Emission du

28/10/08

Thème

Le FAG après le passage des cyclones

Invités

Emmanuel Louiceus

Maxo Pinchinat

 

Transcription

 

Bernard

Le 13 mai, nous avons fait une émission avec Jean-Robert Jean-Noël et Alain Thermil sur une proposition de la FONHDILAC dans la cadre de la relance de la production agricole. C’était un mois après les « émeutes de la faim », et on ne parlait que de cela. La FONHDILAC  était partie des diagnostics d’environ 60 systèmes d’irrigation, réalisés dans le cadre du PATRAI pour présenter des données concrètes et indiquer ce qui peut être fait sur ces systèmes d’irrigation pour relancer la production.

Le 27 mai, nous avons eu deux invités qui venaient du Forum Agricole Goâvien (FAG), un groupe qui veut encadrer les associations d’irrigants dans la zone de Grand Goâve – Petit Goâve ; il s’agissait de Emmanuel Louiceus et de Louis Chadik. On était dans la suite logique de l’émission du 13 mai, car les associations de la zone goâvienne avaient été touchées par le PATRAI.

Cette émission avait eu un certain impact dans la zone du FAG ; elle avait encouragé les membres des associations à devenir plus actifs et Mano m’avait demandé de faire une autre émission pour renforcer ce momentum. Nous avions pris rendez-vous, mais Gustave ne nous a pas permis de réaliser l’émission.

Entre temps. Il y a eu les quatre cyclones, et Alain est venu, le 30 septembre, nous parler des dégâts dans la zone goâvienne. Au cours de l’émission, il a reçu un message de Mano qui disait qu’il nous écoutait, et j’en ai profité pour lui passer le message que je l’attendais pour une émission. Nous avons pris rendez-vous pour aujourd’hui.

Il n’est pas encore là ; il est pris dans un embouteillage, j’en profite donc pour placer l’émission dans son contexte. Nous avons eu donc l’émission avec FONHDILAC, nous avons eu l’émission avec le FAG, nous avons eu l’émission sur les dégâts. Mais entre temps j’ai reçu les diagnostics du PATRAI, que la FONHDILAC avait utilisés pour sa proposition. J’ai commencé à les imprimer ; j’ai déjà Fort Royal, Dlo Pity et Barette, et, en attendant que nos invités sortent de leur embouteillage, je veux donner une idée de ce qu’on peut tirer de ces diagnostics.

Il s’agit donc des trois périmètres : Barette, Dlo Pity, Fort Royal. Barette est irrigué à partir de la rivière Barette que l’on traverse en laissant Petit Goâve vers Carrefour Desruisseaux. Dlo Pity est un peu plus loin, c’est un petit cours d’eau que l’on traverse juste après le marché de Vialet. Fort Royal n’est pas sur la grand route ; il faut aller vers la mer, près d’une ruine qui date de l’époque où on voulait transférer la capitale de la colonie de St Domingue du Cap vers Petit Goâve – mais finalement le choix s’est arrêté sur Port-au-Prince, qui fut créé en 1749.

Barette a une superficie de 200 hectares pour une association d’irrigants de 200 membres créée en 2001. Dlo Pity mesure 94 hectares pour une association de 160 membres. Fort Royal n’a que 33 hectares pour une association de 105 membres ; 1/3 d’hectare en moyenne par irrigant.

Les diagnostics parlent des systèmes d’irrigation, des bassins versants, qui sont assez dégradés, sauf peut-être pour Fort Royal, qui est proche de la mer, dans une zone marécageuse, donc difficile à drainer. Mais le centre des études, ce sont les associations elles-mêmes.

Elles ont été créées en 2001, à l’époque du projet PPI. En 2003, elles ont signé un protocole d’accord avec le MARNDR qui les reconnaît et leur transfert la gestion du système.

Mais il y a des problèmes. Quand nous avons eu l’émission avec Mano, en mai, il nous disait que la gestion des systèmes a été enlevée à l’Etat, parce que l’Etat est mauvais gestionnaire. Maintenant, l’Etat est censé accompagner les associations, mais il semble qu’ils aussi mauvais accompagnateur. Depuis qu’ils ont signé le protocole avec le MARNDR, ils n’ont revu personne du ministère. Il existe un Bureau Agricole Communal (BAC) ; quand ils organisent des forums, ils invitent le BAC ; personne ne vient.

