Emission
du |
16/09/08 |
Thème |
Les cyclones (2) |
Transcription
La semaine dernière, j’avais
commencé l’émission en disant que nous étions dans une conjoncture de
cyclone ; aujourd’hui nous sommes dans une conjoncture de mauvais temps,
même si les cyclones continuent de dominer toutes nos préoccupations. Mauvais
temps, car, comme je l’ai dit également, la semaine dernière, même si on voit
beaucoup de pluie, ce n’est pas un cyclone. Je n’ai pas eu le temps de
consulter le site, mais la dame du Service de Météorologie l’a dit, il n’y a
pas de cyclone, c’est une onde tropicale qui passe sur Haïti. C’est peut-être
un déluge, mais ce n’est pas un cyclone.
Pour aujourd’hui, j’avais
deux invités, mais ils ne sont pas là. J’ai du faire un gros effort pour venir,
je ne voulais pas que mes invités arrivent et que je ne sois pas présent pour
les recevoir, mais je m’imagine qu’ils n’ont pas pu passer.
Mes deux invités étaient les agronomes Harmel Cazaeu et Parnell Dimanche, tous deux de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA). On se souvient que nous avions eu une émission, le 12 août, avec l’agronome Gary Mathieu, Coordonnateur de la CNSA ; il était accompagné de l’agronome Jean-Marie Binette, que nous connaissons déjà. A l’époque, ce qui faisait l’objet de l’émission, c’était la relance de la production agricole qui était dans toutes les conversations depuis les émeutes du mois d’avril.
Je voulais que l’agronome
Mathieu pour qu’il nous dise ce qui était prévu et ce qui se faisait, au niveau
de la CNSA, pour relancer la production agricole, de manière à ce qu’il y ait
une plus grande quantité d’aliments produits dans le pays en vue de réduire
l’insécurité alimentaire. Nous ne savions pas que le plan d’action de la CNSA
serait remis en question par les quatre cyclones qui se sont succédés.
L’agronome Mathieu était avec nous le 12, les cyclones ont commencé à déferler
le 20.
Tout est donc remis en
question et la problématique d’aujourd’hui est bien plus compliquée qu’elle ne
l’était au moment de l’émission ; il ne s’agit pas seulement d’une relance
de la production agricole, il faut commencer par évaluer les destructions de la
structure de production, qu’il faudra remettre en état, avant de pouvoir
entreprendre la relance de la production.
Pour l’émission
d’aujourd’hui, l’agronome Mathieu ne comptait pas venir personnellement ;
il se faisait remplacer par deux de ses collaborateurs. Ils ne sont pas
présents et je peux le comprendre ; je ne sais pas s’ils écoutent. En tout
cas je les salue, espérant que nous pourrons avoir cette émission une autre
fois, « si Dye kontan », si le temps le permet.
J’avais prévu de passer cinq
points en revue.
Le premier point, c’est le
bilan. Qu’y a-t-il comme dégâts ? qu’y a-t-il comme destructions ?
qu’y a-t-il comme pertes ? et qu’est-ce qui est prévu pour réparer les
dégâts ? Le bilan ne peut pas être achevé rapidement, mais je crois qu’on
est en train de préparer une première synthèse. Je crois même que la semaine
dernière, le Ministre de l’Agriculture avait présenté un premier bilan
provisoire.
Il y a beaucoup de monde qui
travaille à ce bilan, à cette évaluation des dégâts, non seulement au niveau du
gouvernement (MARNDR, CNSA …) mais aussi au niveau des institutions
internationales qui sont prêtes à envoyer des experts pour aider le
gouvernement à évaluer les dégâts et les coûts prévisibles de la remise en
route de la production.
J’ai trouvé dans Agropresse
une information selon laquelle les pertes pour le secteur agricole sont
évaluées à $ 23 millions. Je viens de trouver cette dépêche et je n’ai pas eu
le temps de la lire ; et, comme un malheur ne vient jamais seul, dans ma
précipitation pour venir malgré la pluie, j’ai oublié mes lunettes ; je ne
suis donc pas totalement aveugle, mais je ne peux pas vous lire la dépêche.
Appel de Gary
Mathieu : il a eu un contact avec les agronomes Cazeau et Dimanche, ils
sont effectivement pris dans un gigantesque blocus. Il profite pour corriger le
chiffre de $ 23 millions, car il faut comptabiliser les dégâts au niveau des
infrastructures et pas seulement les récoltes perdues ; provisoirement on
parle de $ 150 millions, soit six fois plus que le chiffre avancé par Agropresse.
C’est donc le premier point
que je voulais traiter. Si mes invités peuvent venir la semaine prochaine, ils
pourront sans doute nous donner une évaluation plus proche de la réalité.
Le deuxième point concernait
les mesures d’assistance immédiate. Il s’agit là de la première action à
entreprendre. Il y a des personnes qui n’ont rien à manger ; il y a des
personnes qui n’ont où se loger ; il y a eux qui ont tout perdu, leur
maison, leurs biens ; il faut donc faire quelque chose pour tout ce monde.
Il y a une assistance qui
vient de l’extérieur ; il y a un mouvement de solidarité. Avant hier, on a
eu ce marathon au Parc de la Canne-à-sucre ; je viens d’entendre Villette
annoncer qu’un autre marathon serait organisé à Miami. C’est donc un effort
pour collecter de l’argent, des aliments, des vêtements, tout ce qu’on peut
trouver, car les sinistrés ont tout perdu.
