Les solutions proposées

 

Dans le premier article consacré aux conflits terriens dans l’Artibonite (voir Les conflits dans l’Artibonite, HEM , Vol. XIX, No. 37, du 12-18/10/05) j’avais signalé que ces conflits avaient donné lieu à une littérature relativement abondante ; ainsi nombre d’étudiants de l’Ecole de Droit et des Sciences Economiques des Gonaïves, eux-mêmes souvent originaires des zones en conflit, ont rédigé leur mémoire de sortie sur l’un ou l’autre de ces conflits.

 

Nous avons déjà eu l’occasion de citer le travail de Serge Bordenave, qui a travaillé sur un des plus célèbres conflits, celui de la « ferme de Trois Bornes », opposant les représentants de Mme Christian Aimé à des paysans de Desdunes. Pour Bordenave, « Ces divers conflits sont dus à une non fixation des limites de propriété et de l’instabilité même du titre de l’étendue de “Hauteur d’Accueil Desdunes” connue sous le nom de “Trois Bornes” ». [5]

 

Un autre travail du même genre est le mémoire de Ronald Desormes [6]  qui formule une série de propositions pour arriver à mettre fin aux conflits:

1.      établissement d’un cadastre pour chacune des habitations,

·         D’avance on appliquera en faveur de ces occupants le principe de la grande prescription. Sur les habitations en conflit ouvert on décidera en faveur du premier occupant,

·         La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent ;

2.      Vu la progression démographique ... d’autres projets de développement ;

3.      Pour faciliter l’application de ces mesures, les terres de la vallée doivent être nationalisées pour une période de temps que détermineront les circonstances.

 

Mais il n’y a pas eu que des universitaires à se pencher sur ces problèmes. Ainsi,dans la commune de Desdunes une commission de notables s’est attachée à présenter des propositions pour la résolution du conflit de Trois Bornes [7]  :

·         Tous les conflits sont à l’origine de la non-fixation des limites de propriété et de l’instabilité même du titre de l’étendue de Hauteur d’Accueil

·         Nécessité d’augmenter le nombre des exploitants

·         Que la superficie d’exploitation par famille ne dépasse désormais plus de deux ha

·         Elire un Conseil de planteurs avec les fermiers et former une coopérative agricole

·         250 G par année et par ha

·         Faciliter la présence des deux parties

·         Comité des notaires et arpenteurs pour dresser le bornage des terres redistribuées

 

On doit citer enfin le rapport publié en Janvier 1995 par la Commission Justice et Paix des Gonaïves.

 

Pour commencer, ce rapport signale que tous ces conflits révèlent:

·         la carence de l’Etat (pas de cadastre),

·         la vénalité de la justice (qui appuie les plus offrants),

·         la violence et la corruption de l’armée (achetée par des grands propriétaires).

 

Le rapport observe également que, dans la plupart de ces conflits, intervient la trilogie:

·         les gros propriétaires terriens (grands dons),

·         l’Armée d’Haïti comme corps de haute densité de corruption et d’impitoyable répression,

·         les divers fonctionnaires de l’Etat corrompus (juges et membres de l’appareil judiciaire, arpenteurs, notaires, gros fonctionnaires de l’Etat.

 

Et il conclut qu’il revient au Gouvernement:

1.      de prendre des mesures énergiques transitoires:

·         mise des terres en conflit sous contrôle provisoire de l’Etat,

·         retrait de tout militaire haïtien de ces zones car les soldats haïtiens recyclés et mis dans ces zones, sans aucune logistique, sont littéralement entre les mains des mieux armés de la population,

·         présence de police internationale sur le terrain;

 

2.      puis de prendre, dans un deuxième temps, des mesures définitives:

·         mise en place d’un authentique cadastre,

·         réforme agraire.

 

Bernard Ethéart

 

HEM, Vol. XIX, No. 41, du 09-15/11/05