Emission du

12/02/08

Thème

Les biocarburants



Transcription



Cet après-midi nous allons aborder un thème dont on parle beaucoup: les biocarburants. Nous verrons comment on les définit, mais commençons par poser le problème.



Nous en avons déjà parlé, c’est le fameux problème des gaz à effet de serre (GES). L’homme, l’espèce humaine, produit chaque année 24 mrd de tonnes de gaz carbonique (CO2) qu’il lâche dans l’atmosphère, et nous savons que le CO2 est un des GES responsables du réchauffement de la planète, avec comme conséquences l’augmentation de la température, la fonte des glaciers aux pôles nord et sud et dans les hautes montagnes, l’élévation du niveau de la mer avec la disparition de petites îles de l’Océan Pacifique ...



La production de CO2 se fait à partir de la respiration. Nous avons appris à l’école que, en respirant, nous absorbons l’oxygène de l’air et rejetons du CO2. Il y a des réactions chimiques qui se passent au niveau du poumon: l’oxygène se fixe sur l’hémoglobine, tandis que le CO2 est rejeté. L’homme est donc producteur de CO2, mais pas seulement l’homme, tous les êtres vivants, les animaux comme les végétaux respirent.



Seconde grande source de CO2 la combustion. Quand nous brûlons quelque chose, du papier, du bois, nous produisons du CO2; la fumée qui se dégage est faite en grande partie de CO2.



Mais il y a ce qu’on appelle le cycle du carbone. En même temps que la respiration et la combustion produisent du CO2, il y a un mécanisme, connu comme la photosynthèse, une réaction chimique très compliquée, qui se passe chez les végétaux, dans leurs parties vertes, donc les feuilles et les jeunes tiges, au cours de laquelle une substance, que l’on appelle la chlorophylle, absorbe le CO2 de l’air et rejette de l’oxygène. C’est donc l’inverse de la respiration; dans la respiration, l’oxygène est absorbé et le CO2 rejeté, dans la photosynthèse, le CO2 est absorbé et l’oxygène rejeté.



La plante se sert de ce CO2 pour fabriquer la matière qui la constitue, le bois, qui est fait de cellulose, et la cellulose c’est essentiellement du carbone.



C’est donc le cycle du carbone. Une molécule de CO2 que j’ai rejetée dans l’air peut être absorbée par une plante qui en prendra le carbone pour fabriquer de la cellulose. Si j brûle du bois, je produirai du CO2 qui pourra être absorbé par une autre plante.



Il y a par contre ce que l’on appelle les énergies fossiles: le pétrole, le gaz naturel, le charbon minéral, la houille. On trouve cette dernière en particulier dans la Ruhr, bassin houiller situé dans l’est de l’Allemagne, dans le nord de la France, en Belgique, en Grande Bretagne, aux USA, en Chine et un peu partout dans le monde.



D’une manière générale, l’industrialisation s’est faite à partir de ce charbon minéral qui permettait de produire suffisamment de chaleur pour traiter les minerais métalliques, par exemple le minerai de fer à partir de quoi on pouvait produire de l’acier.



On les appelle «énergies fossiles», parce que ces gisements de houille, de pétrole ou de gaz sont enfouis dans le sous-sol depuis plusieurs milliers d’années; ils sont le résultat d’une décomposition de végétaux qui remonte à plusieurs millénaires.



Ce qui se passe avec ces énergies fossiles, c’est que leur combustion produit évidemment du CO2, mais ce carbone vient s’ajouter au CO2 qui était dans le cycle du carbone, alors que quand on brûle du bois ou du charbon de bois, le carbone dégagé sous forme de CO2 était déjà dans le cycle. C’est ce carbone supplémentaire qui va augmenter la quantité de CO2 qui se concentre dans le couches supérieures de l’atmosphère, provoquant l’effet de serre.



