L’attribution des parcelles
Au cours des trois derniers articles, nous avons parlé ce qui a été entrepris au niveau de chacun des trois éléments essentiels à la garantie de la sécurité foncière : l’identification des biens (HEM, Vol. XIX, No. 45, du 07-13/12/05), la définition des droits (HEM, Vol XIX, No. 46 du 14-20/12/05), l’identification des personnes (HEM, Vol.XIX, No. 47, du 21-27/12/05).
Cependant, quand nous parlions de l’identification des bénéficiaires par les comités d’appui, la semaine dernière, nous n’avions pas mentionné la plus grande difficulté que ces comités d’appui ont eu à surmonter : arriver à retenir un nombre de bénéficiaires égal au nombre de parcelles délimitées par l’équipe topographique pour chaque périmètre.
En effet, quelles qu’aient été les restrictions imposées par les critères de choix des bénéficiaires, on avait dans chaque cas un nombre de candidats largement supérieur au nombre de parcelles à attribuer. C’est l’effet de la pression démographique sur la terre dont nous aurons à reparler ultérieurement.
Les comités d’appui se sont donc vus dans l’obligation d’exercer la plus grande rigueur dans l’application des critères, avec tout ce que l’on peut imaginer de pressions de la part des candidats ; pressions « douces », comme des tentatives de corruption, pressions « dures » par toutes sortes de menaces, y compris des menaces de mort.
Quoiqu’il en soit, les comités d’appui arrivèrent au bout de leurs peines et les bénéficiaires furent invités, au cours d’un grand rassemblement, à venir tirer eux-mêmes leur numéro de parcelle afin d’éviter que qui que soit ne soit accusé d’avoir favorisé l’un ou l’autre en lui attribuant une parcelle présentant de meilleures conditions de sol, d’irrigation ou de drainage. Une fois le tirage au sort achevé, les bénéficiaires furent mis au courant des conditions dans lesquelles ils pourraient jouir de cette parcelle.
Les conditions de l’attribution d’une parcelle comprenaient les droits et devoirs du bénéficiaire ainsi que certaines restrictions.
Droits du Bénéficiaire :
- Droit de jouissance de la parcelle jusqu’à ce que la loi en détermine le statut définitif.
Il ne faut pas oublier, en effet, que ces opérations se faisaient sur des terres dont l’INARA avait pris possession « provisoirement » en attendant qu’une loi sur la réforme agraire vienne fixer les conditions définitives d’attribution.
- Droit de bénéficier de tous les services offerts aux planteurs: irrigation, approvisionnement en intrants, crédit, etc.
Nous reviendron sur ce point à propos des mesures d’accompagnement.
Devoirs du Bénéficiaire :
- Cultiver la parcelle, en faire valoir direct, en suivant les directives de l’encadrement technique ;
- Respecter les bornes, ouvrages hydrauliques, pistes agricoles, et participer à l’entretien du réseau d’irrigation et de drainage ;
- Participer à tout programme agricole à la demande du MARNDR, tel le programme semencier, etc ;
- Participer à la gestion du périmêtre à travers l’organisation des planteurs ;
- Verser une redevance évaluée à 500 G/ha/récolte, les valeurs ainsi collectées seront réparties sur 4 fonds :
· un fonds pour l’entretien du périmêtre,
· un fonds d’assistance pour les fermiers,
· un fonds pour de petits projets communautaires,
· un fonds de développement régional
Restrictions :
- Le bénéficiaire ne pourra ni morceler, ni céder tout ou partie de la parcelle sous quelque forme que ce soit
- En cas de décès, l’INARA déterminera un autre représentant de la famille, en attendant la révision de la législation sur le droit de succession
Toutes ces conditions ont été consignées dans un contrat signé par le bénéficiaire, d’une part, les Directeurs Généraux de l’INARA et de l’ODVA et le Minsitre de l’Agriculture, d’autre part.
Dans les jours qui suivirent le chef de l’équipe de topographie procéda à l’opération « mete moun sou tè » qui consistait à remettre formelle la parcelle portant le numéro tiré par le bénéficiaire à son attributaire. Après quoi, ils ont été invités à venir sur le terrain prendre effectivement possession de la parcelle qui leur était attribuée.
Un dossier fut établi pour chaque bénéficiaire, avec une carte d’identification portant photo du bénéficiaire. Nous avons même profité de l’occasion pour permettre aux bénéficiaires d’obtenir leur carte d’identité fiscale. A la demande du MARNDR, la DGI envoya à Pont Sondé une équipe avec tout le matériel nécessaire ; l’expérience eut un très grand succès, malheureusement,au bout de quelques jours, les appareils de la DGI présentèrent des problèmes. L’équipe fut rappelée à Port-au-Prince et ne revint jamais.
On ne saurait terminer ce chapitre sans dire un mot des mesures d’accompagnement déjà mentionnées. Il s’agit de tout un paquet de mesures, qui ne relèvent pas de la compétence de l’INARA, mais qui sont indispensable si l’on veut que le bénéficiaire puisse réellement tirer profit de la parcelle qu’il a reçue.
En effet, comme tout le monde ne cesse de le répéter, il ne suffit pas de donner de la terre au paysan, il faut aussi le mettre en mesure de la cultiver. Cela suppose des interventions au niveau de l’infrastructure, des mesures d’accompagnement visant à assurer l’approvisionnement en crédit et en intrants l’encadrement technique des planteurs et une amélioration de leur équipement.
En ce qui concerne l’infrastructure, des travaux d’aménagement foncier ont été exécutés, qui devaient assurer que les parcelles soient bien irriguées et bien drainées. Pour ce qui est des mesures d’accompagnement proprement dites,
- le MARNDR avait déjà pris des dispositions pour un approvisionnement en engrais à un prix subventionné,
- l’ODVA entreprit des démarches pour l’approvisionnement en semences,
- le BCA accorda un crédit de 5.000 gourdes à chaque bénéficiaire,
- l’ODVA mit sur pied une équipe de techniciens chargés de la formation et de l’encadrement technique,
- plus tard on se lança dans l’acquisition de motoculteurs et de moulins qui furent mis à la disposition des planteurs.
Bernard Ethéart
HEM, Vol. XIX, No. 48, du 28/12/05-03/01/06