Cela me ramène à une discussion que j’ai eue avec Isaac, quand nous avons fait l’émission sur le PPI. J’avais suivi un atelier de restitution du PPI, où j’avais eu l’impression que le ministère n’était pas disposé à faire le suivi du PPI. C’est toujours la même histoire. Il y a un projet, qui met une série de structures sur pied. Le projet est terminé ; c’est au MARNDR de prendre la relève et il ne le fait pas. Isaac avait protesté ; à l’époque il était directeur intérimaire du PPI et ne pouvait pas trop critiquer le MARNDR. Mais, quand on entend Mano et quand on lit les diagnostics, il faut se rendre à l’évidence : il n’y a pas de suivi.

Mais il y a plus grave. Les diagnostics disent que le processus de transfert de gestion est inachevé. On avait décidé, au niveau du PPI, que la dernière phase de consolidation directe et de cogestion ne serait pas exécutée par le PPI, mais par le MARNDR, et ce justement pour assurer la continuité. Or les structures du MARNDR n’ont ni la compétence ni les moyens de le faire. C’est donc un processus inachevé, ce qui a des conséquences sur le fonctionnement des associations.

Je m’arrête, car entre temps mes invités sont arrivés.

Messieurs présentez-vous.

Mano

Bonsoir, auditeurs de Mélodie, je suis Emmanuel Louiceus, coordonnateur du FAG ; c’est ma deuxième participation à une émission.

Maxo

Bonsoir Bernard et les auditeurs, je suis Maxo Pinchinat, conseiller de l’association des irrigants de Fauché et nous travaillons à la mise sur pied d’une fédération des associations d’irrigants de la zone goâvienne.

Bernard

Je n’ai pas reconnu Maxo tout de suite, car j’attendais quelqu’un d’autre.

Mano est sur le périmètre de Barette, Maxo sur celui de Fauché, Grand Goâve. Cela fait longtemps que je voulais l’inviter. J’avais convaincu Mano lors de l’atelier du FAG, le 18 mai, à Vialet. Pour Maxo, je l’avais rencontré une première fois à l’occasion du 1er mai, car cette année c’est à Fauché que nous avons célébré la fête de l’agriculture ; nous avions été invités par l’association des irrigants de Fauché (AIFA), dont Maxo a été le président. Et puis, il n’y a pas longtemps, nous avons fait une visite à Diny, un endroit qui doit être cher à notre 1er Ministre car FOKAL y a travaillé. C’est tout en haut dans la montagne, au-dessus de Grand Goâve. Du temps de la colonie, il y a eu un système d’adduction d’eau potable qui a été repris par FOKAL.

Ces messieurs sont donc arrivés en retard, mais ils sont là. Je les salue et je les mets vite au courant de ce que nous avons fait en les attendant.

Pour cet après-midi, j’avais deux choses en tête :

          Une idée des dégâts causés par les cyclones,

          Sur la base des diagnostics, qu’est-ce qui  est possible et qu’est-ce qui a déjà commencé ?

Mano

PATRAI a fait des diagnostics ; on a vu des problèmes physiques et organisationnels ; mais après le passage des cyclones, presque tout est à refaire sur le plan physique.

80 % des jardins sont dévastés ; il y a une culture pour les gens de la région, c’est l’arbre véritable, je vais utiliser un mot : les arbres sont extirpés, ils sont déracinés dans leur majorité ; les bananiers également ; enfin, sur le plan physique, c’est la dévastation.

Bernard

Et les structures du périmètre ?

Mano

Au niveau de Barette, on a une rive qui ne fonctionne pas, c’est la rive droite.

Bernard

C’est celle qui est alimentée par un conduit qui passe sous la rivière ?

Mano

Exactement. Pour la rive gauche, il y a une ravine qui crée des dégâts quand elle est en crue. Pour Dlo Pity, il y a des terres qu’on ne peut travailler, elles sont couvertes de sable.

Maxo

Pour Fauché et Glaise, les gens ont perdu 20 à 25 hectares emportés par la rivière Lavagne. Sur le périmètre de Fauché, la ravine Louko apporte des sédiments quand elle est en crue. Les terres sont recouvertes de pierres. Au barrage de Fauché, il y a un effet renard, l’eau ne passe pas dans le système.

Bernard

C’est le barrage que nous avons vu en montant à Diny ?

Maxo

C’est bien lui.

Bernard

Rappelle moi ce qu’est l’effet renard.

Maxo

Tu vois l’eau arriver et tu ne vois pas où elle s’en va.

