L’identification des biens
Après avoir parlé de la définition des droits (voir
HEM, Vol. XIX, No. 45, du 07-13/12/05), nous devons aborder le second des trois
éléments essentiels à la garantie de la sécurité foncière :
l’identification des biens.
On se souvient que tous les documents traitant des
causes de conflits dans l’Artibonite ont signalé l’absence de cadastre
(Commission Justice et Paix des Gonaïves) ou « la non fixation des limites
de propriété » (Serge Bordenave et la commission de notables de Desdunes)
comme l’une des origines de ces conflits (voir HEM, Vol. XIX, No. 41, du
09-15/11/05).
Il s’agissait donc, au moment de lancer l’expérience
pilote, de procéder au relevé cadastral des quatre habitations retenues pour ce
que l’on a pris l’habitude d’appeler la « première phase de la réforme
agraire », en l’occurrence : la terre faisant l’objet du conflit
Attié-Bricourt, dans la commune de l’Estère, la ferme Trois Bornes, dans la
commune de Desdunes, la ferme Bertrand St Ouen, dans la 5ème section
de St Marc (Bocozelle) et la ferme de Déseaux, dans la commune de
Marchand-Dessalines.
Mais on se souvient également que la tentative de
régler le conflit Bertrand St Ouen suite à la visite de la délégation
ministérielle, le 8 août 1995, avait tourné court, parce que ni l’ODVA, ni la
DGI, ne se sentaient en mesure de procéder à ce relevé cadastral (voir HEM,
Vol. XIX, Nos. 42 et 43). L’INARA dut donc se donner les moyens de réaliser ce
travail lui-même.
Ce fut la création de cette première « équipe
génie-cadastre » constituée, au début, avec des techniciens empruntés à
l’ODVA et la DGI. Par la suite, cette équipe fut renforcée et formalisée que
sous la dénomination de Service Déconcentre de Génie, Cartographie, Topographie
et Aménagement du Territoire (SDGCTAT), le terme de cadastre ayant été éliminé
pour ne pas donner l’impression de vouloir piétiner les plates-bandes de
l’ONACA.
On doit signaler que ce service a bénéficié de l’appui
de la Coopération Française avec les visites de nombreux consultants qui ont
grandement contribué à la formation du personnel et à l’introduction des
techniques les plus modernes. On citera le passage de MM. Delbecque et Paradol,
en octobre 1996, de M. Rech, en janvier-février 1998, de M. Reigner, en
septembre 1999.
Tous ces techniciens ont été recrutés par M. Jacques
Gastaldi de l’ANDAFAR (Association Nationale pour le Développement de
l’Aménagement Foncier, Agricole et Rural), lui-même géographe, qui, entre 1997
et 1999, effectua quatre visites en Haïti. Durant la même période, M. Gastaldi
organisa également des voyages d’études en France, en Côte d’Ivoire et en
Guadeloupe pour des cadres de l’INARA, le Ministre Mathurin ayant participé à
la mission de janvier 1997.
Signalons enfin que le SDGCTAT a aussi bénéficié de la
présence de trois jeunes consultants géomètres : M. Benoit de Corbier,
Septembre 1996 – décembre 1997, Jean-Michel Cosserat, novembre 1997 – janvier
1999, Yannick Galinat, juillet 1999 – septembre 2000.
Mais revenons à l’Artibonite. Une fois l’équipe de
techniciens constituée, il s’agissait de mettre en train les activité de relevé
cadastral ; mais tout de suite, on buta sur la grande difficulté que
constituait l’absence de tout document fiable, plan d’arpentage ou autre, qui
pourrait servir de point de départ aux opérations. Il fallut donc faire appel
aux connaissances de la population. C’est ainsi que, pour chacun des
habitations retenues, il fallu recruter des éclaireurs volontaires capables
d’indiquer aux techniciens les limites généralement reconnues, mais aussi
disposés à le faire.
Nous insistons sur ce dernier point car il ne faut pas
oublier que nous sommes dans l’Artibonite, une zone où il peut être dangereux
de s’aventurer en dehors des grandes voies de communication, si les raisons de
ces déplacements risquent de réveiller la suspicion de certaines personnes. Il
parut donc évident qu’il fallait prendre mesures pour assurer la sécurité des
techniciens et des éclaireurs qui les accompagnaient.
Pour commencer, l’INARA s’est entendu avec les
Commissaires de St Marc et des Gonaïves pour qu’ils mettent à sa disposition, à
tour le rôle, et pour des périodes de deux semaines, un petit contingent de
policiers chargés d’accompagner techniciens et éclaireurs sur le terrain. Par
la suite la Direction Générale de la PNH décida de constituer une Unité de
Sécurité de la Réforme Agraire (USRA) ayant à sa tête un commissaire. Un
commissariat fut installé sur le campus de l’ODVA et des postes dans les
localités de l’Estère, Desdunes, Chevreau Descloches, Bocozelle, Villard et
Déseaux.
Toutes ces mesures étant prises, l’équipe de
techniciens pouvait se mettre au travail et au 7 février 1996, elle avait
pratiquement bouclé, pour les quatre habitations choisies, les trois grandes
opérations de
-
« fermeture »
du périmètre,
-
Relevé
topographique,
-
Etablissement du
parcellaire.
Tout était donc prêt pour que l’on puisse procéder à
la distribution des parcelles aux bénéficiaires identifiés au cours
d’opérations dont nous parlerons la semaine prochaine.
Bernard Ethéart
HEM,
Vol. XIX, No. 46, du 14-20/12/05