Quid maintenant des biocarburants? Un carburant c’est, par exemple, l’essence que nous utilisons pour faire marcher le moteur de notre voiture; ce qui explique que la pièce qui amène cette essence au moteur s’appelait un carburateur. Un biocarburant est produit à partir de matières renouvelables et non fossiles, autrement dit contenant un carbone qui était déjà dans le cycle du carbone.



Il y a différentes techniques de production de biocarburant. Nous avons parlé, par exemple, avec Tanguy Armand, du jatropha dont l’huile peut servir à produire du biodiesel. On peut aussi partir de l’éthanol, l’alcool éthylique que nous connaissons tous. Les guildives produisent cet alcool par distillation du jus de canne-à-sucre. Tout le carbone contenu dans ces biocarburants était déjà dans le cycle puisque venant de végétaux.



On peut fabriquer des carburants gazeux à partir de la biomasse végétale ou animale. Nous avons eu une émission avec George Michel sur le charbon, où il nous disait qu’il existe une technologie qui permet de produire du méthane à partir de matières fécales. Le méthane est un gaz de la même famille que le butane ou le propane que nous utilisons dans les fours pour faire cuire les aliments. Tous ces gaz sont composés de carbone et d’hydrogène; la différence est dans le nombre d’atomes de carbone dans la molécule de gaz; 1 pour le méthane, 3 pour le propane, 4 pour le butane; il y a aussi l’éthane qui a deux atomes de carbone.



Ce méthane peut donc être utilisé dans un four pour la cuisson. Selon George Michel, cette technologie est connue en Haïti; et nous disions que dans une école, par exemple, où il y a beaucoup d’enfants, donc une grande quantité de matière fécale, on pourrait utiliser cette technique pour faire cuire les aliments dans la cantine de l’école. Le problème est de savoir si les parents des enfants accepteraient que leurs enfants mangent une nourriture cuite avec un gaz de cette provenance.



Enfin nous devons mentionner les carburants solides, dont notre bon vieux charbon de bois.



Il y a toute une discussion autour de terme de «biocarburant». Le préfixe «bio» vient du mot grec «bios» qui signifie la vie. «Le bio-carburant» est donc un carburant fabriqué à partir de matière vivante, de matière organique. Mais on signale que le préfixe «bio» fait penser à l’agriculture biologique, qui n’utilise pas d’intrants chimiques, et on propose de parler plutôt de carburant vert, ou de carburant végétal, ou d’agro-carburants.



L’atout des biocarburants est qu’ils respectent le cycle du carbone. On parle donc beaucoup de biocarburants depuis quelque temps, mais si on remonte dans l’histoire, on verra que ce n’est pas si nouveau.



Les biocarburants ont apparu en même temps que l’industrie automobile. L’inventeur du moteur à explosion, Nikolaus Otto, avait fabriqué un moteur qui marchait à l’éthanol; la fameuse Ford T (1903-1926) marchait à l’éthanol. Le moteur inventé par Rudolf Diesel marchait à l’huile d’arachide. En France, on a fait marcher des voitures au gazogène, un appareil qui faisait une combustion incomplète du bois, produisant un gaz qui faisait marcher les moteurs.



Combustion incomplète … cela me rappelle cette même émission avec George Michel, où il disait que la technique de fabrication du charbon des paysans faisait perdre toute une série de substances gazeuses, alors qu’il existait une autre technique qui permettait de conserver ces gaz, qui pouvaient servir à autre chose. Quand on parle de gazogène, c’est probablement de cela qu’il s’agit.



Avec l’exploitation du pétrole, on a oublié ces carburants. Puis sont arrivés les chocs pétroliers; le prix du pétrole a commencé à monter et on s’est mis à penser à des alternatives. C’est aussi l’époque où on a pris des mesures pour réduire la consommation d’essence; c’est aussi l’époque où les petites voitures japonaises ont commencé à envahir le marché US.



