LA VISITE
 
Trois semaines après la Grande Rivière du Nord (voir Haïti en Marche Vol. XXIII, No 13 et 14), c’est sur le Massif de la Selle que nous envoyait le PITDD (Programme d’Informations Territoriales pour le Développement Durable). En effet, pour son application « parc national », le CNIGS (Centre National d’Informations Géo-Spatiales) a choisi le parc historique de la Citadelle et le parc la Visite. Au début du mois, nous étions donc sur le bassin versant de la Grande Rivière du Nord et le parc de la Citadelle, cette fois-ci, c’est le Parc la Visite. Pour moi c’était superbe, car cela faisait des années que je voulais me rendre sur ce site, mais l’occasion ne s’était jamais encore présentée.
 
Je vais tenter de localiser le site pour les lecteurs, sans vouloir vexer qui que ce soit, car j’ai eu moi-même, au début, quelques difficultés à m’y retrouver. Le parc est situé tout en haut du versant sud du Massif de la Selle. Il s’étend sur une longueur d’une dizaine de kilomètres, dans le sens est-ouest ; sa largeur maximale est d’environ quatre kilomètres et sa superficie totale varie, selon les délimitations choisies, entre 2.000 et 6.000 hectares.
 
On y accède par une route de montagne qui part de Peredo, juste après Marigot, et monte en direction nord, puis ouest, jusqu’au marché de Seguin. Après Seguin, la route continuera vers l’ouest, puis descendra vers le sud en direction de Belle Anse. Une fois qu’on est à Seguin, on est dans le parc, mais Seguin est à 1.700 mètres d’altitude, et pour arriver à la forêt de pins, qui fait toute la valeur du parc, il faut encore grimper quelque peu.
 
Dès le premier jour, nous avons pris contact avec la forêt pour relever des points cartographiques. Mais c’est le lendemain matin que nous sommes allés au lieu dit Galette Sèche que Patrice-Manuel Lerebours mentionne dans un article du Nouvelliste (La catastrophe n’est-elle pas imminente ? le Nouvelliste du 23-25 septembre 2005). Quand vous êtes à Galette Sèche, vous êtes à 2.000 mètres d’altitude, le pic Cabaïo vous domine de ses 2.200 mètres, et vous savez que de l’autre côté il y a des endroits plus connus comme Furcy, Kenscoff …
 
L’article de Lerebours parlait d’une rencontre de représentants du Ministère de l’Environnement, de la Fondation Seguin et de la UNPOL, accompagnés d’agents de la UDMO, avec la population de la zone, rencontre qui s’est tenue le 14 septembre 2005, à Galette Sèche. Il y a été question « des répercussions directes du déboisement et de la pollution du château d’eau que constitue le parc la Visite » et de la création d’une police environnementale.
 
Cinq ans après, nous n’avons pas vu trace de police environnementale ; par contre nous avons rencontré des paysans qui cultivaient de la pomme de terre, probablement, sur de vastes espaces entièrement déboisés, et qui gardaient du bétail – on sait que ce sont les excréments d’animaux qui polluent l’eau, et on a même parlé de plusieurs cas de mortalité, enregistrés après le passage des cyclones et dus à des microbes qui viennent de l’intestin de ces animaux.
 
En ce qui concerne la fonction de château d’eau, il nous a semblé qu’elle est toujours remplie ; du reste on se demande pour quoi l’endroit s’appelle Galette Sèche car, de place en place, nous tombons sur de petites sources et l’herbe que nous piétinons est comme une éponge imbibée d’eau. On nous a dit cependant que la Rivière Blanche, qui prend sa source un peu plus à l’ouest, et, après un grand détour, va déboucher dans la mer du côté de Peredo, est à sec depuis cinq mois.
 
Mais ce qui nous a surtout frappés au cours de la traversée de la forêt, avant d’arriver à Galette Sèche, c’est l’extension qu’a prise la pratique de production de « bois gras ». C’est une technique relativement simple. Elle consiste a faire une entaille dans le tronc de l’arbre ; cela va provoquer une arrivée de la résine, et on pourra alors enlever des copeaux de bois, bien imbibés de résine, qui serviront à allumer le feu. Mesdames cuisinières qui achetez du « bois pin » pour faire partir le feu dans vos cuisines, vous ne savez pas l’importance des dégâts que vous encouragez. Comme on peut le voir sur la photo, il n’est pratiquement pas un arbre qui n’ait été attaqué, et, quand il aura été bien entaillé, il finit par mourir. Au rythme où cela se passe, la forêt est condamnée à brève échéance.
 
 
 
Bernard Ethéart
Haïti en Marche, Vol. XXIII, # 15, du 06-12/05/09