Emission du

09/09/08

Thème

Les cyclones


Transcription


Nous sommes dans une conjoncture de cyclones; il n’y en a pas en vue pour le moment, tout le monde attend Joséphine, mais il semble qu’elle ne viendra pas par ici. Pour ceux qui veulent vérifier cette information, il y a eu deux sites que l’on peut consulter:

www.nhc.noaa.gov qui donne la position du cyclone et une projection de son trajet dans les 3 ou 5 jours,

www.goes.noaa.gov qui donne la photo-satellite permettant de voir les nuages qui font partie du système du cyclone.


Si nous n’avons pas de cyclone en vue, nous venons d’en subir quatre coup sur coup et il s’agirait de parler un peu des dégâts qu’ils ont occasionnés. Bien sûr tous les médias donnent des informations là-dessus, je n’ai donc pas la prétention de donner un état des lieux exhaustif, ce qui n’est du reste pas la fonction de cette émission. Nous allons parler de dégâts par rapport à des personnes ou à des groupes qui sont proches de nous.


Ainsi, en deux ou trois fois nous avons eu comme invité Abner Septembre de l’APV (Association des Paysans de Vallue, dans la commune de Petit Goâve). Abner a envoyé des informations sur les dégâts causés par Fay et Gustave à Vallue; je n’ai pas d’informations sur d’éventuels dégâts causés par Hanna ou Ike.


De même, l’année dernière, nous avions reçu des représentants de trois associations locales venant de trois localités qui ont en commun leur proximité de la Rivière Grise: Duvivier, situé dans la partie basse de la Plaine du Cul-de-Sac; Dumay, situé plus en amont, au niveau du point où la Rivière Grise débouche dans la plaine et où se trouvait le barrage dénommé Bassin Général; Belle Fontaine, située tout en haut dans la montagne. C’était après le cyclone Noël; ils nous avaient parlé des dégâts causés par ce cyclone et nous avions essayé d’envisager quelles mesures préventives pouvaient être prises.


Cette année, après que j’aie vu à la télé le niveau que la rivière avait atteint au niveau du pont de Tabarre, je suis allé sur le terrain. J’ai commencé par prendre des photos qui permettent de comparer le niveau de l’eau ce jour-là avec le niveau en temps normal sur des photos prises antérieurement. Le lendemain, j’ai visité Duvivier, où la destruction des berges a provoqué de grandes pertes, et, le surlendemain, Dumay, où la situation est différente. Là les alluvions entraînées par la rivière ont relevé le niveau du lit du cours d’eau qui se retrouve au même niveau que le terrain où est construit le village. Comme on peut se l’imaginer, à chaque petite crue le village est inondé et couvert de boue. Une de mes photos, publiée dans Haïti en Marche montre ne maison à moitié enfouis dans la boue. Bien sur, je n’ai pas été à Belle Fontaine; il y a quelques années, la montée là-haut, par temps sec, m’avait pris sept heures de marche! ce n’est plus de mon age. Nous avions pensé faire une émission comme celle de l’année dernière, un nouveau cyclone ne l’a pas permis.


Un autre groupe que nous avons reçu à cette émission c’est le Forum Agricole Goâvien un regroupement d’associations d’irrigants dans la zone de Petit Goâve. Avant que les cyclones ne nous tombent dessus, nous avions prévu de faire une seconde émission car la première avait eu un tel impact sur la relance des activités du regroupement que le coordonnateur voulait tirer parti du momentum. Les cyclones n’ont pas permis de réaliser l’émission, mais nous savons que eux aussi ont subi des dégâts, sans doute pas aussi graves qu’à Cabaret ou aux Gonaïves, la ville martyre, mais ils ont quand même enregistré des pertes.


Ceci dit, il faut réaliser que, il y a quatre mois, nous vivions une conjoncture marquée par les émeutes de la faim qui ont provoqué la chute du gouvernement, et depuis lors on ne parlait plus que de la relance de la production agricole, et voilà que quatre cyclones nous tombent dessus!


Nous avons eu récemment une émission avec l’agronome Gary Mathieu, Coordonnateur de la CNSA (Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire) et il nous disait que la CNSA produit régulièrement des publications informant sur la situation alimentaire du pays. La dernière publication couvre la période du 25 juillet au 25 août; elle ne tient donc pas compte de l’impact du cyclone Gustave. Ce dernier Flash Info # 34 fait des recommandations au gouvernement, aux bailleurs de fonds, etc:

  1. intensifier les actions de réponses à la crise alimentaire

  2. renforcer les programmes de développement agricole

  3. renforcer la coordination, suivi, évaluation des programmes de développement et les réponses aux crises.


Encore une fois, nous n’allons pas entrer dans le détail des dégâts, mais je voudrais citer une dépêche de Agropresse: les dernières tempêtes tropicales qui se sont abattues sur Haïti ont provoqué des pertes considérables dans le secteur agricole, dégâts particulièrement considérables à l’Arcahaie, l’une des principales zones de production de banane du pays, pertes importantes dans la plaine des Cayes, la plaine du Cul-de-Sac, etc.