A partir de 2000, non seulement le prix du pétrole continuait à monter, mais on est devenu de plus en plus conscient du problème du réchauffement climatique du aux gaz à effet de serre. L’intérêt pour les biocarburants croît.



Il y a cependant un inconvénient. La production de biocarburants peut entrer en compétition avec la production alimentaire. Fidel Castro a publié un texte où il proteste contre la production d’éthanol comme carburant, considérant que c’est une honte, dans un monde où la majorité de la population souffre de famine, de prendre des aliments pour faire marcher des voitures. Il y a des scientifiques qui ont sonné l’alarme, disant que la production d’éthanol comme carburant peut provoquer une augmentation des prix des aliments.



On a le cas du maïs; car si nous produisons de l’alcool à partir de la canne-à-sucre, dans certains pays, on utilise le maïs; et cela s’est répercuté au Mexique, où le maïs sert à la fabrication de tortillas qui sont une sorte de plat national.



Mais on constate aussi une augmentation du prix de la viande, car, dans l’élevage bovin, on utilise du maïs pour alimenter le bétail.



En Allemagne, le prix du malt a doublé.



L’utilisation d’aliments pour produire de l’éthanol entre donc en compétition avec l’alimentation des hommes et des animaux, donc indirectement encore des hommes, et c’est bien ce que disait Fidel.



Il y a une autre conséquence négative: la déforestation. Il y a des zones où on fait des plantations pour la production de biocarburants. Ainsi en Malaisie, où la forêt vierge est en train de disparaître au profit de la plantation de palmiers pour la production d’huile. 6 millions d’ha ont déjà disparu; en Indonésie 16 millions d’ha sont condamnés. Le problème est que la masse végétale que représente la plantation de palmiers est bien inférieure à celle de la forêt. On parle aussi du Kenya, du Togo, du Libéria, et surtout du Brésil, dont la forêt amazonienne est de la plus haute importance pour l’ensemble de la planète.



C’est un effet de la folie humaine et je fais la même réflexion qu’au sujet des OGM.



Mais revenons en Haïti. La semaine dernière, il y avait une petite cérémonie sur le Plateau Central, et des représentants du MPP sont venus avec des pancartes critiquant «la politique des agro-carburants du gouvernement Préval-Alexis, qualifiée de plan lanmò». Je suis d’accord pour ne pas remplacer des cultures dédiées à l’alimentation humaine par des productions destinées à faire marcher des moteurs. La sécurité alimentaire de la population doit être garantie.



Il semblerait qu’en Europe, ou tout au moins en France, ils n’aient pas ce problème. Ils auraient des terres qui ne sont pas cultivées. L’Etat paierait des paysans pour ne pas produire afin d’éviter la surproduction qui ferait chuter les prix des aliments. Si maintenant on prend ces terres pour produire des biocarburants, il n’y a pas de problème.



En Haïti, il y a des quantités de terres qui ne sont pas cultivées; on pourrait les utiliser pour produire des biocarburants. Selon le document du GTA, plus de la moitié des terres ont des pentes supérieures à 40 %. Actuellement 1.500.000 ha sont cultivés, mais seulement 770.000 ha sont cultivables; il y aurait donc 2.005.000 ha sur lesquels on n’a pas le droit de faire des cultures sarclées. On pourrait les utiliser pour des plantes pérennes capables de produire des biocarburants, par exemple le jatropha.



Le MPP avait un autre dossier: l’énergie. Il proteste contre l’utilisation du charbon de bois et estime qu’il faut que l’Etat se débrouille pour fournir d’autres carburants. Je faisais la même réflexion à propos des boulangeries, des guildives, des dry cleaning, et demandais un arrêté donnant un délai à toutes ces entreprises pour qu’elles se reconvertissent en passant du bois au pétrole. Maintenant que je connais le cycle du carbone, je me dis qu’il vaut encore mieux rester au bois, à condition de renouveler la ressource, ce qui me ramène à une autre de mes idées fixes: les forêts énergétiques.