60 % des jardins sont perdus. Mais les planteurs examinent comment ils vont reprendre le travail, car ils ne peuvent pas attendre. Ils ont donc fait une prise en batardeau pour permettre à l’eau d’entrer dans le système.

Grâce à PATRAI et CEHPAPE on fait des travaux de curage pour amener l’eau dans tout le périmètre.

Je crois que c’est la même situation pour Glaise dont le barrage est complètement sédimenté ; une berge de protection en gabionnage est partie et un canal de transfert, fait de conduites souterraines, est obstrué. La piste agricole est abîmée également.

Bernard

Vous autres, c’est Gustav qui vous a frappés ; je me souviens que les premières informations que j’ai reçues venaient de Vallue. Il est vrai que Gustav a traversé la presqu’île ; c’est du reste ce jour-là que nous avions rendez-vous pour faire la seconde émission sur le FAG.

Voilà donc un bien sombre tableau. Mais y a-t-il des choses qui se font ?

Maxo

Sur le périmètre de Fauché, on a commencé à travailler. Les planteurs sont directement concernés et, grâce à la motivation au niveau des associations, ils ont pris leurs responsabilités. Nous leur avons dit que l’eau est pour eux, ils doivent voir ce qu’ils peuvent faire et ne sont pas obligés d’attendre qu’on vienne les aider. C’est ce qui fait que le périmètre est actuellement alimenté.

Bernard

Ça, c’est pour Fauché ?

Maxo

Pour Fauché ; pour Glaise, il y a des discussions qui sont entamées. J’étais avec eux hier et je leur disais qu’ils ne doivent pas rester à attendre. Je pense qu’aujourd’hui ils doivent commencer le curage du bassin de distribution et des canaux primaires.

Bernard

Et chez toi ?

Mano

Dieu merci, au niveau de Barette, il y a un organisme international qui intervient, mais ce n’est pas dans un cadre structuré qui répond à l’attente de la population. Ils interviennent dans la mise en place d’une série de canaux qui permettent la circulation de l’eau. D’autres activités sont envisagées par l’association, ainsi qu’au niveau de Dlo Pity et de Fort Royal. Il y a cependant des espaces non cultivables, parce que recouverts de sable.

Le gros travail à faire sur Barette, c’est pour la rive droite qui ne reçoit pas d’eau, comme je l’ai expliqué. Sur la rive gauche, il y avait un drain qui renvoyait l’eau dans la rivière et qui ne fonctionne plus. Il faut donc des interventions sérieuses.

Cependant on peut dire que les agriculteurs s’organisent pour la campagne d’hiver. Mais il y a des interventions qui doivent être faites pour que la situation redevienne normale.

Bernard

Tu as parlé d’un organisme international, lequel est-ce ?

Mano

OIM

Bernard

Maintenant, lors de la dernière réunion de FONHDILAC, Alain avait donné un compte rendu sur PATRAI et avait dit que la première chose à faire était d’aider les planteurs à remonter sur les périmètres, faire les premiers travaux nécessaires à la reprise des activités. Apparemment, c’est ce qui est en train de se passer.

Il avait seulement dit, que PATRAI étant un projet qui s’intéresse aux associations, il n’avait rien à voir avec les infrastructures. Il n’y avait qu’un petit fonds, qui devait servir à la sensibilisation/motivation et qu’on pourrait utiliser pour réparer les dégâts. Mais il semble qu’il y aurait des possibilités de renforcer ce fonds avec des moyens financiers externes à PATRAI. Est-ce que, à part l’OIM, il y a d’autres appuis qui arrivent ?

Mano

Selon les informations que nous avons reçues avant de venir ici, au niveau du MARNDR, on prend des dispositions pour mener des activités de Léogane à Petit Goâve, pour que l’agriculture reprenne.

Mais, au niveau de l’Etat, gen moun k’ap kòde, gen moun k’ap dekòde. Le président Préval parle de relance de la production nationale, mais si tu vas au ministère pour voir combien sont d’accord, tu peux te tromper. Il y a des difficultés pour que les choses atterrissent.

Nous avons participé aux activités du PPI et nous pensons avoir un engagement. Si on considère la politique d’irrigation du ministère, elle est très bien, mais elle ne peut atterrir. C’est pour cela que, au niveau du FAG, nous prenons des initiatives pour pouvoir faire pression sur l’Etat. Nous voulons monter une fédération au niveau de la zone goâvienne, puis nous allons travailler à une confédération des associations d’irrigants pour organiser le secteur et constituer un groupe de pression.

Maxo

Je pense que, comme Mano l’a dit, il y a des activités prévues au niveau du ministère ; il y a le fonds d’urgence.