Bien sur, ce n’est pas
quelque chose qui concerne directement la CNSA ; mais je pensais à traiter
ce point pour avoir une vision globale de la situation.
Le troisième point
m’intéresse particulièrement ; il s’agit de ce qui peut être fait pour
permettre que les personnes frappées puissent reprendre, le plus vite possible,
un fonctionnement normal. On pense à certains types de travaux que ces
personnes pourraient exécuter et pour lesquels elles seraient rémunérées.
C’est une façon, pour ceux
qui ont tout perdu, pour les paysans qui ne peuvent reprendre leur travail, de
trouver un job qui leur permette de se faire un peu d’argent pour pouvoir se
procurer ce dont ils ont besoin, une façon aussi de ne pas froisser la dignité
de ces personnes. Pour moi c’est important. Ces personnes ont certes tout
perdu, mais leur donner tout simplement, leur faire la charité, me dérange.
La semaine dernière j’ai
participé à une réunion du Réseau de Sauvegarde de la Forêt-des-Pins. Cette
zone a connu aussi beaucoup de dégâts, mais on n’en parle pas. Plusieurs
personnes l’ont signalé ; tous les regards sont fixés sur les Gonaïves,
Cabaret, et il est vrai que la situation y est catastrophique, mais ce ne sont
pas les seules zones touchées. A la Forêt-des-Pins, il y a des routes coupées,
ainsi on ne peut accéder à la Visite par le sud, il y a des maisons
détruites, il y a du bétail emporté, il
y a des jardins dévastés. Au cours de cette réunion, nous nous disions que
certes l’assistance d’urgence est la
première chose à faire mais qu’il faut aussi veiller au respect de la dignité
des personnes, qu’il faut donc trouver des travaux pour lesquels ces personnes
seraient rémunérées, ce qui leur permettrait de recommencer à fonctionner comme
des citoyens à part entière.
Ce n’est rien de nouveau.
J’ai trouvé de vieux documents de la CNSA qui en parlent. C’est ce qu’on
appelle les travaux à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO). On se souvient
qu’il y avait, qu’il y a même encore, le « food for work ». C’est une
organisation du travail où les personnes participent à l’ouverture de routes, à
la construction de murs secs, etc, et sont payées en nourriture. Je n’ai jamais
beaucoup aimé cette pratique, car j’estime qu’elle ne respecte pas la dignité
des personnes. Dans un de ces documents de la CNSA, datant de 1996, il est dit
que le « food for work » est acceptable quand il n’y a pas moyen de
faire autrement, mais qu’en général le « cash for work » est
préférable.
De quels travaux
s’agit-il ? Durant la période dite « du coup d’Etat » (1992-1994),
on a fait des gens travailler à n’importe quoi ; l’essentiel était de leur
permettre d’avoir un peu d’argent. Ce n’est pas ce dont il s’agit ici. Nous
voulons parler de la réalisation de travaux d’infrastructures utiles et
durables : routes, systèmes d’irrigation, structures de conservation des
sols etc ; de cette façon, non seulement on fournit une aide aux
personnes, mais on fait aussi des investissements dans la production agricole,
le transport, etc.
Avec le quatrième point on
rentre directement dans le domaine de compétence de la CNSA ; ce sont les
mesures de relance de la production. Je ne vais pas m’étendre là-dessus
maintenant, espérant que la CNSA pourra venir nous en parler.
Le cinquième point ne relève
pas de la compétence de la CNSA ; il s’agit des mesures à prendre pour
qu’une telle situation ne se renouvelle pas. Quand on entend parler les
Gonaïviens, ils vous disent : il y a quatre ans, le cyclone Jeanne a fait
les dégâts que l’on connaît, et on n’a rien fait pour que cela ne se reproduise
pas. Dimanche, j’étais à une réunion, et une des personnes présentes, un
ingénieur, originaire des Gonaïves, nous disait qu’après le passage de Jeanne,
il avait écrit un article pour expliquer et faire des recommandations. Il a
relu l’article, suite au passage de Hanna et consorts, et ce qu’il avait écrit
à l’époque était encore valable, quatre ans après !
Est-ce que cette fois-ci on
va faire quelque chose ? J’en ai parlé rapidement la semaine dernière en
mentionnant un article de l’agronome William Michel. En gros, quand on parle de
ces mesures, il s’agit essentiellement de ce qu’on appelle l’aménagement des
bassins versants. J’ai cité les chiffres avancés par l’agronome William Michel,
et j’ai même fait une erreur, car il ne parlait pas de $ 281 millions, mais
bien de $ 281 milliards, et William Michel a raison de dire qu’Haïti ne
disposera jamais de cette somme.
La semaine dernière j’avais
posé la question : ne peut-on donc rien faire ? William Michel répond
qu’il y a des choses que l’on peut entreprendre au niveau de l’aménagement des
bassins versants, et j’avais fait la comparaison avec les jardins de
démonstration. Nous venons de parler de travaux à haute intensité de
main-d’œuvre qui pourraient permettre de mettre en place des infrastructures utiles
et durables, c’est aussi à cela que je pensais et nous allons chercher un
spécialiste pour en parler.