La dépêche ne mentionne pas l’Artibonite. Un de mes collaborateurs, qui a de la famille aux Gonaïves, s’est rendu là-bas. Il doit être une des dernières personnes à passer sur le pont de Montrouis, à l’aller, et sur le pont de Mirebalais, au retour. Il m’a décrit ce qu’il a vu en traversant la plaine de l’Artibonite. Depuis la ville de Lestère jusqu’aux montagnes qui dominent Marchand-Dessalines, il n’y a qu’une seule nappe d’eau, toute la plaine est inondée. Autrement dit, toutes les cultures sont perdues, mais en plus nous ne savons pas quels dégâts il y a au niveau des infrastructures d’irrigation. C’est une véritable catastrophe.


Quand on pense qu’il y a actuellement un projet de réhabilitation du système d’irrigation de la plaine de l’Artibonite, un programme d’un montant de US$ 46 millions, financé par la BID, et que tout ce qui a déjà été fait peut avoir été détruit, on ne sait plus que dire. Il n’est plus que d’attendre la baisse des eaux pour voir comment la production pourra éventuellement reprendre. Et il n’y a pas que l’Artibonite, j’ai appris que dans la zone de Hinche c’est la même chose, tout est sous l’eau.


C’est excessivement grave, et, comme je l’ai déjà dit, on ne sait plus que dire. Alors il y a la question fondamentale.


Bien sur, il s’agit de catastrophes naturelles. Nous parlerons une autre fois de la responsabilité de l’homme dans ce déchaînement des éléments. Il y a toujours eu des cyclones, mais il semble qu’il y ait un dérèglement. Un simple exemple, en 1954 le cyclone Hazel, le premier que j’aie vécu en pleine connaissance, est passé au mois d’octobre; cette année Hanna, un autre H, est arrivé fin août – début septembre; les cyclones sont plus rapprochés. Mais laissons ce thème du dérèglement climatique pour une autre occasion. Nous en avons déjà parlé, nous y consacrerons une autre émission.


Je disais que les cyclones sont des phénomènes naturels; nous ne pouvons rien faire pour contrôler leur force, mais ne pouvons nous rien faire pour que les dégâts qu’ils occasionnent ne soient pas aussi immenses que ceux que nous vivons aujourd’hui?




On en parle beaucoup. Jeanne, il y a quatre ans, a fait les dégâts que nous connaissons, et tout le monde demande: qu’a-t-on fait pour éviter le même désastre? Et quatre ans après, les dégâts sont pires. J’ai reçu d’une amie un article de l’agronome William Michel; d’après lui, la première averse à avoir touché les Gonaïves était Hazel, l’eau avait atteint un niveau de 1,20 mètre; en 2004, 50 ans plus tard, l’eau atteignait un niveau de 3 m; quatre ans plus tard le niveau de l’eau était de 6 m. La dégradation de l’environnement fait qu’il y a de plus en plus d’eau à partir en ruissellement.


Y a-t-il quelque chose que l’on puisse faire? Dans la dépêche d’Agropresse il est dit que la mauvaise gestion du foncier est l’une des causes majeures de la vulnérabilité des espaces cultivables aux catastrophes naturelles. La dépêche cite l’agronome Serge Michel Pierre-Louis, qui est venu à ce micro prler du décret-cadre de l’environnement, spécialiste en environnement et engagé actuellement dans le GREF (Groupe de Recherche en Etudes Foncières): la densité élevée de la population conduit à une utilisation abusive des ressources forestières et du sol.


Il y aurait donc quelque chose à faire au niveau de la gestion du foncier. Le Premier Ministre Pierre-Louis a parlé d’aménagement du territoire: définir quelle zone est propre à l’agriculture, quelle zone à l’habitat, etc. Effectivement nous devons cesser de faire n’importe quoi n’importe où, de faire de l’agriculture dans les mornes avec pour résultat que toute la terre s’en va à la première pluie.


On parle d’aménagement des bassins versants, ce qui me ramène à l’article de William Michel. Il demande si l’Etat peut traiter les 31 bassins versants critiques pour éviter ce genre de catastrophes, et sa réponse est: non! car la mise en valeur reviendrait trop cher. Selon lui, «il faut un minimum de US$ 1.000 pour conserver 1 hectare de montagne et un minimum de US$ 100 par an pour les travaux d’entretien. Il faut un crédit de US$ 800 à 1.000 à l’hectare chaque année pour encourager la production de cultures vivrières à l’intérieur des terres plantées en verger lesquelles commenceront à être rentables après cinq années d’entretien et de surveillance. Cela ferait environ un crédit de départ de US$ 2.000 la première année et un crédit de US$ 1.100 l’an pour les 5 années à venir. Rien que pour le bassin versant de la Quinte, le crédit à la production et à la valorisation des terres coûterait US$ 2.000 x 140.820 ha – US$ 281.640.000 la première année et US$ 140 millions à l’année pendant un minimum de 4 ans. Haïti n’aura jamais les moyens de cette politique.»


Donc, on ne fait rien? William vient avec une proposition: il faut construire des modèles sur des échantillons d’un centième des bassins versants et montrer à la population ce qu’elle atteindrait en répétant ces mêmes travaux sur tout le reste du bassin versant. Cela nous ramène à la méthode des jardins de démonstration.


Appel

L’argent ne devrait pas être un obstacle; l’argent n’est qu’un outil.


Oui mais il y a un problème de valeurs, car ces moyens que nous n’avons pas ne sont rien devant les dépenses d’armement de certains pays, et quand on rentre dans ce genre de comparaison, on a le vertige.