Bernard

Oui, le ministère a une belle somme.

Maxo

On parle de 57 millions. Le ministre, au cours des réunions, étudiait comment relancer la production. Nous ne rentrerons pas dans le détail du programme, mais nous savons que, pour la région goâvienne, il y aura des interventions depuis la rivière Momance jusqu’à la 2ème Plaine, curage de canaux, réhabilitations physiques …

Bernard

Momance, c’est Léogane ; on va donc traiter tout ce bloc, de Léogane à Miragoane ?

Maxo

Il y a des périmètres qui ne seront pas touchés, comme Diny, Béchade.

Nous avons formé un comité d’initiative au sein du FAG pour nous positionner. C’est à nous de nous organiser d’abord pour que l’Etat prenne ses responsabilités. Nous consti-tuerons ainsi, comme l’a dit Mano, une force de pression pour dire à l’Etat : voilà comment les choses doivent se faire.

Nous voulons élaborer un plan de développement pour la zone goâvienne.

Bernard

Vous avez parlé de fédération ; est-ce que je me trompe, ou est-ce que j’ai bien entendu Camille dire récemment qu’il allait à Petit Goâve pour une affaire de fédération ? est-il partie prenante ?

Maxo

Oui, il est avec nous ; c’est toujours dans le cadre du PATRAI.

Bernard

Quand on lit les diagnostics, ils insistent beaucoup sur cette idée de fédération. Si on veut citer le proverbe : men anpil, chaj pa lou, il y a des besoins des associations qu’elles ne peuvent satisfaire individuellement, mais, si elles sont regroupées en fédération, certaines choses sont possibles. Par exemple, les diagnostics insistent beaucoup sur la nécessité d’un comité technique qui donnerait des directives dans la gestion technique des systèmes et ce comité pourrait être au niveau de la fédération.

Ils ont aussi parlé de boutiques d’intrants, de crédit. Si on achète de l’engrais en gros, on peut faire des économies ; il vaut mieux donc se mettre ensemble. Pour le crédit, c’est plus compliqué parce que, jusqu’à nouvel ordre, il n’y a pas beaucoup de crédit pour l’agriculture. Cependant un groupe plus important aurait plus de chance que des individus de trouver du crédit.

Mano

Quand on prend un système, on peut se faire une idée des services à mettre en place pour faire marcher l’association.

Bernard

Nous saluons quelqu’un qui vient d’arriver. Il s’agit de Camille Bissereth. Bonsoir Camille et viens ici pour saluer les auditeurs.

Mano

Je dois dire que l’agronome Bissereth, depuis maintenant dix ans, est un ami, un professeur, un père. Quand nous parlions autrefois, c’est Camille qui mettait les mots dans notre bouche. L’autorité que nous avons acquise entre temps se traduit de plusieurs manières. Actuellement, nous voulons écrire un document, que nous soumettrons au PATRAI, au PPI, au ministère, dans lequel nous exposons comment nous comprenons l’association d’irrigants. Nous avons l’expérience, et quand nous entendons certaines personnes parler d’association d’irrigants, nous avons l’impression qu’elles ne savent pas de quoi elles parlent.

Bernard

A propos de ce travail dont tu parles, j’ai fait une indiscrétion involontaire. Il semble que tu as envoyé un courriel à Jean-Robert, qui t’a répondu, mais il a envoyé sa réponse à tout le monde, de sorte que je suis au courant d’un mémoire que tu prépares pour l’université.

Mano

Je ne voulais pas en parler, mais je travaille effectivement sur ce mémoire. J’ai étudié le droit, mais je veux me spécialiser dans le domaine du droit rural. Mais j’ai commencé à travailler sur un document en créole, que serait un guide pour le fonctionnement des associations d’irrigants.

Cela commence avec un historique ; nous parlons de la loi de 1952, sous Magloire, qui commence à introduire les associations d’irrigants, et on arrive au décret de Ertha Pascal Trouillot, en 90-91, qui institutionnalise les structures locales de gestion des associations d’irrigants.

Tu auras la primeur du guide, car il faut que tous les grands messieurs donnent leur avis.

Mais pour revenir à notre sujet, la fédération a une grande importance, en particulier avec le comité technique. Les postes électifs sont de caractère libéral …

Bernard

Qu’est-ce que tu entends par libéral ? Tu as peur de dire le mot : les postes électifs sont politiques.

