourisme local) pour citer les branches qui pourront bénéficier directement de ce projet.
Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle, mais au-delà de la boutade, on ne peut que souhaiter que le projet soit mis en œuvre, qu’il produise des résultats, et qu’il soit réplicable.
Bernard Ethéart
Haïti en Marche, Vol. xxiii, # 07, du 11-17/03/09
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