Assurer un environnement durable

Telle est la formulation de l’objectif placé en septième position sur la liste des OMD. A mon avis, il y a un problème de hiérarchisation, comme je l’ai signalé dans le premier article de cette série (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), car cet objectif devrait être en premier sur la liste, tant il est vrai que s’il n’y a pas d’environnement il n’y a pas d’homme (au sens générique du terme) et ce n’est plus la peine de se fatiguer.

Passons maintenant aux cibles, elles sont au nombre de quatre :

  1. Intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales.

  2. Réduire la perte de la biodiversité et atteindre, d’ici à 2010, une diminution significative du taux de perte.

  3. Réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base.

  4. Améliorer sensiblement, d’ici à 2020, les conditions de vie de 100 millions d’habitants des taudis.

Passons-les en revue, en commençant par la dernière : « Améliorer sensiblement … les conditions de vie de 100 millions d’habitants des taudis ». Personnellement je trouve la formulation un peu ridicule. Elle se veut un objectif chiffré, en parlant de 100 millions d’habitants, mais quand on pense à toute la population des bidonvilles à travers le monde, cela peut paraitre dérisoire. Et que veut dire « améliorer sensiblement » ? c’est très vague. En fait cela relève de la lutte contre la pauvreté avec toutes ses caractéristiques : chômage, non accès aux services élémentaires tels l’eau potable et l’assainissement, l’énergie, etc.

Ce qui nous mène à la cible précédente : « Réduire de moitié … le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base ». Si on ne veut pas de la proposition précédente, on peut penser, comme je l’ai déjà proposé (voir HEM, Vol. 24, No. 23, du 30/06-06/07/2010), à un objectif visant le domaine de la santé et qui inclurait, comme des cibles, les objectifs 4 : réduire la mortalité infantile, 5 : améliorer la santé maternelle et 6 : combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, l’accès à l’eau potable et l’assainissement et, d’une manière générale, les programmes d’hygiène préventive.

Il nous reste la cible 2 : « Réduire la perte de la biodiversité … ». Ici, nous sommes vraiment dans le domaine de l’environnement. Le rapport signale que « Le monde n’a pas pu atteindre la cible de 2010 pour la préservation de la biodiversité, ce qui pourrait avoir de graves conséquences ». Ce concept de biodiversité n’est pas directement accessible à tous et nous allons devoir y revenir. En attendant, nous nous contenterons de ce passage tiré du rapport : « La biodiversité est d’une importance vitale pour le bien-être de l’humanité, car elle est à la base d’une large gamme d’écosystèmes dont dépend la vie elle-même. Des milliards de gens, dont beaucoup parmi les plus pauvres, sont directement tributaires d’une faune et d’une flore diversifiées pour leur survie. La perte irréparable de la biodiversité ralentira aussi les efforts entrepris pour atteindre les autres OMD, en particulier ceux qui ont train à la pauvreté, la faim, la santé, car elle aggrave la vulnérabilité des pauvres et réduit leurs options en matière de développement ».

Et nous voilà arrivés à la cible 1 : « Intégrer les principes du développement durable dans les politiques et programmes nationaux … ». Nous allons nous y arrêter un peu car le rapport mentionne qu’« Il est urgent de réagir de façon décisive au problème du changement climatique », or l’échec de la Conférence de Copenhague semble bien nous montrer que nous ne sommes pas près d’atteindre cette cible.

Faisons rapidement une mise en contexte. Il est généralement admis que le changement climatique, ou plus précisément le réchauffement de la planète, est dû à des émissions de gaz, dits gaz à effet de serre, qui forment une sorte de cloche autour de la planète retenant la chaleur produite par la terre elle-même, et faisant monter la température comme dans une serre, qui est une construction vitrée à l’intérieur de laquelle, dans les pays froids, on cultive certaines plantes, en particulier les plantes tropicales, d’où le nom de gaz à effet de serre (GES).

Parmi les gaz à effet de serre, celui qui donne le plus de problèmes est le gaz carbonique (CO2), qui est produit chaque fois qu’il a combustion, et tout particulièrement quand il y a combustion de ce qu’on appelle les énergies fossiles : pétrole, gaz naturel, mais surtout le charbon minéral. C’est pourquoi, depuis quelques années, des voix s’élèvent pour demander une réduction de la production de gaz carbonique. Cela a abouti à l’adoption, en 1997, du Protocole de Kyoto, du nom de la ville où s’était tenue cette conférence, fixant, aux pays signataires, des limitations ou des réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Ce protocole était prévu pour une période de quinze années ; autrement dit, en 2012, un autre accord devrait entrer en vigueur. Des pré-négociations ont été engagées ; on retiendra la conférence de Bali, en Indonésie, en décembre 2007, et toute une série d’autres rencontres devant aboutir à l’adoption d’un nouveau protocole au cours d’une conférence prévue pour décembre 2009, à Copenhague (Danemark).

La conférence de Copenhague a bien eu lieu ; une gigantesque kermesse ! plusieurs dizaines de milliers de personnes, représentant les gouvernements de quelque 194 pays, les grandes agences internationales et les organisations non-gouvernementales, ont envahi la capitale danoise pendant environ deux semaines. Mais la montagne a accouché d’une souris. Il n’y a pas eu d’accord de Copenhague, mais seulement, pour reprendre les propos de Yves Cochet, ancien ministre de l’environnement, « une déclaration politique indigente de quelques dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement, sans objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans force juridique, sans solidité financière.

Certains observateurs ont fait valoir que c’était un peu la même chose à Kyoto, en 1997, car c’est seulement quatre ans après, avec les accords de Marrakech (Maroc), que les détails du protocole ont été finalisés. Que Dieu les entende ! Des négociations se sont tenues à Bonn (Allemagne) du 31 mai au 11 juin, dont devait sortir un texte qui servirait de base aux décisions du sommet sur le climat qui se tiendra à Cancun (Mexique) en décembre. Pour reprendre la phrase de ce père de l’Eglise : il n’est que d’attendre.

En tout cas, je suis loin de partager l’optimisme des rédacteurs du Rapport 2010 sur les OMD qui affirment que « Le succès inégalé du Protocole de Montréal montre que des mesures contre le changement climatique sont à notre portée ». Ce Protocole de Montréal concerne l’élimination des substances qui appauvrissent la couche d’ozone ; je voudrais signaler à ces optimistes que, non seulement, l’effet de ces substances sur la couche d’ozone est plus généralement admis que celui des gaz à effet de serre, mais aussi, et ceci explique cela, que les enjeux financiers, dans le cas de l’industrie pétrolière, sont beaucoup plus importants.

Bernard Ethéart

HEM, Vol. 24, # 26, du 21-27/07/2010