Mano

Dimanche, nous avons organisé les élections sur le périmètre de Barette et Mélodie and company  a joué un grand rôle, car après l’émission que nous avons eue en mai, les gens ont commencé à voir les choses autrement.

On a donc un comité élu au niveau de Barette. Le président Préval était dans la 2ème Plaine aujourd’hui ; il n’a pas parlé d’agriculture ; c’est pour la route qu’il était venu, mais il a dit qu’il reviendrait avec l’agronome Gué pour l’agriculture.

Bernard

Je vais faire une parenthèse pour Camille qui est en face de moi. Je pense à cette histoire d’un fonctionnaire de la DIA (Direction des Infrastructures Agricoles) que le PPI avait fait visiter un de leurs projets et qui aurait dit, après avoir entendu parler les paysans : « je vais perdre mon travail, les paysans en savent autant que moi ». C’est ce qui nous arrive maintenant ; ces messieurs sont plus forts que nous !

Mais revenons à des choses plus sérieuses. A propos de cette affaire de fédération, je craignais que le choc des cyclones ait provoqué un découragement, mais apparemment ce n’est pas le cas.

Maxo

Cela fait cinq ans que nous parlons de fédération ; nous en avons parlé dans tout le pays, jusqu’à la Plaine de l’Arbre, car nous pensons que, si nous nous constituons en fédération, cela fera une grosse force de pression et l’Etat sera obligé de nous entendre.

Ce dont tu as parlé tout à l’heure, j’en été victime avec le ministre Sébastien Hilaire, lors d’une visite à Fauché. Après que j’aie parlé, il a dit que ce n’était pas un paysan qui avait parlé, que c’est l’agronome qui lui avait dicté ce qu’il devait dire. Finalement, au cours d’une rencontre au Montana, où je représentais l’ensemble des associations d’irrigants, il a du se rendre compte que ce n’était pas l’agronome Bissereth qui parlait par ma voix.

Bernard

Ce n’est pas Camille qui avait « craché dans ta bouche ».

Mano

Je profite pour saluer l’agronome Bissereth qui est venu nous retrouver.

Bernard

Il fallait bien qu’il vienne parce que finalement il est derrière ces trois diagnostics que j’ai cités ; j’ai du reste quelques remarques que je lui présenterai à l’occasion.

Il y a un autre point dont je parlais quand vous êtes arrivés ; je ne sais pas si vous l’aviez entendu. C’est ce passage, que l’on retrouve dans les trois diagnostics, où il est dit que le processus de transfert de gestion est un processus inachevé. Le PPI avait décidé que la dernière phase serait exécutée par le MARNDR, mais le MARNDR n’avait ni la volonté, ni les moyens de la faire. Ce serait une des explications des faiblesses qu’ils ont constatées au niveau des associations, au moins pour les trois dont j’ai lu les diagnostics.

Maxo

Je pense que ce que tu as trouvé pour ces trois-là, tu le retrouveras pour les autres aussi.

Bernard

Je me souviens d’une phrase de Mano : on a transféré la gestion parce que l’Etat est un mauvais gestionnaire, mais maintenant l’Etat se révèle un mauvais accompagnateur ; depuis que nous avons signé l’accord de 2003 on ne l’a plus revu.

Maxo

Le contrat dit que les associations gèrent le système et que l’Etat s’engage, quand il y a une catastrophe, à intervenir, mais aussi à accompagner par des visites pour voir comment marche la gestion. Sur tous les périmètres, l’Etat n’est jamais venu voir ce que nous faisions. Il n’a jamais essayé de voir comment renforcer les associations. Il y a un grand vide.

Bernard

Il y a aussi le problème de la loi sur les associations que l’on n’arrive pas à voter. Ceux qui ont rédigé les rapports sont très prudents ; ils disent qu’il y a une volonté de faire passer ces lois, mais que malheureusement on constate certaines lenteurs. C’est de la diplomatie ; Camille, je dis cela pour tes rédacteurs, car en fait, il n’y a pas de volonté de faire avancer les choses ; depuis le temps qu’on en parle, s’ils le voulaient cela aurait été fait.

Mano

Il y a un constat à faire. Ces derniers temps, j’ai lu des tas de documents du MARNDR sur le transfert de gestion. Ce qui est sur le papier est bien beau. Mais les associations ne peuvent pas remplir leur mission. Prenons par exemple le problème des redevances. Il y a une absence de moyens permettant à l’association de faire payer la redevance. Au niveau juridique, dans plusieurs pays, il y a des moyens coercitifs pour forcer les usagers à remplir leurs obligations. Ici, les associations sont faibles ; il n’y a pas de loi qui établisse le cadre légal du transfert de gestion.

Bernard

Je vais te citer un cas. Tu as été à Croix Fer. Le périmètre de Croix Fer a été aménagé par une ONG, qui s’appelait CHADEV, avec des fonds qui venaient d’une église aux Etats Unis. Le président du CHADEV, Monseigneur Garnier, a signé un accord sur la mise en œuvre du projet avec le ministre de l’agriculture, Edouard Berrouet. Croix Fer était un « Ilot de Développement » et le STID (Secrétariat Technique des Ilots de Dévelop-pement) assurait le suivi des activités pour le MARNDR. Un beau jour, un nouveau ministre de l’agriculture, qui avait eu un problème avec le STID, l’a tout simplement sup-primé. Bien que responsable du projet, je n’ai jamais été informé de la fermeture du STID ; d’autres responsables de projet, comme le père Grandoit, qui était responsable de l’Ilot de Desarmes, n’ont pas non plus été informés.

J’ai continué le travail, j’ai achevé le système ; on a invité le ministre de l’agriculture à l’inauguration ; à l’époque c’était le ministre Flambert ; il n’est pas venu, il a envoyé le Secrétaire d’Etat Docteur ; le système est entré en fonctionnement, le MARNDR ne s’est jamais soucié de savoir ce qui se passait.

Mano

Ce qu’il nous faut, c’est arriver à forcer l’Etat à prendre ses responsabilités ; faire passer cette loi sur l’irrigation. Il y a le code rural de François Duvalier, qui parle d’irrigation ; mais il date de 1962, il n’est pas adpté à la situation actuelle.

Récemment j’étais à une émission avec l’actuel directeur du PPI, Tony Dessources. Nous avons parlé de tout ce dont nous parlons maintenant. Il est d’accord pour qu’on aille plus loin avec le FAG, il est d’accord pour que le ppi l’appuie. Nous allons continuer ; nous voulons qu’avant la fin du mandat du président Préval, il y ait une loi qui sanctionne le transfert de gestion.

Bernard

Et une loi qui donne aux associations une existence légale.

Mano

Nous, qui parlons maintenant, nous ne sommes pas président d’association ; nous adhérons au mouvement ; nous faisons tous nos efforts et nous espérons obtenir des résultats.

Il y a une chose que les gens dans l’Etat doivent comprendre : l’irrigation des terres est un des moyens les plus surs d’obtenir une augmentation de la production agricole.

On en a discuté au colloque du Christopher et une des résolutions qu’on avait prises était la fédération des associations d’irrigants.

Bernard

Nous allons malheureusement de voir nous arrêter, mais comme tu fais allusion au Christopher et a toutes les sessions du GRI (Groupe de Réflexion sur l’Irrigation), je me souviens qu’à la fin du colloque, comme j’aime toujours faire des blagues, j’avais lancé le mot d’ordre : « irrigants du monde entier unissez vous » ; certains comprendront à quoi je fais allusion.

Par ailleurs, chaque fois que tu parles de pression, je dois sourire, parce que je me souviens qu’à l’atelier du FAG de l’année dernière, je vous disais que si vous attendiez de l’Etat qu’il agisse, vous n’auriez rien, il faut faire pression sur lui. J’étais tout fier de moi, mais par la suite, je me suis demandé : qu’est-ce que je leur ai dit ? c’est quoi faire pression ? Et j’avais l’intention de travailler la question pour vous faire des propositions plus concrètes. Je n’ai jamais eu le temps de la faire ; il y a eu un autre forum où on n’en a pas parlé, mais chaque fois que tu dis « pression », je pense que je vous dois quelque chose.

De toute manière, quand vous parlez de séminaire de formation, si vous avez besoin de quelqu’un pour vous raconter des histoires, je suis là.

Mano, Maxo

Merci d’avance.

Bernard

C’est moi qui vous remercie ; je suis heureux d’avoir eu Mano à ce micro, mais je suis encore plus heureux d’avoir eu Maxo, car cela faisait longtemps que je souhaitais le recevoir.

Maxo

Jusqu’à présent je n’ai pas encore été invité, car aujourd’hui je n’ai fait qu’accompagner Mano.

Mano

En guise de conclusion, nous remercions l’agronome Bissereth qui nous a rejoints, et tous ceux qui nous écoutent de chez eux. La fédération va se présenter au public ; nous aurons un atelier auquel tu seras invité.